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Rappel à la loi pour Déborah de Robertis, nue au musée d’Orsay


Olympia, Déborah de Robertis. (photo Déborah de Robertis et Rim Battal)

L’artiste luxembourgeoise arrêtée samedi pour exhibition sexuelle pour s’être allongée nue au musée d’Orsay à Paris, dans le cadre d’une performance artistique, a fait l’objet d’un rappel à la loi du parquet de Paris.

« Tout ça pour ça. On a voulu lui faire peur et l’intimider », a dénoncé son avocat, Me Tewfik Bouzenoune. Samedi après-midi, alors que le public profitait des derniers jours de l’exposition « Splendeurs et misères, Images de la prostitution 1850-1910 », l’artiste Déborah de Robertis s’est dénudée et allongée sous le tableau « L’Olympia » d’Edouard Manet, imitant ce chef d’œuvre.

« L’Olympia » représente au premier plan une jeune femme nue allongée sur un divan et au second plan une femme noire lui présentant un bouquet de fleurs. Peint en 1863, le tableau fit scandale à l’époque par sa représentation très prosaïque d’une prostituée.

Déborah de Robertis « portait une caméra portative pour pouvoir filmer la réaction du public. Il s’agit d’une performance artistique », avait indiqué son avocat. Une porte-parole du musée, qui a porté plainte, avait expliqué que la police avait été appelée et avait emmené l’artiste, placée en garde à vue.

Le rappel à la loi est une alternative aux poursuites qui permet au parquet de rappeler quelles sont les obligations légales et les risques encourus si elles ne sont pas respectées.

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L’Olympia, d’Édouard Manet. (photo AFP)

Déborah de Robertis n’en est pas à son coup d’essai. En mai 2014, toujours au musée d’Orsay, elle avait exposé son sexe devant « L’origine du monde » de Gustave Courbet, célébrissime tableau représentant un sexe de femme. Le musée avait là aussi porté plainte. Selon la source judiciaire, l’artiste avait déjà fait l’objet d’un rappel à la loi par un officier de police judiciaire.

Selon l’avocat de Déborah de Robertis, « il est urgent de réformer le texte réprimant l’exhibition sexuelle, pour ne pas confondre le geste d’un pervers sexuel et celui d’un artiste ».

Le Quotidien / AFP

La lettre de Déborah de Robertis au musée d’Orsay

Le site www.exponaute.com reproduit la lettre adressée par Déborah De Robertis à Guy Cogeval, président du musée d’Orsay :

« Monsieur le Directeur,

Mon droit de réponse.

Cela fait longtemps que je veux vous écrire mais la plainte que le musée d’Orsay a déposée contre moi aura réussi à faire naître en moi un sentiment d’inertie : comment songer vous demander une autorisation sachant que vous avez nié ouvertement tout geste politique dans ma performance devant L’Origine du monde de Courbet ? Je ne prendrai jamais le risque que vous m’interdisiez l’accès au musée, ce serait comme m’autocensurer.

En déposant plainte pour exhibition sexuelle le 29 mai 2014, vous avez envoyé un message radical : mon geste sous L’Origine du monde de Gustave Courbet ne sera pas reconnu comme étant un geste artistique de la part du musée d’Orsay. En posant cet acte de réduire ma mise en abîme du tableau de l’origine du monde à une vulgaire exhibition sexuelle, vous avez envoyé un message d’une grande violence aux artistes et militants qui comme moi utilisent leurs corps comme outil de réflexion pour faire bouger les modèles.

La plainte n’a pas été prise, mais les effets de cet acte ont eu un lourd impact dont il est important de révéler les mécanismes : vous avez influencé l’ensemble du débat public et m’avez mise en position de défense et dans l’obligation de répondre à des questions humiliantes qui ne feront jamais partie de mon travail. Porter plainte pour exhibition sexuelle c’est inventer une transgression qui n’existe pas. Porter plainte pour exhibition sexuelle c’est ramener des positions intellectuelles à une simple enveloppe physique. Porter plainte c’est me fermer la bouche, me censurer, me considérer en objet.

