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[Cyclisme] Ces Luxembourgeois qui courent pour des clubs français


(Photo : Luis Mangorrinha)

Tom Paquet, Larry Valvasori et Charel Meyers ont disputé dimanche dernier la Vienne Classic, une épreuve amateur que le premier nommé n’était pas loin de remporter. Rencontre avec ces trois personnages du cyclisme luxembourgeois.

Ils n’ont pas renoncé à voir leur rêve devenir réalité et à passer professionnels (repasser pro pour Tom Paquet, 21 ans, le plus jeune, et Larry Valvasori, 27 ans, le plus âgé). Avec Charel Meyers (23 ans), c’est un trio de coureurs luxembourgeois qui évolue dans le peloton dit amateur, en deuxième division française (DN2).

Dimanche dernier, ils ont participé à la Vienne Classic, première manche de la DN2, compétition essentielle pour ces clubs afin de se maintenir dans cette division. D’un point de vue plus individuel, c’est une épreuve d’un jour qui compte, bien que répertoriée dans le calendrier amateur. D’ailleurs, l’appellation est toute relative en France où les formations continentales (3e division professionnelle) ne sont pas légion (on trouve Van Rysel-Roubaix, le CIC U Nantes, Saint-Michel, Nice Métropole, et les équipes développement de Groupama-FDJ et de Decathlon-AG2R) par rapport au nombre de coureurs professionnels issus du pays.

«Je connais bien Charel (Meyers) et avec Tom (Paquet), je parle parfois. Là, j’ai fini la course avec Charel. Il y a eu une chute sur le final et on se trouvait à l’arrière, donc on a été bloqué et on a fini tranquillement. Et je n’ai pas eu le loisir de féliciter Tom pour sa deuxième place. On ne se voit pas souvent, mais c’est cool de parler luxembourgeois pendant quelques courses dans l’année lorsqu’on évolue en France», témoigne Larry Valvasori.

C’est dans ce cadre que les trois coureurs luxembourgeois expatriés en France seront appelés à se rencontrer. Et bien sûr en juin, lorsque viendra le temps des championnats nationaux. Si le Franco-Luxembourgeois Tom Paquet a été le premier à se mettre en évidence, avec une deuxième place dans la Vienne Classic (derrière le Vendéen Damien Bodart), venant confirmer une septième place plus tôt cette saison dans une étape des Boucles du Haut-Var, ses deux compatriotes attendent leur heure.

Les trois coureurs exilés en France cette saison nous expliquent leur parcours et leurs attentes.

«Je retrouve le plaisir»

Après une saison galère, Tom Paquet, l’espoir luxembourgeois, reprend goût au cyclisme dans un club lorrain où il est en train de rebondir.

Tom Paquet, 21 ans, semble en mesure de se relancer après une saison 2023 à oublier. Photo : luis mangorrinha

On l’avait carrément perdu de vue. En 2023, alors qu’il portait les couleurs de l’équipe Leopard, Tom Paquet, espoir qui a 21 ans aujourd’hui, avait disparu de la circulation à partir du mois de juin. Comme il le confesse ci-dessous, ses problèmes physiques soudains avaient fini par atteindre son mental. Le coureur de Roussy-le-Village, dont les caractéristiques physiques (1,69 m pour 60 kg) font de lui un grimpeur puncheur appelé à briller sur les épreuves vallonnées, a trouvé la cause de ses maux et repart d’un bon pied au niveau amateur, dans le club lorrain du Team N’Side.

Pouvez-vous revenir sur vos ennuis de santé qui vous ont conduit à stopper votre saison l’an passé en juin 2023 ?

Tom Paquet : J’ai eu des problèmes au niveau d’une jambe. À haute intensité, je ressentais des douleurs dans ma cuisse droite. Du coup, mon équipe (Leopard) m’a conseillé de faire des examens pour voir s’il ne s’agissait pas d’une endofibrose de l’artère iliaque. C’est de plus en plus courant. Je suis allé passer des examens à Paris et à Lyon, jusqu’en décembre. Finalement, ils n’ont rien trouvé au niveau des artères. Il s’agissait d’une autre pathologie. J’ai un décalage au niveau de la hanche qui me faisait rentrer le genou vers l’intérieur au pédalage. Du coup, je n’utilisais que mon vaste interne, ce qui a entraîné un syndrome des loges. Le muscle gonflait à l’effort et la paroi qui enveloppe le muscle, l’aponévrose, comprimait ce muscle.

Quelle a été la solution finalement ?

J’ai changé de position sur le vélo et je me suis fait confectionner des semelles adaptées. J’ai changé ma façon de pédaler, et suivi des séances de kinésithérapie et d’ostéopathie. Je fais encore du renforcement musculaire pour combler le déficit des ischios jambiers. Environ 30 % du muscle n’était pas utilisé. Il me reste encore un peu de boulot, mais je n’ai plus de problème.

Les examens médicaux ont duré presque six mois, j’ai plongé mentalement dans une forme de dépression

À quand datez-vous votre baisse de performance ?

