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[Critique série] «Monarch : Legacy of Monsters», le choc des titans


Gardienne occidentale du roi des «kaijus», Godzilla, la société de production américaine Legendary Pictures est parvenue depuis dix ans à faire rivaliser au box-office mondial l’univers de l’iconique monstre japonais avec les superhéros de Marvel et DC. Si Godzilla (Gareth Edwards, 2014) et ses deux suites – qui invitent dans la danse un autre monstre nommé King Kong – ne brillent pas franchement par leur réussite, la franchise a le mérite d’essayer de créer sa propre mythologie et de réinventer son approche du monstre, sans trahir ses origines. Et tandis que le carton japonais Godzilla Minus One (Takashi Yamazaki, 2023) est encore en salles – soit le 33e film du monstre qui fête ses 70 ans cette année –, côté américain, Legendary offre à Godzilla sa première série télé : Monarch : Legacy of Monsters. Tout à la fois une préquelle, une suite, un «spin-off» et une plongée dans les secrets de la menace des «Titans».

Monarch est une puissante organisation souterraine, opérant partout dans le monde. On l’aura compris dans le titre, c’est elle qui tient le destin des monstres (donc, du monde) entre ses mains. «C’est comme la CIA, mais pour Godzilla»… Réveillée en 2014, lorsque le roi des monstres a surgi au large de San Francisco, sa fondation remonte pourtant à quelque soixante ans plus tôt. En deux temps – des années 1950 à 2015 –, la série suit ainsi les recherches des scientifiques de Monarch Keiko Miura (Mari Yamamoto) et Bill Randa (Anders Holm), et, deux générations plus tard, la quête d’une rescapée du «G-Day», Cate Randa (Anna Sawai), partie à la recherche de son père disparu. Au Japon, Cate rencontre son demi-frère, Kentaro (Ren Watabe), ainsi que Lee Shaw (Kurt Russell), un ex-officier militaire proche de la famille Randa, présent depuis les premières étapes du projet (et joué alors par Wyatt Russell, fils de) et qui a aujourd’hui une revanche à prendre sur Monarch.

Secrets de famille et secrets d’État se dévoilent et se recoupent au long de ces dix épisodes qui tentent une approche plus intime, centrée sur l’humain derrière les monstres. De cette façon, la science-fiction infuse dans une intrigue d’espionnage qui convie à son tour le drame familial. Le tout, ambitieux, dresse une cartographie politique, sociale et morale d’un monde postapocalyptique dans lequel les gouvernements sont démunis face à la menace, et le vrai pouvoir détenu dans l’ombre par les corporations. Le sort laissé à San Francisco le reflète : détruite, la ville est devenu un désert de ruines, qui continue d’attirer un tourisme glauque, à l’attention de visiteurs souhaitant revivre l’attaque de Godzilla comme s’ils y étaient. En concentrant le regard sur un trio de personnages dans chaque époque, la série renoue avec le message antinucléaire et anti-impérialiste du film originel japonais (auquel il ajoute un plus actuel commentaire sur le changement climatique et la préservation de l’environnement), l’abordant tant sous l’angle des responsables que des victimes.

Le charisme des Russell, père et fils, est la locomotive de ce divertissement à grand spectacle, généreux en monstres et en mystères

Mais Monarch : Legacy of Monsters, qui sait si bien se saisir de son sujet et des différentes possibilités narratives qu’il offre, se contente de rester globalement dans le sous-entendu, préférant tenir sur la longueur à l’aide d’intrigues secondaires qui gâchent un peu vite le suspense : histoires d’amour, trahisons… Chaque épisode vient avec ses poncifs scénaristiques, au goût regrettable de remplissage. Ce qui n’enlève rien au plaisir que l’on éprouve devant ce divertissement à grand spectacle, généreux en monstres, en mystères, et en décors éblouissants (à l’ère des superproductions ayant recours ad nauseam à l’écran vert, Monarch marque un bon point non négligeable).

Ce qui nous amène à la véritable locomotive de la série : sa distribution, excellente, à la tête de laquelle les Russell, père et fils, font preuve d’un charisme indéniable dans la peau de Lee Shaw. Kurt rejoue la partition des personnages emblématiques qu’il a incarnés devant la caméra de John Carpenter : Snake Plissken (Escape from New York, 1981), le héros de The Thing (1982), Jack Burton (Big Trouble in Little China, 1986)… avec un soupçon du Cash de Tango & Cash (Andrei Konchalovsky, 1989). Et pendant que, du haut de ses 72 ans, l’«action hero» continue de faire des étincelles, le fils, Wyatt, étoffe le passé du personnage en composant sur un registre plus mesuré. Par effet miroir (ou, comme la ressemblance frappante des deux acteurs le permet, par fondu enchaîné), Shaw détient la clé des secrets. À travers son portrait double, Monarch fait ressortir les contradictions d’une humanité qui se rêve désespérément en lanceuse d’alerte, sans voir qu’elle contribue malgré elle au déséquilibre du monde.

Monarch : Legacy of Monsters

de Chris Black et Matt Fraction

Avec Anna Sawai, Kurt Russell, Wyatt Russell, Ren Watabe…

Genre science-fiction / action

Durée 10 x 45 mn – À voir sur Apple TV+

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