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Compensation fiscale : «Que les Français soient contents d’avoir du boulot»


Qui sont les Français et les Luxembourgeois sur l'image ? Attention, il y a un piège ! Il faut bien rire un peu de la situation... (illustration AFP)

Le débat sur la légitimité d’une compensation fiscale est tabou au Luxembourg. Au mieux on surfe sur une vague populiste, au pire on se cabre avec des réponses toutes faites.

«Que les Français soient déjà contents d’avoir du boulot chez nous.»

C’est l’affirmation phare du côté luxembourgeois, comme fin de non-recevoir aux compensations. C’est vrai, mais ce n’est qu’une partie de la vérité. Le laboratoire IDEA, émanation de la Chambre de commerce luxembourgeoise, le dit : «L’économie luxembourgeoise est intrinsèquement liée à la population frontalière qui constitue, avec l’immigration, le levier principal.» Donc chacun est indispensable à l’autre. Et ça va continuer, dans des proportions allant de 30% à 50% de frontaliers dans la main-d’œuvre totale, jusqu’en 2060 (rapport Fondation IDEA n°6, mai 2017), avec une proportion de Lorrains grandissante.

«Si tout le monde demande des compensations à tout le monde, que la Pologne demande de l’argent à la France pour ses milliers de travailleurs !»

Non, ce n’est pas pareil. Il s’agit là d’immigration, où le pays d’accueil assume les frais de résidentialisation. Les travailleurs polonais (ou autres) résidant en France profitent des infrastructures (école, terrain de foot…) comme n’importe quel citoyen. Dans le cas du travail frontalier, le travailleur contribue à l’économie et à l’impôt (17 000 euros par an et par frontalier toutes taxes confondues, selon les études du Sillon Lorrain), mais son pays de résidence ne profite pas des fruits de l’imposition sur le travail… reste à jouer la carte des impôts locaux à fond (et à rendre les parkings payant près des gares !), ce qui ne suffit pas à rattraper le delta, et ce qui constitue une double peine pour le frontalier.

«La règle mondiale est que l’impôt est prélevé dans le pays de travail…»

C’est vrai. Mais la plupart des territoires de fortes pressions frontalières en Europe connaissent des dérogations, du fait de la conscience des effets de vases communicants : Belgique, France, Allemagne, Suisse pour ne citer qu’eux. L’Union européenne, via la Fondation pour l’Économie et le Développement durable des Régions d’Europe (Fedre), commence d’ailleurs à se poser de sérieuses questions sur l’absence d’accord plus poussé entre le Luxembourg et la France…

«Les Français ont des salaires qui leur permettent de consommer chez eux…»

C’est vrai. Et la consommation est l’un des ressorts de la croissance. Cela explique (entre autres facteurs nombreux) le nombre de grandes surfaces de l’autre côté de la frontière… Cela constitue donc, inversement parlant, un manque à gagner pour le Luxembourg. Mais il faut relativiser : le Statec estime qu’environ 22% de la consommation dans le pays est du fait des frontaliers. Surtout, le manque à gagner doit être mis en balance avec ce que rapporte directement un frontalier à l’État luxembourgeois !

«Les frontaliers n’ont qu’à utiliser nos infrastructures, nos piscines, etc. fabriquées en partie avec leurs sous. Ils en ont le droit !»

C’est ce qu’ils font de plus en plus. Mais ce n’est pas satisfaisant. Cela videra les communes frontalières des activités qui font la vie d’un endroit. Un dojo, une école de musique, une salle de danse : tout cela a un coût pour les communes frontalières, qui doivent pouvoir continuer à le proposer, dans le cadre d’une répartition plus juste de la richesse créée ailleurs par leurs résidents.

Hubert Gamelon

Sur le même sujet : notre enquête « Pourquoi la Lorraine ne lâchera pas »

 

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