L’an passé, quand j’allais sur les courses, dès que le peloton accélérait, j’étais lâché à cause des douleurs. Je multipliais les abandons. Pour la saison 2023, j’avais fait une grosse préparation hivernale, mais dès que je suis arrivé en stage avec l’équipe (Leopard), j’ai commencé à souffrir d’une inflammation d’un nerf dans le dos, qui se répercutait dans une jambe. J’ai dû stopper ma préparation… Durant ma saison 2022 à Nantes, ça allait, j’avais bien marché sur la Flèche du Sud (7e place du classement final), c’était une bonne saison, mais rien d’exceptionnel non plus. Sur le Tour de l’Avenir, j’étais bien, mais j’étais malade à la fin. C’est à partir de là que cela s’est gâté. En 2023, les examens médicaux ont duré presque six mois, j’ai plongé mentalement dans une forme de dépression.

Justement, votre début de saison 2024 est prometteur…

Oui, après une saison blanche, comme l’équipe Leopard s’est arrêtée, avec mon absence de résultats, je ne pouvais pas postuler dans une autre équipe continentale. Je ne savais pas si j’allais retrouver quelque chose, je ne savais même pas si j’allais continuer le cyclisme. Et au dernier moment, le Team N’Side, mon club actuel, m’a contacté pour me proposer de les rejoindre sans pression. Le projet est top, on a une bonne équipe en DN2. J’ai recommencé à m’entraîner correctement, ce que je ne pouvais pas faire l’an passé. Je ne touchais presque plus au vélo, sauf pour aller chercher le pain, comme on dit (rires). J’ai repris sérieusement en janvier, mais les sensations reviennent vite et ça fait plaisir.

Je me suis senti soutenu par le Luxembourg dans cette période difficile. J’avais régulièrement des échanges

Avez-vous gardé un contact avec la fédération luxembourgeoise ?

Oui, je suis en contact régulier avec Jempy (Drucker). Je me suis senti soutenu par le Luxembourg dans cette période difficile. J’avais régulièrement des échanges. Pour cette saison 2024, il s’agira de ma dernière année en espoirs et j’espère faire une belle saison avec toutes ces belles courses au programme comme le Tour de l’Avenir, les championnats d’Europe et du monde, si je suis retenu bien sûr. Je reviens de loin, mais les jambes reviennent vite, alors je commence à me mettre quelques petits objectifs dans la tête. Je retrouve du plaisir sur le vélo, ce qui est primordial.

Avec votre club, vous aurez quel programme ?

Beaucoup de courses élites en France, mais aussi des courses UCI comme le Circuit des Ardennes qui va arriver début avril. Ce sera un gros objectif. Peut-être que je participerai à l’Olympia’s Tour avec l’équipe nationale. Ce n’est pas encore décidé. Avec ma septième, puis ma deuxième places, cela apporte de la confiance pour de plus gros objectifs.

Vous n’avez pas levé les bras depuis quand ?

Cela fait un moment. C’était en espoirs première année, au Grand Prix Bob-Jungels, au lendemain des championnats d’Europe. Je portais les couleurs de l’UC Dippach…

Votre but de passer professionnel tient-il toujours ?

C’est toujours mon objectif, les jambes reviennent vite, je retrouve une bonne dynamique et le plaisir, alors je garde espoir.

«Même chez les amateurs, ça va vite ! »

Larry Valvasori a intégré cette saison le CR4C Roanne, club français prestigieux. Il raconte.

Larry Valvasori : «Je n’ai pas de pression et plus beaucoup à prouver.» Photo : dr

Ballotté entre Lyon, où son amie poursuit ses études, Bourg-en-Bresse, dans l’Ain, où réside sa «belle-famille» et le Luxembourg, où comme actuellement, il aime revenir se ressourcer du côté de Wahl, dans le canton de Redange, Larry Valvasori ne s’ennuie pas. La passion du cyclisme est toujours présente chez ce grimpeur de grand style.

Du haut de ses 27 ans, celui qui garde en poche son diplôme d’éducateur a déjà couru six saisons à l’échelon continental (3e division professionnelle) à Differdange (2015-2018), en Autriche dans le Team Voralberg (2013) et à Nice Métropole en 2023. Il retrouve en 2024 le peloton amateur français qu’il a déjà connu (AC Bisontine en 2021 et VC Villefranche-en-Beaujolais en 2022).

«Je n’ai pas de pression et je n’ai plus beaucoup à prouver, je cours pour le plaisir et je vis ce beau projet de mon actuelle équipe du CR4C Roanne sereinement. Mon club est proche de Lyon où étudie ma copine. Je suis proche d’elle. Mais j’ai toujours l’ambition de faire le mieux possible», précise Larry.

S’il n’a plus vingt ans, il se sent comme neuf et ne rechigne pas à appuyer sur la touche «reset», pour se mettre à la page d’un cyclisme en évolution constante. «Ça devient de plus en plus scientifique, tous les détails comptent. L’aérodynamisme, le matériel, la qualité des pneus, la nutrition. Si tu n’es pas à cent pour cent, tu es perdu. Même chez les amateurs, ça va vite! Tout le monde sait ce qu’il doit faire pour marcher. Les moyennes augmentent chaque année», assure-t-il.

