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La « Nuit debout » veut sortir de la place de la République


Des centaines, puis des milliers de personnes se retrouvent chaque soir place de la République, avec la bienveillance des autorités parisiennes, pour participer à la première occupation de place d'ampleur en France, dans la lignée de celle de la Puerta del Sol à Madrid des "Indignés". (photo AFP)

« Sortir de la place de la République ». Lancée le 31 mars, l’opération « Nuit debout », devenue en une semaine un mouvement qui a essaimé à travers la France, veut désormais se construire un avenir en s’étendant hors de Paris et des centres urbains.

L’opération avait été lancée pour prolonger la manifestation contre la loi El Khomri, avec l’occupation de l’emblématique place parisienne et la projection du film « Merci Patron », réalisé par François Ruffin, fondateur du journal de critique sociale Fakir.

Des centaines, puis des milliers de personnes s’y sont retrouvées chaque soir, avec la bienveillance des autorités parisiennes, pour participer à la première occupation de place d’ampleur en France, dans la lignée de celles de la Puerta del Sol à Madrid des « Indignés », de la place Syntagma à Athènes par la « Génération des 700 euros » ou des actions du mouvement « Occupy » aux Etats-Unis.

« Cette forme d’action politique du rassemblement est devenue une forme reconnue, désormais utilisée comme la grève, la manifestation, le sit-in, l’émeute », explique le sociologue Albert Ogien, qui a étudié ces nouvelles formes de protestation: « C’est une forme moderne d’action politique, hors partis, hors syndicats, sans chef, sans programme, qui dit on discute entre citoyens de ce qu’il faut faire« .

Mais elles sont, selon lui, « vouées à disparaître » à terme: « Elles existent avant tout pour montrer qu’une auto-organisation des gens est possible. L’idée, c’est de faire naître une envie de protestation, de contestation parmi les gens ».

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« Ce n’est pas un mouvement spontané », raconte François Ruffin: « Il y a eu beaucoup de travail, de réunions… C’est un mouvement volontaire qui a rencontré un désir latent de sortir de la résignation. Ça relève plus de l’affect, du sentimental que du projet politique, ou alors c’est un projet politique sentimental ».

Avec des assemblées générales citoyennes quotidiennes et une organisation « horizontale » sans meneur mais structurée en pôles (« logistique », « actions », « communication »…) et commissions (« convergence des luttes », « éducation populaire », « international », « cantine »…), les participants échangent sur des alternatives politiques, contre la loi travail « et le monde qui va avec ».

Banlieues, syndicats, monde rural

Ces agoras se sont rapidement déclinées à travers la France, à diverses échelles, dans plus d’une cinquantaine de villes. « Il ne faut pas que la place de la République se prenne pour le nombril de la France. Il faut trouver le chemin vers l’extérieur de la place de la République », explique François Ruffin.

« Sur cette place, il y a essentiellement des jeunes diplômés, précarisés ou étudiants », souligne-t-il: « Un moteur explose quand il y a rencontre d’ingrédients différents. Il faut trouver la sortie d’un entre-soi et aller à la rencontre des banlieues, du mouvement syndical, des zones rurales… »

En Espagne, le mouvement des Indignés a réussi ce changement d’échelle, jusqu’à accoucher en 2014 du parti Podemos. « Après trois ans de maturation politique », rappelle toutefois Albert Ogien.

« Quand nous (les Indignés) avons atteint les autres quartiers de Madrid, nous avons réussi à faire 144 assemblées simultanément, avec 55.000 personnes en même temps. Nous allions dans les quartiers moins connus, les villages… La composition du mouvement a changé », raconte Miguel Urban Crespo, parlementaire européen Podemos.

« Dans mon village, des femmes retraitées, qui n’avaient jamais fait d’assemblée générale, disaient : Ça doit se terminer à 14h, parce que je dois aller faire la cuisine!. Des problèmes normaux de gens normaux. On ne pouvait pas faire des réunions de 8 ou 10 heures, comme à l’université ! A ce moment-là, c’est devenu un mouvement de gens normaux ».

« On n’est pas dans l’imitation d’un modèle étranger, il faut trouver notre propre chemin, prévient Ruffin. La société française n’est pas la société espagnole ». Sans être favorable à « un leader ou des figures » à la tête du mouvement, il juge « souhaitable que des groupes émergent et organisent les choses, prennent des initiatives » pour permettre son extension.

« C’est encore quelque chose en formation, il faut mûrir. Il y a des tas d’inconnues. Une chose est sûre: ce mouvement n’a pas été spontané, son dépassement ne sera pas complètement spontané ».

Le Quotidien / AFP

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