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Bascharage : les monstres marins préhistoriques prêts à surgir


La période qui intéresse les paléontologues se situe entre 1 et 1,50 mètre de profondeur. (Photo : alain rischard)

À l’occasion de fouilles préventives, des découvertes exceptionnelles datant du Jurassique inférieur sont attendues à Bascharage, dans la zone industrielle de Bommelscheier.

Depuis deux jours, sous un soleil de plomb, une demi-douzaine de paléontologues s’active dans la zone industrielle de Bommelscheier à Bascharage. Ici, pas de petit pinceau ni de chapeau à la Indiana Jones, mais une pelleteuse, des pioches et des marteaux. Sur les quelque 600 m2 du site se dressera prochainement un hall de stockage. Alors comme l’exige désormais la nouvelle loi du patrimoine (datant du 25 février 2022), il faut procéder à des fouilles avant toute construction afin de «garantir la conservation, protéger et mettre en valeur notre mémoire collective». Les paléontologues ont 15 jours pour trouver des pièces d’intérêt scientifique.

Des fossiles vieux de 183 millions d’années

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le site s’annonce riche en surprises : en 24 heures à peine, les paléontologues ont déjà découvert de splendides ammonites et surtout un poisson d’une trentaine de centimètres dont les écailles brillantes sont parfaitement visibles. Des fossiles vieux de quelque… 183 millions d’années!

«Une journée de fouilles seulement et les recherches sont déjà couronnées de succès! Je suis très confiant dans le fait que nous trouverons des reptiles sur ce site», se réjouit d’ores et déjà le Dr Ben Thuy, paléontologue du natur musée. Les paléontologues espèrent en effet vivement trouver dans cette couche riche en fossiles, située entre un mètre et 1,50 mètre de la surface, des fossiles d’ichtyosaures – des reptiles marins pouvant atteindre deux à trois mètres, voire jusqu’à 10 mètres pour les géants –, des crocodiles marins, des poissons et autres animaux de la mer, ainsi que des microfossiles et des traces chimiques qui permettront de mieux comprendre l’écosystème de l’océan qui a recouvert le Luxembourg il y a plusieurs millions d’années.

Le Dr Ben Thuy présente un fossile d’ammonite découvert sur le site. Il s’agit d’un fossile index ou stratigraphique, c’est-à-dire caractéristique d’une époque, qui permet de dater précisément la période de la couche dans laquelle il se trouve. Photo : alain rischard

À l’époque du Jurassique inférieur en effet (−201,3 à −145 millions d’années), une mer subtropicale recouvrait la partie du sud du pays. Il est toutefois d’autant plus intéressant de comprendre cette période sur laquelle se penchent les archéologues à Bascharage qu’elle correspond à un réchauffement climatique de l’ordre de 3 à 4 degrés, comme celui qui nous menace aujourd’hui… «Nous allons pouvoir comprendre les changements majeurs que ce réchauffement a occasionnés et qui avait causé une extinction de masse», explique le Dr Ben Thuy.

Des fossiles de qualité exceptionnelle

Une fois les fossiles parfaitement dégagés, ils seront envoyés au musée national d’Histoire naturelle de Luxembourg (MNHNL) pour y être étudiés. «Nous allons travailler avec des spécialistes de poissons», explique le Dr Ben Thuy, lui-même expert en échinodermes (la famille des étoiles de mer). «On va essayer de déterminer l’espèce et voir s’il y a des structures anatomiques inconnues, par exemple une forme de dent qu’on n’aurait jamais vue auparavant. Mais pourquoi pas aussi, découvrir une espèce totalement inconnue dans le monde, qu’il s’agira alors de décrire!»

ll est toutefois déjà possible d’estimer que le premier poisson mis au jour par les paléontologues devait pour sa part se nourrir de crustacés et de fruits de mer, comme le laissent supposer ses dents bulbeuses et massives. «Ses dents ne sont pas pointues, c’était donc un broyeur», explique le paléontologue.

Une couche particulièrement riche

Les attentes des chercheurs sont énormes : ils espèrent trouver des vertébrés («toujours très rares»), une nouvelle espèce, ou des animaux dont certaines parties inconnues jusque-là ont pu être préservées, comme la peau par exemple. Ces attentes ne sont cependant pas irréalistes, puisque la couche particulièrement riche en fossiles de la zone industrielle de Bommelscheier à Bascharage a régulièrement livré au cours des dernières décennies des découvertes spectaculaires de reptiles marins, de poissons et même de ptérosaures, dont certaines sont actuellement présentées dans l’exposition temporaire actuelle «Lost Ocean» au natur musée.

En 24 heures à peine, les paléontologues ont mis au jour ce fossile de poisson, vieux de 183 millions d’années. Photo : alain rischard

«On se trouve ici dans un Lagerstätte, c’est-à-dire un dépôt sédimentaire qui contient une grande diversité de fossiles ou des fossiles très complets», souligne le Dr Ben Thuy. La zone présente en effet une grande concentration de fossiles dans un état de conservation tout simplement «exceptionnel».

«Cet incroyable état de conservation est une conséquence du changement climatique : la mer était stratifiée, donc il y avait peu d’échanges avec l’atmosphère. De fait, les couches du fond étaient pauvres en oxygène, ce qui a éloigné les charognards mais aussi inhibé la décomposition bactérienne.» Rendez-vous le 24 mai au natur musée pour admirer les trouvailles des paléontologues !

Exposition de fossiles marins

Plus que quelques jours pour aller découvrir les monstres marins qui ont peuplé la région il y a quelque 183 millions d’années! Jusqu’au 29 mai, le Natur Musée de Luxembourg présente «Lost Ocean», une fantastique exposition de fossiles marins associant la recherche paléontologique et les technologies numériques. Les visiteurs de tous âges sont invités à explorer les trésors enfouis de la région sous un angle totalement nouveau et à plonger dans le monde des monstres marins jurassiques. L’ère a été reconstituée avec une incroyable précision, tant sur l’apparence des animaux et leur comportement que sur le climat de l’époque, voire la couleur du sable de la plage.

Musée national d’histoire naturelle, 25 rue Münster à Luxembourg. Du mardi au dimanche, de 10 h à 18 h.

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