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[Théâtre] Dans la forêt vosgienne, une «bête» et un Roi nu


Sylvain Maurice affirme que la scène de Bussang, qui s’ouvre sur la forêt, est «le personnage principal» de la pièce qu’il met en scène, Le Roi nu.

Une pause enchantée au cœur de la verdure, face aux montagnes vosgiennes : le Théâtre du Peuple de Bussang, symbole de décentralisation culturelle, présente actuellement deux pièces.

Dès le début d’après-midi en ce samedi d’août, les ruelles du village d’un millier d’habitants s’activent : les voitures défilent en direction du Théâtre du Peuple. L’organisation est bien ficelée, alors que ce théâtre pas comme les autres, tout bâti de bois, a rouvert ses portes comme tous les étés, accueillant à chaque représentation jusqu’à 850 spectateurs. Équipé de coussins et d’oreillers de toutes les couleurs, le public s’installe sur d’inconfortables bancs de bois.

À 15 h, la pièce, mise en scène par Sylvain Maurice, s’ouvre, avec le fond de scène qui a fait la renommée du théâtre : la forêt vosgienne. Trois heures durant, Le Roi nu raconte l’histoire d’amour entre Henri, gardien de cochons, et Henriette, une princesse, promise à un roi qui fait régner la terreur. La pièce, écrite par Evgueni Schwartz en 1934 en Union soviétique, n’a jamais été jouée du vivant de l’auteur. Elle mêle trois contes d’Andersen – La Princesse et le porcher, La Princesse au petit pois et Les Habits neufs de l’empereur.

Autour du roi, interprété par Manuel Le Lièvre, la troupe mêlant professionnels et amateurs offre trois heures de rires et de mise en cause des régimes politiques actuels. Cette pièce est aussi l’espoir «que grâce au théâtre, nous pourrons montrer l’imbécilité et l’arrogance des puissants», selon Sylvain Maurice, pour qui la scène de Bussang est «le personnage principal du projet». Le soir aussi, les spectateurs se pressent. Certains font demi-tour à regret, la pièce affichant complet tout le weekend.

«Perte de repères»

Directrice du Théâtre du Peuple depuis octobre 2023, Julie Delille présente aussi, les jeudis, vendredis et samedis soirs d’août à 20 h, Je suis la bête, qu’elle a monté avec sa compagnie du Théâtre des trois Parques, qu’elle a fondé en 2015, et adaptée à ce lieu où l’histoire résonne particulièrement. Cette adaptation du livre d’Anne Sibran met en scène Méline, une enfant abandonnée puis recueillie par un chat, qui lui apprendra la vie dans la forêt.

Comme Méline dans son placard, le public va prendre place dans la pénombre pour une heure de représentation poignante. Dans la salle obscure, seule la croix de Lorraine, gravée en blanc au-dessus de la scène, reste visible. On ne distingue que sporadiquement «la bête», jouée par Julie Delille, seule en scène.

«On a l’impression que la pièce a été écrite pour ce théâtre», remarque à l’issue de la représentation un spectateur ravi. «On me l’a souvent dit», confie Julie Delille. Pour cette rencontre entre le lieu et l’histoire, l’expérience a par ailleurs été «repensée pour être jouée avec le lieu» à la nuit tombée. «Ça nous a troublé», estime un spectateur. «On a un sentiment de perte de repères», dit une autre, au coin du feu, sous le ciel étoilé, lors d’un temps d’échange avec la maîtresse des lieux.

En cette année où l’injonction est claire, autour du programme estival «Jubilons!», le théâtre a voulu se reconnecter au peuple de ce village aux confins des Vosges et de ses alentours, pour fêter les 130 ans d’existence de cette «utopie» de Maurice Pottecher, qui le fonda en 1895 dans son village natal. Cet auteur, metteur en scène et acteur, a fait du Théâtre du Peuple un symbole de la décentralisation culturelle. L’histoire de ce monument hors du commun sera racontée dans un «feuilleton théâtral» du 20 au 30 août à Bussang.

Du jeudi au dimanche,
à 15 h (Le Roi nu)
et 20 h (Je suis la bête).

Jusqu’au 30 août.
Théâtre du Peuple – Bussang.

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