Durant quatre jours, le musée national d’Histoire naturelle effectue des fouilles dans la carrière Rinnen à l’affût entre autres de fossiles de scorpions aquatiques, une espèce présente il y a 406 millions d’années.
Plus connue pour sa pierre de couleur gris-bleu, la carrière Rinnen, à Consthum, fait l’objet depuis mardi de nouvelles excavations, beaucoup plus méticuleuses qu’à l’accoutumée. Dans un coin du site, une dizaine de personnes s’affairent autour d’une paroi de schiste et décortiquent chaque pierre prélevée dans une zone bien définie. Menée par le docteur Ben Thuy, conservateur de la section de paléontologie du musée national d’Histoire naturelle (MNHN), cette équipe est à la recherche d’arthropodes et de végétaux datant du Dévonien, il y a 406 millions d’années. Une ère où le Luxembourg, recouvert par la mer, n’était pas tout à fait à la même place.
«Ces rochers se sont formés au bord d’un continent appelé Avalonia. À cette époque, il se situait au sud de l’équateur», détaille Ben Thuy. À l’emplacement de la carrière se tenait auparavant un fleuve qui se jetait dans la mer. «Ici, nous sommes plutôt du côté qui allait vers la terre ferme.» Un environnement idéal pour des fouilles puisque, dans les méandres, des débris de plantes terrestres se sont déposés. «C’est un moment où la vie a conquis la terre ferme. On trouve des animaux bivalves ainsi que des arthropodes comme des scorpions aquatiques ou les premières araignées terrestres.»
«On ne creuse pas au hasard»
Les fouilles ont débuté à la suite d’une prospection de routine, effectuée il y a trois semaines. «Nous connaissons ce site depuis longtemps, mais d’habitude nous trouvons des fossiles dans les déblais donc nous ne savions pas d’où ils venaient.» Pour une fois, une partie précise de la carrière a été identifiée. «Ici, contrairement au sud du pays, les couches ne sont pas à l’horizontale mais verticales, à cause de la tectonique des plaques.» De gauche à droite, elles permettent de voir l’évolution du sol sur environ 100 000 ans. Sur cette zone, durant quatre jours, les scientifiques vont dépenser sans compter leur énergie pour extraire le plus de fossiles possibles.
L’information plus que l’exposition
Contrairement aux fouilles réalisées récemment à Bascharage, celles de Consthum ne devraient pas faire l’objet d’une exposition. D’une durée bien plus réduite, quatre jours contre deux semaines, ces dernières ne révéleront que des spécimens bien moins impressionnants pour le grand public. «Nous pouvons exposer le scorpion aquatique, les gens reconnaîtront tout de suite», souligne Ben Thuy, conservateur de la section de paléontologie du MNHN. «Mais les autres fossiles sont assez petits et peu spectaculaires pour être exposés. C’est un défi pour les mettre en valeur» Ils n’en ont pas moins d’importance puisqu’ils permettent d’en apprendre plus sur l’écosystème présent à cette époque. «Sur ce site, nous recherchons plutôt des informations, c’est d’ailleurs le type de fouilles le plus répandu.» Mais bien sûr, si une découverte plus visuelle devait arriver dans les jours à venir, celle-ci pourrait être présentée au public.
Un long travail attend encore l’équipe de Ben Thuy. «On ne creuse pas au hasard. Il faut savoir s’orienter dans les différentes couches selon certains critères comme la couleur ou la composition.» Mais à force de persévérance et de minutie, les paléontologues trouvent toujours un chemin vers une découverte intéressante. «On travaille un peu comme des criminologues. Il faut du temps et un peu de chance», reconnaît-il. Plutôt spécialisé dans les échinodermes (la famille des étoiles de mer et des oursins), il lui faut aussi s’adapter aux réalités du terrain. «On doit travailler avec ce qu’on trouve.» Il peut heureusement compter sur quatre autres paléontologues dans l’équipe qui ont chacun leur spécialité, notamment dans les arthropodes. «Ce sont des experts de notre réseau international. Nous avons aussi des scientifiques amateurs avec nous.»
Les premiers pas de la vie sur Terre
En deux jours, les fouilles ont déjà révélé deux scorpions aquatiques, dont un spécimen d’une dizaine de centimètres. «On espère en trouver de plus gros», admet Lea Numberger, la collaboratrice scientifique sur les fouilles. «Certains pouvaient dépasser les deux mètres. Se retrouver face à l’un d’entre eux devait être effrayant !» Mais pour le moment, l’équipe doit se contenter de quelques bivalves et plantes primitives, moins impressionnants mais déjà très intéressants. «Ce sont des plantes très simples», précise Ben Thuy. «Mais ce sont les premiers pas de la vie sur Terre.» L’étude de ces fossiles pourra donc nous renseigner sur l’évolution de la vie à cette époque charnière. «Ces fouilles permettront d’en apprendre plus sur les espèces présentes et de réaliser une sorte d’inventaire. Mais au-delà de ça, il s’agit de comprendre la structure de l’écosystème et son mode de fonctionnement.» Par exemple, s’il y a des prédateurs comme le scorpion aquatique, qui se nourrissait d’arthropodes plus petits et de poissons agnathes (sans mâchoire), alors il y a des proies. «Et s’il y a plusieurs types de prédateurs, cela signifie un écosystème plus complexe. Cela nous permettra de comprendre les mécanismes de l’évolution.»
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