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Culture the Kid, l’attraction rap au Luxembourg


(photo Brandon Pires)

On l’a beaucoup vu et entendu cette année. Professionnel et multiculturel, Culture the Kid ne devrait pas en rester là. Entretien.

Son année 2023 coupe le souffle : un EP en avril (Dr. Doubt & Mister Ego), un premier concert en dehors du Luxembourg en mai (au Pelpass Festival, Strasbourg), une victoire au Screaming Fields en juillet et un LP sorti il y a une semaine (AYNE?), présenté ce samedi soir aux Rotondes. Culture the Kid (Matteo Griz Wolff de son vrai nom) donne la cadence et ça ne fait que commencer.

Le garçon a la fraîcheur et l’audace de ses vingt ans, comme en témoignent des chansons où il aime se mettre en scène sur une musique à part, fruit de ses origines brésiliennes, ses passions américaines et sa formation londonienne.

Jamais bridé, formé à la guitare au RockClub, amateur de jazz avec le groupe Jambal, il a même osé un album folk ! Mais c’est bien le rap qu’il triture et chante en plusieurs langues, dans une approche qui ne souffre d’aucune limite. Comme lui.

Ma vie, ce n’est pas celle de 50 Cent!

Vous avez commencé par le rock, le jazz et votre premier EP est folk ! C’est une étonnante entrée en matière, non ?

Culture The Kid : C’est clair que mon album (Searching Rhymes, 2022) était un ovni, qui ne correspondait en rien avec ce que j’avais fait, ni ce vers quoi je comptais m’aventurer. C’étaient des chansons que j’avais composées à la guitare, entre mes 15 et 17 ans. Ça aurait été dommage de les laisser traîner… Je voulais que ce témoignage soit immortalisé. Avec honnêteté, sans que ça fasse trop réchauffé.

Peut-on dire que vos racines musicales sont multiples ?

C’est sûr, mais surtout, je n’ai pas grandi avec le rap. J’ai découvert ce style durant mon adolescence, avec l’album Get Rich or Die Tryin’. Mais ma vie, ce n’est pas celle de 50 Cent! Je ne me voyais pas faire la même chose, car il faut défendre un message authentique. Je n’avais alors aucune légitimité à le faire.

Comment y êtes-vous venu alors ?

J’y ai trouvé une façon de m’exprimer. Le rap est très imagé, léger aussi. Quelque chose qui tient de l’ordre de la fête, que l’on chante en soirée. Ce style permet à la fois d’être amusant et insouciant, comme profond et introspectif.

 

Est-ce une dualité avec laquelle vous aimez jouer ?

Oui, notamment avec mon EP Dr. Doubt & Mister Ego. C’est réducteur, la nature humaine peut se résumer à l’égocentrisme et aux incertitudes. Ça colle en tout cas à ma personnalité : je doute souvent, et parallèlement, j’aime me donner un côté superhéros. Attention, ça n’a rien de malsain ! Je me refuse d’être dénigrant vis-à-vis des autres, seulement un peu joueur, pompeux, flamboyant. Selon moi, il faut s’aimer, beaucoup même, pour que le monde ne vous mange pas.

Ce n’est pas aux autres de définir ce que l’on est

Comment êtes-vous devenu Culture The Kid ?

Avec mes premiers textes, je faisais des freestyles à l’école. Et à chaque punchline, un copain de ma classe criait « Culture ! » C’est resté. J’ai sorti mes premiers sons sous cette appellation. Bon, j’ai vite remarqué que sur Spotify et autres, on était des milliards à avoir le même nom (il rit). J’étais noyé dans la masse ! J’ai alors rajouté « The Kid » pour cette énergie insouciante, instinctive, qui me correspond.

Vous avez les pieds au Luxembourg, et la tête entre le Brésil et Londres. Ça donne quoi comme mélange ?

C’est une richesse incroyable, même si c’est parfois difficile à vivre. Ceux qui grandissent avec la double nationalité, ou une double culture, vous le diront : on cherche toujours à vous mettre dans une case. Moi, par exemple, je suis trop brésilien pour le Luxembourg, et trop luxembourgeois pour le Brésil… Mais ce n’est pas aux autres de définir ce que l’on est! C’est un constat qui s’est affiné à Londres, où la mixité est encore plus flagrante qu’au Grand-Duché, et surtout, ne s’explique pas. En tout cas, je n’échangerai ce mélange pour rien au monde. Il me façonne de façon très positive.

Dans le même sens, vous maitrisez six langues. Est-ce une force ou, au contraire, le risque de s’éparpiller ? 

Si un artiste chante en plusieurs langues, il aura cette capacité à toucher un marché plus grand, mais moins consistant, composé de différentes communautés peu unies entre elles. Personnellement, 99 % de mes chansons sont en anglais et je vais continuer dans cette voie. Mais je m’autorise à écrire en français et en portugais. Si j’ai cette possibilité-là, pourquoi je m’en priverais?

