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Prostitution : la pénalisation des clients en passe d’être adoptée


Une personne prostituée en attente de clients le 5 septembre 2015 à Nice. (Photo : AFP)

La pénalisation des clients de prostituées, mesure phare de la proposition de loi socialiste renforçant la lutte contre la prostitution, sera adoptée définitivement mercredi par les députés, après un ultime débat sur le texte et presque deux ans et demi de parcours parlementaire.

Une manifestation de prostituées opposées au texte est programmée le même jour aux abords de l’Assemblée nationale. La France compte entre 30 et 40 000 prostituées, selon les estimations officielles. Depuis le premier examen de cette proposition de loi en décembre 2013, il s’agira mercredi du quatrième et dernier passage du texte devant l’Assemblée nationale, qui a «le dernier mot». Députés et sénateurs n’ont jamais réussi à se mettre d’accord sur la principale mesure du texte, l’interdiction de l’achat d’actes sexuels, qui sera sanctionné par une contravention de 1 500 euros (jusqu’à 3 500 euros en cas de récidive).

Les députés se sont toujours prononcés en majorité pour une telle sanction, inspirée de la Suède qui pénalise les clients de prostituées depuis 1999, les sénateurs la rejetant à chaque fois. Après deux examens par les deux chambres, députés et sénateurs avaient échoué mi-novembre à trouver une version commune à l’occasion d’une commission mixte paritaire. Un nouveau passage devant chaque chambre en début d’année a une nouvelle fois acté l’impossibilité d’un accord, le Sénat, à majorité de droite, refusant pour la troisième fois cette pénalisation, contre l’avis du gouvernement.

Le sujet a fait l’objet de vifs débats dans l’opinion, avec notamment la publication d’un «manifeste des 343 salauds», où des personnalités ont défendu leur droit à recourir à une prostituée. Il a divisé même au sein des partis politiques, dans des proportions variables.

Pour les partisans de la pénalisation, il s’agit de dissuader la demande et de considérer les prostituées «comme des victimes et non plus comme des délinquantes», a répété la députée socialiste Maud Olivier, à l’origine du texte. «Je suis fière que notre pays vote cette loi», a expliqué cette élue PS, y voyant un «événement». «Cette loi est indispensable pour qu’on ne puisse plus considérer comme normal d’acheter le corps d’une personne. On va arriver à faire évoluer les mentalités, mais il faudra encore faire de la pédagogie, et former les policiers, gendarmes et magistrats», a-t-elle prévenu.

« Faire évoluer les mentalités »

Pour ses détracteurs, pénaliser les clients «va mettre en danger les travailleuses du sexe», qui seront plus isolées, insiste Sarah-Marie Maffesoli, de Médecins du Monde.

Le sujet a aussi été farouchement combattu par des associations de prostituées, qui défendent leur activité comme volontaire et s’inquiètent d’une perte de revenus. «Les conséquences, on les voit déjà. Celles qui peuvent se le permettre partent travailler dans des pays frontaliers, les autres cherchent des agences, des salons, des intermédiaires, qui vont jouer le rôle de proxénètes, afin de les mettre en contact avec des clients», explique Morgane Merteuil, du Syndicat du travail sexuel (Strass).

Outre l’interdiction de l’achat d’actes sexuels, le texte crée une peine complémentaire, sous la forme d’un stage de sensibilisation aux conditions de la prostitution. Il supprime en outre le délit de racolage passif, institué en 2003 par le ministre de l’Intérieur d’alors, Nicolas Sarkozy, et dénoncé par toutes les associations sur le terrain. «On ne sera plus pénalisées pour racolage, mais les municipalités multiplient les arrêtés anti-prostitution», déplore le Strass.

Le texte prévoit aussi la création d’un parcours de sortie de la prostitution et des mesures d’accompagnement social, un titre de séjour de six mois pour les prostituées étrangères engagées dans un parcours de sortie de la prostitution. Il crée également un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, abondé par l’Etat à hauteur de 4,8 millions d’euros par an. Pour Grégoire Théry, du Mouvement du nid, une association prônant l’abolition de la prostitution, «il y a une attente à l’international sur cette loi qui est immense».

Le Quotidien/AFP