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Berg : les stratégies de réintégration des «enfants fragiles»


Laura Wissmann travaille au centre thérapeutique Kannerhaus Jean depuis 2014 (Photo : Sarah Melis).

À Berg, le centre Kannerhaus Jean a pour rôle d’aider des familles dont un ou des enfants connaissent des difficultés d’ordre psychique. Laura Wissmann y est psychothérapeute et chargée de direction. Le centre aide 90 familles dont les enfants souffrent de troubles psychiques, grâce à trois services distincts mais connectés.

Quel est le profil des enfants que vous aidez au Kannerhaus ?
Laura Wissmann : Les enfants que nous recevons ont des problèmes comportementaux. Les profils sont très variés d’un service à un autre (nous en avons trois) : certains sont en dépression, d’autres font des crises lorsqu’ils sont en communauté, d’autres, encore, ont des comportements violents. Ces comportements non adaptés à la vie sociale peuvent être dus à un environnement familial pesant, violent, traumatisant. Les causes sont diverses.
Comment se composent les trois services dont vous parlez ?
Ce sont des services qui sont interconnectés. Il y a d’abord le centre de consultation de psychothérapie. Dans ce service, nous suivons 90 familles dont les enfants sont âgés de 4 à 16 ans. Nous travaillons avec une base de trois piliers : l’enfant, la famille et le réseau, qui est constitué des écoles, maisons relais, foyers et autres services professionnels. Mais ce que nous pensons être capital, c’est vraiment d’intégrer la famille au travail thérapeutique, tout simplement pour la préserver…
Comment les enfants arrivent en consultation chez vous ?
L’initiative peut venir directement des parents, qui voient que leur enfant a besoin d’aide. Les écoles et les foyers font également appel à nous. Dans tous les cas, le consentement de la personne ou de l’institution qui a l’autorité parentale est obligatoire.
Et ensuite ?
Nous nous entretenons d’abord avec les parents ou les tuteurs légaux. Ensuite, nous parlons à l’enfant concerné. Mon rôle est de déterminer quel psychothérapeute travaillera avec l’enfant et avec les parents ou tuteurs légaux. Les séances sont organisées avec l’enfant seul, ou ensemble. Si les troubles du comportement accompagnent de véritables lacunes scolaires, nous faisons appel à un conseiller de classe, qui est mis en relation avec l’instituteur. Nous souhaitons vraiment faire le lien avec les écoles, pour que l’enfant ne s’enferme pas dans une spirale destructrice.
Combien de temps nécessite le suivi ?
Ce sont des séances prévues une fois par semaine, pendant une ou deux heures, selon l’enfant. Généralement, le suivi dure de 6 mois à 3 ou 4 ans. C’est un long travail qui nécessite de la patience.
Et lorsque les séances s’arrêtent ?
Il y a deux solutions. Soit l’enfant n’en n’a plus besoin, soit son cas nécessite d’être mieux accompagné. Dans le deuxième cas, ce sont des enfants âgés de 6 à 12 ans et qui ont bien souvent dû faire face à de grands traumatismes dus à la séparation de leurs parents, ou lorsqu’ils ont vécu des violences, voire des sévices sexuels, ou lorsque les parents abandonnent leur rôle quand ils sont trop préoccupés par leurs problèmes… Pour eux, nous avons un deuxième service, le centre de jour psychothérapeutique. Ce centre de jour, conventionné avec le ministère de l’Éducation et de la Jeunesse, accueille six enfants de 8 h 30 à 16 h 30 sauf le mercredi, jour au cours duquel ils sont toute la journée à l’école.

Il faut comprendre que notre travail est de réintégrer les enfants fragiles

Mais ils ne vont pas à l’école les autres jours ?
Si, bien évidemment, mais les cours sont assurés ici, le matin, par des instituteurs du Kannerhaus (NDLR : il y en a 7). Il faut comprendre que notre travail est de réintégrer les enfants fragiles. Pendant 3 mois, il y a un suivi intensif avec des cours le matin et une psychothérapie l’après-midi. Il y a trois enfants par classe. Les enfants suivent une thérapie individuelle mais aussi en groupe, pour les familiariser avec la vie en société. Le but est vraiment de maintenir le lien avec l’école. Une fois par semaine, les référents parentaux viennent au centre pour apprendre comment agir avec les enfants. Les 3 mois suivants, le rythme est moins soutenu, puis le programme en centre de jour s’arrête mais les consultations continuent. Je le répète, mais le but est vraiment de favoriser l’intégration scolaire, aussi dans les familles pour qui la situation est suffisamment compliquée à gérer.
Pensez-vous que le système scolaire tel qu’on le connaît aujourd’hui n’est pas adapté à ces enfants ?
Je suis tout à fait pour l’approche de type Montessori, qui prend en compte les différents rythmes des enfants. Le problème, c’est que la société actuelle a mis en place un système et je pense que notre rôle n’est pas de sortir les enfants de ce système. Si nous faisons un travail radicalement opposé au système classique, les enfants n’arriveront jamais à s’insérer et resteront en marge. Donc nous optons pour une approche transitoire.
Quel est le troisième service ?
C’est l’internat psychothérapeutique qui accueillera 11 enfants d’ici le mois de janvier. Les enfants pourront y séjourner du lundi au vendredi. Tous les cours seront donnés en ces lieux, jusqu’à leur réintégration progressive dans le système scolaire de la région.

Entretien avec Sarah Melis

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