Accueil | A la Une | Cannabis légal au Luxembourg : « Une annonce populiste »

Cannabis légal au Luxembourg : « Une annonce populiste »


"La voie d'une production nationale, par le biais d'une société du genre para-étatique, n'est pas une bonne idée. Il faut laisser la voie ouverte à des producteurs privés", estime notre expert. (illustration AFP)

Faisabilité de la promesse gouvernementale, comparaison avec les modèles des pays qui ont suivi cette voie, question de l’approvisionnement : un expert, chimiste de formation, fait le point sur l’annonce de Xavier Bettel.

Originaire de Luxembourg, background de chimiste et ancien collaborateur de la boutique Placebo avenue de la Gare, qui vend le matériel nécessaire à la culture du cannabis à domicile : M. G.*, 52 ans, en connaît un rayon sur la question et l’annonce par le futur gouvernement d’une légalisation du cannabis à des fins récréatives le laisse dubitatif.

«Le terme est inconcevable»

De manière générale, que lui inspire concrètement l’annonce du futur nouveau gouvernement ? «Les gouvernements qui se sont succédé n’ont jamais voulu légaliser ni faire de quelconques efforts en vue d’une légalisation. Le ministère de la Santé s’est toujours refusé à encadrer cette question d’un point de vue législatif, que ce soit selon une approche de légalisation ou même de tolérance. Et maintenant, tout à coup, les politiques sortent cette annonce de type populiste. »

Populiste ? M. G. explicite : « La légalisation du cannabis est juridiquement impossible puisqu’il s’agit d’une marchandise non négociable – il y a une jurisprudence du droit européen concernant cette question –, donc l’État ne pourrait pas percevoir de TVA. Selon moi, le terme de légalisation est inconcevable.»

Au Portugal, «un modèle positif»

«Si l’on regarde certains modèles étrangers, qui tolèrent ou qui ont légalisé, et je pense au meilleur exemple, à savoir le Portugal, où un consommateur ne se fait même plus arrêter par la police, et où il n’y a plus de répression, je constate que l’on y a investi dans l’aide selon une philosophie qui considère les consommateurs de drogue comme étant des malades, et non des criminels. C’est une position radicalement opposée à celles que l’on a l’habitude d’entendre. Je pense que ce modèle est positif, car la consommation de drogue a considérablement baissé au Portugal. Si l’on regarde les statistiques en Europe, la plus grande consommation de drogues est à trouver dans les pays qui font le plus de répression. Je prends également acte du fait que, proportionnellement, l’on se drogue plus au Luxembourg qu’aux Pays-Bas, par exemple. J’estime donc que la répression n’est pas la bonne voie. »

Nécessité d’ « une réflexion plus profonde »

M. G. est d’avis que de nombreux points restent à être précisément définis : « Si l’on annonce ce genre de truc, il faut mener une réflexion beaucoup plus profonde. Va-t-on copier le modèle néerlandais, voire polonais ? Ou bien les autorités calqueront-elles leur action politique sur celle de l’Espagne ou du Portugal ? Ou alors décideront-elles de s’inspirer de certains États des États-Unis ou du Canada, pays où c’est complètement légal ? Si l’on décide d’un cadre légal ou juste d’un cadre de tolérance, il faut se poser la question de la provenance des produits. La production domestique doit être définie, par rapport au marché noir. Je pense qu’il faudrait un projet pilote pour lancer des études et ensuite mesurer les effets des mesures prises, sur quelques mois, pour ensuite affiner le tout, pour que justement le trafic et le marché noir disparaissent.»

Pas plus de criminalité

Concernant la mise en œuvre pratique sur le terrain d’une telle annonce, M. G. indique : «Cela pourrait effectivement se faire rapidement, car nous avons des exemples de réussite à l’étranger qui le prouvent. De plus, si je me réfère au modèle néerlandais, je peux m’imaginer que le Luxembourg verra une sacrée quantité de narcotouristes affluer. Il en découlera inévitablement une hausse du chiffre d’affaires du secteur de l’Horeca et des autres commerces, toutes branches confondues. Par ailleurs, je ne pense pas que la criminalité augmenterait. Pas avec le cannabis en tout cas. Comme Stefan Raab (NDLR : célèbre animateur allemand de télévision) l’a justement dit : Si je devais un jour me retrouver dans une impasse, je préférerais largement tomber sur dix mecs complètement stones que sur dix mecs complètement bourrés !» .

La question de la production

Pour ce qui est de l’approvisionnement en cannabis, une question interpelle M. G. : « La voie d’une production nationale, par le biais d’une société du genre para-étatique, n’est pas une bonne idée. Il faut laisser la voie ouverte à des producteurs privés. Il faudrait aller dans le sens du modèle canadien ou américain où le commerçant déclare sa société et paye ses impôts, la TVA et les cotisations pour ses ouvriers. Sauf qu’au lieu de planter des pommes de terre, on plante du cannabis. Il faudra se méfier des risques d’abus dans la production, afin d’éviter l’écueil d’une situation de monopole. En Californie par exemple, une production ne doit pas dépasser 419 plants. Un seul et unique producteur ne devra pas pouvoir être en position de s’enrichir… De plus, la question de la production à domicile, pour un particulier, est cruciale. En Belgique, par exemple, on ne tolère qu’un seul plant par adulte et par domicile. Mais avec ce genre de production, tu es autosuffisant ! »

Claude Damiani

* Notre interlocuteur a préféré être désigné par ses initiales.

2 plusieurs commentaires

  1. Philippe Renard

    Ah oui , j’oubliais , le produit vous vous en fichez totalement ,le principal c’est que ca rapporte au privé !
    lamentable !
    Le privé, bien sur ,se battra pour avoir le produit le plus actif et concentré , vous ne comprenez meme pas ca ?

  2. Philippe Renard

    Mon dieu comme c’est bon que le populisme existe , enfin des politiques au service de leur peuple !
    Une annonce qui fait plaisir !