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Abus de faiblesse : l’office social de la capitale dans le viseur de la défense


La justice cherche les responsables des dettes d’Alphonse. (Photo : archives lq)

La situation financière d’un septuagénaire décline. Sa dame de compagnie est accusée d’abus de faiblesse. Son avocat rejette la faute sur l’office social de la Ville de Luxembourg.

Claudia, une jeune femme d’origine roumaine, a-t-elle siphonné les économies d’Alphonse? Me Stroesser avance une autre théorie pour défendre sa cliente accusée d’abus de faiblesse : une erreur de l’office social de la Ville de Luxembourg aurait, selon lui, obligé le septuagénaire à vivre au-dessus de ses moyens au point d’accumuler les dettes.

L’histoire entre Claudia et Alphonse commence en 2015. À 78 ans, Alphonse soufre de solitude. Il n’a pas de famille et a du mal à se déplacer. Il lui demande de l’aider pour effectuer des tâches quotidiennes. Claudia accepte et, petit à petit, se rend indispensable, au point que le septuagénaire refuse de la quitter. «Il est prêt à tout pour la garder à ses côtés.» Du moins, c’est ce qu’affirme la jeune femme. Alphonse est décédé en 2018.

Pour les services rendus, la victime donne mille euros par mois à Claudia qui emménage dans son petit appartement au Limpertsberg. «Je faisais le ménage, les courses et je préparais les repas», explique la jeune femme à la barre de la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Jusqu’au jour où, en 2017, la Croix-Rouge, dont Alphonse était bénéficiaire du service Help, alerte l’office social de la capitale. Sa retraite n’aurait plus suffi à couvrir ses frais. Effectivement, le vieil homme avait 17 000 euros de dettes ainsi que des loyers et des charges sociales impayés.

«Je ne l’ai jamais obligé à faire tout cela»

La faute au contrat de travail que l’office social avait établi entre Claudia et Alphonse «pour régulariser la situation», accuse Me Stroesser. «Il aurait mieux fait de continuer à la payer au noir», comme il l’a fait pendant un an. Les charges patronales qui s’ajoutaient au salaire ont grignoté sa petite retraite, pas Claudia. Mais le parquet et l’enquêteur ne l’entendent pas de cette oreille. Mille euros par mois pour trois heures de travail par jour, c’est bien payé, estiment-ils. Surtout qu’une partie des tâches auraient été effectuées par des services externes, comme le réseau Help.

Et puis, il y a ce smartphone offert à la jeune femme dont Alphonse payait l’abonnement. Et cet autre téléphone et cet autre abonnement payés à une personne non identifiée. Et cette amie de Claudia et son beau-frère inscrits à l’adresse d’Alphonse. Et les prélèvements effectués avec la carte bancaire de la victime présumée. «Je ne l’ai jamais obligé à faire tout cela», se défend Claudia qui assure n’avoir prélevé que les sommes d’argent qui lui étaient demandées.

24 mois de prison requis

Le parquet, qui a épluché le compte bancaire du septuagénaire, émet un doute. «Sa situation financière s’est dégradée à l’arrivée de Claudia. Il vivait une vie simple et sa situation avait toujours été stable.» Une assistante sociale avait, elle aussi, émis des doutes quant à la nature de la relation qui liait Alphonse à la jeune femme. Elle avait suggéré une mesure de sauvegarde qui n’a pourtant jamais été suivie d’effet.

Alphonse était amoureux de Claudia, avance la représentante du parquet. La prévenue aurait profité de cette dépendance amoureuse exacerbée par son état de vulnérabilité et son isolement pour lui soustraire près de 63 000 euros. «Contrairement à ce qu’elle prétend, les frais courants étaient directement prélevés du compte bancaire. Elle n’avait pas besoin de prélever ces sommes en liquide», indique-t-elle avant de requérir une peine de 24 mois de prison et une amende à l’encontre de Claudia pour abus de faiblesse.

Me Stroesser, lui, réclame l’acquittement de sa cliente. «L’office social a fait une erreur et cherche un responsable», accuse-t-il. «Le total des prélèvements reprochés à ma cliente correspond à la somme de ses salaires pour une année.» Des salaires, selon lui, mérités. La jeune femme était une présence bénéfique pour Alphonse qu’un «placement en maison de retraite a fini par tuer». «Un avis médical atteste de la nécessité d’une présence au quotidien.»

«Alphonse savait ce qu’il faisait»

Pas parce qu’Alphonse perdait la tête ou avait du mal à se déplacer. «Il savait très bien ce qu’il faisait», affirme Me Stroesser. «Il était dehors du matin au soir et gérait parfaitement sa vie.» L’avocat écarte l’emprise et toute responsabilité qui pourrait peser sur sa cliente. Du moins, rien dans le dossier répressif ne permettrait de l’accuser d’avoir accepté de l’argent ou des biens pour des services qu’elle n’aurait pas rendus. «Si je n’ai pas assez de travail à donner à un employé, soit je continue à le payer, soit je le licencie.» Cela a été le cas en mars 2017 quand le contrat de travail a été résilié.

Une libération pour Alphonse, selon les intervenants sociaux interrogés par l’enquêteur. «Il a exprimé son ressentiment et a voulu se venger lors de son audition parce qu’il s’est senti éconduit par Claudia qui n’a jamais cédé à ses avances.» L’avocat a chargé une dernière fois pour tenter de disculper sa cliente et décrocher un acquittement ou au moins un sursis intégral.

Le prononcé est fixé au 29 février prochain.

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