Cette année a été très riche pour vous. C’est ce que l’on appelle une croissance accélérée, non ? 

Oui, mais c’est du travail. Artistiquement, c’est vrai, les projets sortis viennent des tiroirs, des chansons composées des mois avant. Ce sont comme des rétrospectives ! Mais l’année a surtout été instructive en termes de processus créatif : développer, structurer un projet, et remplir plein de paperasse. Ça n’a rien de glamour!

Voyez-vous cela comme un bond en avant ?

Oui, je trouve. Après le succès au Luxembourg de la chanson Glass Walls (2021), j’ai manqué de régularité. J’ai appris de cela. Aujourd’hui, j’ai quatre projets en cours de préparation, concrets, et plus uniquement un stock de chansons sous la main. Ma démarche est plus mûre, réfléchie, car c’est compliqué de récupérer les auditeurs que l’on a perdus.

Cette année, il y a aussi eu ce premier concert donné en dehors du Luxembourg. Était-ce un vrai premier test ? 

J’ai joué sur une scène minuscule, mais ça reste le meilleur concert de ma vie! Les gens étaient réceptifs et participatifs, bien plus que ne peut l’être le public luxembourgeois, alors qu’eux ne me connaissaient pas. Car l’important, ce n’est jamais le nombre de personnes qu’il y a devant vous, mais bien l’énergie qu’elles vous renvoient. Et là, j’ai été servi !

Il y a une semaine est sorti votre album, AYNE? (pour Are You Not Entertained?) À travers ce titre, avez-vous peur que les gens s’ennuient avec vous? 

(Il rit) C’est une question tournée vers les auditeurs et le monde de la musique. Je veux être validé, leur montrer que j’ai faim, que je ne suis pas venu pour blaguer. Oui, cet album, c’est une forme d’affirmation. Après, la peur d’ennuyer a été un moteur pour la construction du disque. C’est aussi pour cela que l’on trouve beaucoup de chansons énergiques.

Dessus, vous alternez les langues, les humeurs (soul, jazz, funk…) et des samples brésiliens. Est-ce nécessaire d’afficher toute votre richesse multiculturelle? 

Oui, car je voulais que tout le monde trouve son bonheur. Et moi aussi! Je vais vous donner un exemple : sur une chanson, je fais de la drill, bien que je ne sois pas l’aise avec ce genre. Ça vient d’un milieu où on parle de drogues, d’armes, de gangs… Bref, assez loin de ce que je connais au Luxembourg! Du coup, j’ai combiné la rythmique à un sample d’un musicien de Cuba, Carlos Puebla. Ces associations gomment les limites et ouvrent plein de possibilités, tout en respectant les styles et les artistes.

Vous avez un accent américain quand vous chantez. Est-ce une façon de consolider votre héritage «old school» ? 

Mes premières écoutes en rap viennent de la côte est. Aujourd’hui, mon rappeur préféré, Marlon Craft, est de New York! Si je m’en inspire pour écrire et poser mes textes, j’essaye aussi de m’en défaire pour trouver ma voie. On ne peut jamais se défaire de ses influences, vu qu’elles vous construisent, mais on peut les atténuer avec d’autres, afin de trouver un mélange singulier que l’on ne voit pas ailleurs.

Est-ce pour cette raison que, pour AYNE?, vous avez travaillé avec différents producteurs ? 

Tout à fait. Il y a Denis Schumacher (alias 2ni), l’un des meilleurs du pays, qui produit près de 80 % des rappeurs luxembourgeois. Mais aussi Arthur Clees du groupe Jambal, un pur génie; Mateus Wodja, un autre excellent jazzman; John Wolter (alias Don Piano) et encore Emerine Samuel, l’auteur de ma chanson préférée de l’album (Pack The Right Boots). Chacun apporte sa touche, et c’est un vrai honneur de travailler avec des gens que l’on a un jour admirés.

Quels sont vos objectifs ?

Pour l’instant, j’essaye de mettre sur pied un live qui ne repose pas que sur ma simple présence, bref, de plus sophistiqué. Et continuer, bien sûr, à apprendre comment propager sa musique, consolider sa communauté, construire sa carrière… Je n’ai pas envie que la mienne s’arrête là!

Se développera-t-elle à Luxembourg ou à Londres ? 

(Il rit) Le Luxembourg est une bonne base, stable, confortable, mais ce serait une erreur de tout miser là-dessus. Londres, c’est autre chose : tout le monde est bourré de talent et très chaud pour s’affirmer. Ça me plait bien comme état d’esprit, et il faut bien être ambitieux dans la vie, pas vrai?

«Release Party» Culture The Kid + Jambal & Maddy. Support : luk. Samedi à 20 h.
Rotondes – Luxembourg.

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