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Corinne Cahen : «On me prête des ambitions que je n’ai pas»


«Le secret, c’est d’avoir la bonne équipe, avec de bonnes idées et le cœur au bon endroit.» (photos Didier Sylvestre)

La présidente du Parti démocratique (DP) cède sa place et c’est Lex Delles qui reprendra le flambeau après le congrès national du week-end prochain. Corinne Cahen tire un bilan très positif du travail accompli ces sept dernières années.

La ministre de la Famille, Corinne Cahen, a un avis sur tout et aimerait encore changer des choses dans le pays. Mais ce n’est pas parce que des tas de domaines l’intéressent qu’elle brigue tous les postes qui s’y rapportent. Au contraire, elle n’a comme seule ambition que d’être heureuse et, de ce côté-là, elle se dit comblée.

Vous avez décidé de passer le relais et de quitter la présidence du DP pour laisser la place à un nouveau dynamisme. Quel bilan dressez-vous après sept ans de mandat ?

Corinne Cahen : Nous n’avons pas trop mal travaillé. Nous avons fait de très bons résultats aux élections communales en 2017 avec deux communes à la majorité absolue, deux autres grandes communes où le DP était bien représenté, soit par un bourgmestre, soit par des échevins, alors que les sondages étaient plutôt mauvais en 2016. Ensuite, en 2018, nous avons écrit l’histoire, car c’est la première fois que le parti libéral a pu conserver un Premier ministre pour un second mandat. En 2019, l’histoire s’est poursuivie avec les élections européennes en gagnant un siège de plus, avec le DP en première place. Des résultats qui témoignaient du bon travail du Premier ministre, des membres du gouvernement et de la fraction. Nous sommes un parti qui est très jeune, mais nous avons aussi toutes les tranches d’âge représentées. Les jeunes du JDL font un gros travail, ils sont très dynamiques. Le bilan est très positif, j’ai beaucoup travaillé et trois élections, c’est beaucoup de travail. 

Préparer une élection, est-ce mettre les bonnes personnes au bon endroit ?

Le secret, c’est d’avoir la bonne équipe, avec de bonnes idées et le cœur au bon endroit. Rien ne tient à une seule personne, mais au dynamisme de toute une équipe et à un bon programme. 

L’affaire Monica Semedo, c’est votre grand regret, une grande déception ?

Ce n’est rien de cela, c’est du passé. Personne n’a le droit de harceler et de maltraiter les gens. Maintenant, je n’étais pas sur place, je ne sais pas ce qu’il s’est passé. J’ai été bien forcée de croire ce qui m’a été rapporté et c’est une page qu’il faut tourner.

Comment se passe la cohabitation intergénérationnelle ? Les anciens sont-ils toujours actifs au sein du parti ?

J’ai présidé mon dernier comité directeur la semaine dernière, Colette Flesch était présente. Henri Grethen, Anne Brasseur, Jean Hamilius y viennent régulièrement et tous ceux qui sont encore actifs comme Simone Beissel, Charles Goerens ou Lydie Polfer. Nos statuts stipulent que les anciens membres du gouvernement sont membres d’office du comité directeur où ils ont un rôle d’observateur, et ils viennent très souvent. Ce n’est pas l’âge qui importe, mais la diversité. Avoir un projet en commun, vouloir faire avancer les choses pour que les gens vivent mieux, voilà ce qui est important.

Lex Delles, actuel ministre des Classes moyennes et du Tourisme, présente sa candidature. Est-ce la seule ? 

À ma connaissance, oui. Vous savez, il n’y a rien de pire que d’être dans une fonction et ne pas avoir quelqu’un qui veuille prendre la relève. Dans ce cas-là, on se retrouve enfermé dans sa fonction. Lex Delles n’est pas seulement le meilleur choix, il est exceptionnellement génial. Il a tout ce qu’il faut : la jeunesse et le dynamisme, l’écoute et l’action. C’est rassurant d’avoir quelqu’un comme Lex Delles qui soit candidat à la présidence du parti. Je suis une de ses fans.

Tous les postes sont à renouveler à la tête du parti. Qui sont les nouveaux ? 

J’ai eu connaissance que Claude Lamberty, secrétaire général actuel, a posé sa candidature comme vice-président, Max Hahn, premier vice-président, est candidat à sa propre succession, tandis que Carole Hartmann, ancienne présidente de la circonscription Est, a posé sa candidature au poste de secrétaire générale.

Comment envisagez-vous la suite de votre parcours ? Êtes-vous intéressée par le poste de bourgmestre de la capitale ? 

Je suis ministre de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région, j’ai été très bien élue en 2018 et j’adore ce que je fais. Je trouve que Lydie fait, de son côté, un travail remarquable avec toute une équipe autour d’elle, mais depuis 2018 on me pose toujours la même question. On me prête des ambitions que je n’ai pas.

Je sais que dans ce monde qui change, nous avons besoin de gens qui ont le sens des responsabilités, de la stabilité

Comment cela ?

En fait, je n’ai jamais eu l’ambition d’être membre du gouvernement. Mon ambition était d’agir au lieu de rouspéter. Qu’on le croie ou non, c’est la réalité. Je suis de nature à me contenter de peu. Ma seule ambition est d’être heureuse. J’estime être la femme la plus chanceuse au monde. J’ai une famille recomposée absolument géniale, je vis dans le quartier que j’aime, à Bonnevoie, et je partage ma maison avec une maman et son fils, réfugiés ukrainiens, et tout se passe très bien. Je n’aime pas voir des gens malheureux, j’aime aider comme je le fais en discutant avec les SDF, par exemple, que je connais bien en ville. Je sais pourquoi ils sont toujours là. J’aime comprendre et savoir comment je peux les aider. Je le faisais avant d’être ministre, pas besoin d’une fonction officielle pour s’occuper des plus démunis. Ce n’est pas un titre qui fait de nous une bonne ou une mauvaise personne.

