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Christine Castelain-Meunier : «Barbie incarnait une forme d’émancipation»


Une sociologue analyse l'impacte de l'univers d Barbie sur la société. (Photo Mattel films)

Christine Castelain-Meunier, sociologue et spécialiste des questions autour du féminin, du masculin et de la famille, analyse l’impact de l’univers de Barbie sur la société et les femmes.

L’univers de Barbie peut-il engendrer des complexes chez les femmes ?

Christine Castelain-Meunier : Les petites filles appréciaient cet univers dans le sens d’un modèle idéal dont elles s’inspiraient. Il y avait deux aspects. D’un côté, cela renvoyait aux stéréotypes féminins qui devaient à tout prix plaire au masculin. Mais cela pouvait également être un tremplin car Barbie était aussi une femme qui avait du succès et incarnait les normes esthétiques de la féminité « émancipée ».

Une forme d’émancipation, car elle avait de l’autonomie, une identité fière, mais qui est quand même très tournée vers les critères esthétiques de la plastique. Cela pouvait ainsi comporter un versant d’aliénation et la difficulté de s’identifier physiquement par la couleur des yeux, des cheveux ou de la peau.

Une Barbie émancipée qui était aussi très dépendante de son alter ego masculin, Ken.

Cela retransmet et reproduit un modèle relationnel très normé où Barbie doit plaire à un homme fort, aventurier et beau. Mais l’impact n’est pas le même pour les garçons que pour les filles. Car les hommes évoluent dans une société qui leur donne cette supériorité. Ce modèle était prégnant dans les années 1950, à une époque où nous étions à mi-chemin dans les revendications de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Christine Castelain-Meunier est sociologue au CNRS à Paris et autrice de plusieurs ouvrages sur les liens entre l’éducation et le genre et les mouvements des femmes.

Cet univers peut-il avoir une influence négative dans la construction de l’identité des petites filles ?

Il y a, en effet, une influence mais aussi une faculté à faire la part des choses. Par exemple, les poupées qui existaient autrefois étaient faites pour qu’on les materne et qu’on en prenne soin. Avec Barbie, la petite fille n’est plus autant sollicitée dans le maternage, mais plutôt dans la capacité à se projeter en essayant de répondre aux canons esthétiques.

On voit, à travers cela, l’empreinte de l’image dans notre société. Ce qui compte finalement, c’est le look qu’aura la petite fille en grandissant. Est-ce que c’est négatif? Cela dépend de ce que l’on a transmis comme éducation à la petite fille en termes de ressources économiques, sociales, symboliques, culturelles, affectives, émotionnelles. Tout cela est lié aux interventions des adultes pour permettre à la petite fille d’avoir une force intérieure lui permettant de contrer ces modèles qui peuvent constituer une forme d’aliénation pour elle.

Depuis quelques années, Mattel a décidé de diversifier les poupées Barbie en s’adaptant aux normes de la société actuelle. Une bonne évolution, selon vous ?

Il fallait absolument répondre à des attentes commerciales qui correspondent davantage à la complexité de la société actuelle. C’est important, car ce sont des modèles d’identification pour les enfants. Il y a aussi un code couleur très stéréotypé. Ce sont des repères genrés qui véhiculent des différences de conditions et d’aliénation entre les femmes et les hommes.

Aujourd’hui, il y a des jouets de couleur verte pour échapper au rose et au bleu. Toutefois, il y a encore une forme d’intériorisation des réflexes de ces marquages de la différence qui se fait un peu automatiquement. Pour y remédier, il faudrait la force d’une contre-culture, mais celle-ci tarde à faire son chemin.

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