Après le débat public autour de l’allongement du congé parental, Michèle Senninger, à l’origine de la pétition, revient sur les conclusions des députés et du gouvernement.
Le Luxembourg pourrait envisager d’allonger la durée du congé parental dans les années à venir. Si rien n’est encore fait, c’est en substance ce qui est ressorti du débat public tenu à la Chambre des députés, le 9 novembre dernier. Pour le moment, le législateur souhaite attendre les résultats de l’évaluation de la réforme de 2016, qui ne seront connus qu’en 2024. «Les députés se sont dits ouverts à définir leurs priorités dans la matière en vue de la campagne électorale de l’année prochaine», avait indiqué la Chambre à la suite du huis clos prolongeant la séance. Le Parti pirate a d’ailleurs déjà annoncé vouloir ajouter la proposition dans son programme. «C’est un premier pas dans la bonne direction.»
Cette première réponse est plus qu’encourageante pour Michèle Senninger, créatrice de la pétition qui a permis la tenue de ce débat. Avec Anne Heintz, cette professeure de lycée de Remich, a longuement affûté ses arguments face aux députés. «C’était un grand honneur d’avoir la possibilité de défendre ma proposition. Intimidant aussi, mais j’étais bien préparée. C’est l’expérience d’une vie.»
Sa démonstration semble avoir fait mouche auprès d’un certain nombre de députés mais aussi des ministres présents. «J’ai eu l’impression qu’ils étaient vraiment à l’écoute, le sujet paraissait important pour eux.» Si elle sait parfaitement que les choses ne vont pas changer dans la foulée, elle est heureuse d’avoir pu amorcer une réflexion.
« L’objectif n’est pas de laisser les mères à la maison »
Elle va pour autant rester vigilante sur les propositions politiques qui vont ressortir. Déjà lors du débat public, Fred Keup a tenté de dévoyer l’esprit de sa pétition. Félicitant Michèle Senninger et Anne Heintz, le député ADR a proposé d’aller plus loin encore en permettant aux mères de rester à la maison jusqu’à ce que l’enfant atteigne ses 12 ans et entre au lycée. «Ce n’est absolument pas ce qu’on a envie de proposer. Cela va même dans le sens contraire. Je lui ai rappelé que l’objectif n’était pas de laisser les mères à la maison.» Une telle situation ne ferait que renforcer les inégalités, aussi bien sur le plan familial que financier. «Les femmes risqueraient de tomber dans la pauvreté si elles se retrouvent seules. Et après 12 ans d’inactivité, la reprise est impossible.»
Pour les pétitionnaires, le rôle du père ne doit au contraire pas être négligé. Lui aussi doit avoir la possibilité de renforcer ses liens en passant plus de temps avec son enfant. De plus en plus bénéficient d’ailleurs du congé parental et depuis 2019, ils sont même plus nombreux que les femmes à y souscrire. «C’est une évolution favorable», se félicite Michèle Senninger.
Celle-ci est rendue possible par la réforme de 2016 qui fixe des critères d’éligibilité moins restrictifs mais aussi par la rémunération accordée au Grand-Duché lors du congé. Un point qu’a rappelé Corinne Cahen, ministre de la Famille et de l’Intégration, durant le débat public. «L’attractivité du congé parental, ce n’est pas seulement la flexibilité, mais aussi la rémunération.» Mais pour Michèle Senninger, si ce point est important, il n’est pas aussi essentiel dans la discussion que la durée du congé.
« Il faut que la mère protège sa santé et celle de l’enfan »
Si les choses ne vont pas bouger immédiatement de ce côté, la pétition a tout de même contribué à nourrir le débat. Corinne Cahen a par exemple proposé de réformer le congé prénatal. Selon elle, ces deux mois pourraient être pris après la naissance de l’enfant plutôt qu’avant pour les femmes qui peuvent travailler plus longtemps pendant leur grossesse.
Mais là encore, Michèle Senninger ne semble pas convaincue. «Il y a un moment avant la naissance où on a besoin de calme et de repos. Il faut que la mère protège sa santé et celle de l’enfant.» La question est donc loin d’être résolue, mais le débat a le mérite d’être posé et paraît peu à peu irriguer toute la société.
Un an auprès de son enfant
Si la proposition de Michèle Senninger est un jour appliquée, les parents pourraient passer un an complet avec leur enfant avant de retourner travailler (trois mois de congé maternité et neuf mois de congé parental). L’idée lui est venue de sa propre expérience. Mère de trois enfants, elle a bénéficié à chaque fois d’un congé parental qu’elle a pu coupler, avec sa deuxième fille, à un congé sans solde. «J’ai vraiment vu la différence pour ma santé mentale et le développement de l’enfant. Mais tout le monde ne peut pas se le permettre.»
Pour les mères qui souhaitent allaiter, le congé actuel est trop court. Elles sont obligées de retourner travailler aux alentours des neuf mois du bébé, un âge où il consomme encore peu de nourriture solide. La maman doit tirer son lait sur son lieu de travail, ce qui n’est pas toujours aisé. À un an en revanche, l’enfant fait déjà ses dents et peut partir sur une alimentation plus variée, un seul allaitement par jour est alors suffisant.