Vous avez laissé entendre qu’un autre ministère pourrait vous intéresser…

Non, je n’ai jamais dit que je voulais changer de ministère, j’ai dit que j’avais un programme en arrivant au ministère de la Famille que je suis en train d’achever. Je rappelle le succès du congé parental, la loi sur l’accessibilité, la loi sur la qualité de l’accueil et de l’hébergement pour les personnes âgées, toujours en procédure, comme la loi sur le vivre ensemble. C’est par choix que j’ai occupé le poste de ministre de la Famille, pour entreprendre toutes ces réformes. Enfin, ce n’est pas un secret que je viens du quartier Gare et je me suis toujours occupée de personnes défavorisées, des SDF, et il me tenait à cœur de créer des homes de nuit, des Housing first, etc. Tout cela a été fait ces dix dernières années. J’ai donc atteint mes ambitions et après il faudra voir si le parti veut encore m’embarquer dans des élections. La politique, ce n’est pas une ambition personnelle, c’est faire un travail pour d’autres.

«En fait, je n’ai jamais eu l’ambition d’être membre du gouvernement. Mon ambition était d’agir au lieu de rouspéter. Qu’on le croie ou non, c’est la réalité.»

Justement, le texte sur la qualité de la prise en charge des personnes âgées a été critiqué par le Conseil d’État, qui lui reproche d’être imprécis quant aux critères à respecter, notamment dans la prise en charge de la démence…

C’est un très gros texte et le Conseil d’État ne l’a pas remis en cause, ni sa philosophie. Nous allons apporter les précisions demandées. En ce qui concerne la prise en charge médicale, nous sommes dans l’exercice de la médecine, donc on ne va pas fixer des critères médicaux dans un texte sur la qualité de la prise en charge des personnes âgées. Il faut que l’on puisse réagir à différentes situations, puisque toutes les personnes sont différentes. Le texte met en place un conseil d’éthique et un médiateur indépendant, un poste qui nous a manqué pendant la pandémie. Je parlais aux familles du matin au soir parce qu’elles ne comprenaient pas pourquoi les visites leur étaient interdites dans les établissements. Il y a des tas d’autres améliorations dans ce texte, comme la transparence des prix et tout ce qu’ils incluent.

Qu’aimeriez-vous améliorer ou réformer encore dans le pays ?

Il y a encore beaucoup de choses à faire dans ce pays, mais je n’ai pas envie de critiquer ce qui a été entrepris ou pas. On peut par exemple apporter des améliorations dans l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle et dans la flexibilité du temps de travail pour que les entreprises puissent fonctionner et pour que les employés puissent disposer de temps libre pour leurs enfants, leurs passe-temps, etc. La responsabilité sociale des entreprises, c’est très important aussi et c’est un sujet qui me tient à cœur, car je viens du monde des entreprises. Je suis intimement convaincue que la flexibilité dans les entreprises peut apporter beaucoup à tout le monde. J’ai encore d’autres souhaits, comme améliorer le réseau des pistes cyclables, mais ce n’est pas parce que j’en parle que j’aimerais le faire moi-même. Je sais que dans ce monde qui change, dont on ne sait pas ce qu’il nous réserve demain, nous avons besoin de gens qui ont le sens des responsabilités, de la stabilité et qui prennent les décisions qui s’imposent. Je suis intéressée par un tas de choses, j’ai une opinion sur tout. Je me passionne aussi pour les enfants et la jeunesse, mais je ne voudrais pas être ministre de l’Éducation nationale. 

Après neuf années passées au ministère, qu’avez-vous appris sur l’intégration ?

Tout d’abord qu’il faut arrêter de parler d’intégration, parce que, finalement, qui intègre quoi ou qui? C’est un peu vieux jeu. On préfère aujourd’hui parler de vivre ensemble, parce que si on veut rester ce que nous sommes, il faudrait d’abord définir ce qu’on est. Pour moi, nous sommes une société vraiment exceptionnelle avec 48 % de non-Luxembourgeois. Les gens doivent devenir acteurs de leur inclusion, de leur intégration. Je vais cet après-midi à Boulaide pour signer le pacte du vivre ensemble avec la commune. Ce pacte encourage justement les citoyens à devenir des acteurs au lieu d’être de purs consommateurs. J’aimerais que plus d’étrangers aillent voter aux communales, ils doivent se sentir concernés par l’endroit où ils habitent. Il faut arrêter de faire croire aux gens qu’ils doivent choisir s’ils sont français, portugais, etc., ou luxembourgeois. On peut aimer deux pays, même différemment. Il ne faut pas choisir ce qu’on a dans le cœur, il faut pouvoir le vivre et en être fier.

Le slogan de votre dernière campagne, « Zukunft op Lëtzebuergesch », a-t-il tenu ses promesses ? Si oui, lesquelles ?

Mais oui, et j’y adhère encore complètement. Pour moi, ce qui est typiquement luxembourgeois, c’est justement le fait que l’on ne soit pas obligé de choisir. On peut aimer la campagne et vivre en plein centre-ville, on peut être d’origine portugaise et aimer son pays adoptif. J’adore cette richesse culturelle, j’aime voir les yeux ébahis de mes interlocuteurs étrangers quand je leur dis que la capitale compte 72 % de non-Luxembourgeois et que le vivre ensemble se passe très bien. Le Luxembourg est ouvert d’esprit et de cœur, et ça, c’est spécifiquement luxembourgeois.

 

Un commentaire

  1. Bravo Mme Le ministre, vous avez tout compris

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