Splendeurs et misères de la prostitution touche à sa fin. Cette exposition ne peut pas être clôturée sans donner la parole à son modèle. Je ne peux pas vous laisser déplacer le tableau sans déplacer les modèles. Mon geste n’est pas de me mettre nue mais il consiste à renverser le point de vue du modèle nu : c’est une nuance fondamentale que je vous demande de reconnaître. Nous sommes en 2016 et l’Olympia n’est plus qu’un modèle nu qui regarde en face le spectateur, son regard est métallique, son regard est contemporain, c’est un œil-objectif qui enregistre le regard du spectateur, du garde, du directeur d’institution. Il suffit d’ouvrir les yeux pour reconnaître qu’aujourd’hui quelque chose a bougé dans le monde quant à la question de la nudité et je n’attendrai pas plus longtemps pour que ce déplacement soit fait dans l’art. C’est maintenant et non demain que l’Olympia est une femme autrice de son point de vue. Pour être claire : en 2016 c’est Olympia qui dispose de son propre copyright.

Au sujet de la propriété intellectuelle, il semble qu’il soit interdit de faire des images à l’intérieur de l’exposition. Cependant, pour que le modèle garde les traces de son point de vue, pour que le modèle bouge, il faut faire image : je vous demande donc de laisser cet acte prendre place. Porter plainte pour violation du règlement devant cette avancée nécessaire revient à porter plainte pour exhibitionnisme. Il nous a fallu attendre 2015 pour poser la question « Qui a peur des femmes photographes ? » [allusion à l’exposition du même nom actuellement visible au musée d’Orsay et à l’Orangerie, ndlr] et déjà le modèle s’empare de l’objectif.

« Qui a peur de l’objectif de l’Olympia ? ». Olympia ce sont toutes les putains accrochées aux cimaises de cette exposition. Je suis Olympia. En portant plainte pour exhibition sexuelle, vous avez nié publiquement le point de vue des modèles nus que vous exposez aujourd’hui en objets, en interdisant de filmer, vous empêchez ce point de vue d’exister.

C’est pour toutes ces raisons que je me dois de refaire un geste. Je souhaite vous offrir la possibilité de vaincre là où vous avez échoué en portant plainte pour exhibition sexuelle. En réincarnant le tableau, je n’expose pas ma nudité, j’expose la position d’un modèle nu qui s’est mis en mouvement pour refléter ce qui aujourd’hui a bougé dans le monde et doit bouger dans le regard et, avant toute chose, dans votre regard car cette perception nouvelle doit être prise en considération par votre institution pour que celle-ci devienne un modèle.

S’en remettre aux autorités pour qu’elles appliquent une loi inadaptée est un acte de censure et de lâcheté. Par là-même, vous vous désolidarisez des expositions que vous organisez et vous niez ce qu’elles appellent et mettent en mouvement dans le monde.

C’est pour cela que je ne vous demande pas d’autorisation, mais vous demande bien plus que cela. Je vous demande d’accepter mon geste en plein état d’urgence. Si l’urgence aujourd’hui n’est pas d’encourager les artistes et les militants qui œuvrent à faire bouger le monde, alors qu’est ce que l’urgence ? C’est parce que, aujourd’hui plus que jamais, l’art doit être encouragé que je vous demande, en ce 16 janvier 2016, symboliquement et réellement, de me laisser renverser ce point de vue en renversant vos procédures.

Moi l’Olympia, je suis venue vous demander de me prêter vos gardes pour qu’ils protègent ce point de vue encore invisible. Au lieu de m’en empêcher et d’appeler les autorités, je voudrais qu’ils gardent mon corps nu comme ils gardent la peinture de Manet. Moi l’Olympia, je porte aujourd’hui le bouquet. Acceptez-le comme la preuve de votre volonté d’accueillir ce regard que j’adresse. »

Deborah De Robertis, 16 janvier 2016.

2 plusieurs commentaires

  1. Il faut faire la différence entre un geste pervers et une œuvre artistique !? J’imagine bientot le bordel que cette loi va engendrer ?

  2. Miss Deborah De Robertis ;
    Vous appeler ça un art est que vous montrer votre corps nu….pour faire bouger le monde, si vrai de chanter a vous juste pris de vous oreille, mais, en 2016, vous n’êtes pas un extraterrestre, nous être humaines nous appartenons au Grand Dieu, vous terroriser est provoquer avec ce geste, le respect est seul façon de modeste envers le publics….juste mon points de vue. Merci