Le niveau chez les amateurs ne cesse de monter

Pour cette saison qui est à peine commencée, les rendez-vous ne manquent pas. «Dimanche, sur la Classic Vienne, le final était chaotique et notre sprinteur n’a pas pu s’exprimer. Mais nous aurons beaucoup d’autres occasions ces prochains mois. Les débuts de saison se ressemblent chaque année. On se retrouve dans des pelotons de 200 coureurs. Et tout le monde est surmotivé. C’est nerveux et cela ne me correspond pas vraiment. Je préfère les épreuves plus accidentées comme le Tour du Beaujolais, le Tour du Roannais ou le Tour de Saône-et-Loire, des courses par étapes dures», témoigne celui qu’on ne verra pas beaucoup au Luxembourg cette saison, «hormis les championnats nationaux qui se dérouleront sur le circuit difficile de Harlange, une course qui sera sans doute dure», se réjouit-il par avance…

Bref, les objectifs ne manquent pas. «Le but de l’équipe est de monter en Nationale 1 et ils compteront sur moi au mois d’août sur le Tour du Périgord qui est très dur. Le niveau est différent entre un peloton professionnel et un peloton amateur (NDLR : l’an passé, Larry a totalisé chez les pros 27 jours de course en catégorie 1). Chez les pros, le milieu de la course est généralement tranquille, ce qui n’est jamais le cas en amateur. Par contre, chez les pros, lorsque ça roule vite sur le final, ça roule très vite. Mais le niveau chez les amateurs ne cesse de monter. Par exemple, l’an passé, Alexis Gougeard (qui est repassé professionnel chez Cofidis) était redescendu amateur (dans le club de Rouen), mais n’avait pas gagné souvent», témoigne-t-il en fin connaisseur.

«J’ai encore des revanches à prendre»

Charel Meyers entame sa troisième saison au VCU Schwenheim. L’étudiant en journalisme estime qu’il peut continuer sa progression.

Charel Meyers est un bon coureur de contre-la-montre. Photo : anouk flesch

Le Dudelangeois est resté fidèle à son club alsacien où son directeur sportif n’est autre que John Gadret, l’ancien coéquipier de Ben Gastauer qui avait terminé troisième du Giro 2011. Charel Meyers raconte…

SES OBJECTIFS EN NATIONALE 2

«J’ai de grands objectifs, notamment gagner des courses. C’est bien pour ça qu’on fait du vélo. Pour gagner, se faire plaisir, se faire mal à la « gueule« , c’est ce que je dis toujours. L’an passé, j’ai remporté trois succès amateurs, à Schengen, en Allemagne, et en France, à côté de Strasbourg. C’est important pour le moral. Il y a des fois où on se pose des questions afin de savoir si ça vaut la peine de faire tous ces efforts-là. Une victoire te redonne de la confiance. En Nationale 2, on ne retrouve que des bons coureurs. Mais la confiance manque chez certains d’entre nous et une victoire peut donner cette confiance.»

UNE ÉQUIPE QUI A DES AMBITIONS

«La direction de l’équipe est claire, l’objectif principal de l’équipe est de remporter cette Coupe de France. Mais malheureusement pour nous, on a raté dimanche le premier rendez-vous sur la Classic Vienne. On a roulé de travers… On a marqué très peu de points et c’est dommage. On était venu pour la gagne et on finit cinquième du classement par équipes. C’était loin de notre objectif. Ce n’est pas fini. L’an passé, c’est à cette cinquième place que nous avions terminé au classement final. Mais ce n’est pas comme ça que cela doit marcher. Le prochain rendez-vous, ce sera le 19 mai, un contre-la-montre par équipes où on devrait être mieux. L’an passé, nous avions terminé deuxième. Là, on va devoir rouler pour la gagne.»

L’objectif reste de passer pro, je me donne encore deux ans pour y arriver

UN STATUT D’ÉTUDIANT

«Je suis toujours étudiant à Fribourg et je vais finir mes études cette année. Ce que je veux faire, c’est journaliste sportif. Du coup, mon but est désormais de préparer un master en journalisme à Cologne.»

SON AVIS SUR LE CYCLISME FRANÇAIS

«Personnellement, je pense qu’en France, c’est le meilleur niveau amateur possible. Beaucoup de personnes te disent qu’il faut aller en Belgique ou aux Pays-Bas, mais je ne suis pas de cet avis. Les grandes courses en France sont d’un très bon niveau. Beaucoup de coureurs français qui font leurs armes dans ce peloton passent pros.»

SES OBJECTIFS

«Je suis toujours entraîné par Frank Schleck. L’objectif reste de passer pro, je me donne encore deux ans pour y arriver. Même si j’ai 23 ans, je n’ai pas donné tout mon potentiel, je peux faire mieux et j’ai encore quelques revanches à prendre.»

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