James Bond dans les mains d’une entreprise américaine : shocking! La prise de contrôle par Amazon, la semaine dernière, de cette franchise du Royaume-Uni inquiète les sujets de Sa Majesté, dont certains se demandent si 007 a encore un avenir.

Après des mois d’une guerre larvée entre les producteurs historiques des films et Amazon, abondamment relayée par la presse britannique, le couperet est tombé jeudi : le géant américain va désormais présider aux destinées de l’espion le plus connu au monde. Et il le fera à sa guise, la famille Broccoli – les ayants droit – lui ayant cédé le contrôle créatif. De quoi soulever des interrogations dans la patrie de 007 : le lendemain de l’accord, le quotidien The Independent se demandait si en prenant le pouvoir sur la franchise, Amazon ne l’avait pas «enterrée». Pour le Times et le Telegraph, James Bond ne sera  «plus jamais» le même.

Reste que les intentions précises d’Amazon pour la franchise n’ont pas été dévoilées. «Ce qui est certain, c’est qu’ils voudront un retour sur investissement», souligne Chloe Preece, professeure de marketing à l’école de commerce ESCP.  «Et pour pouvoir amortir l’argent dépensé, ils vont utiliser la franchise à outrance en créant des séries et des produits dérivés», avance-t-elle. Le groupe de Jeff Bezos a racheté le mythique studio MGM en 2022 pour 8,45 milliards de dollars (plus de 8 milliards d’euros) mais la famille Broccoli gardait le contrôle exclusif sur la marque.

Selon le Times, Amazon aurait re-déboursé 1 milliard de dollars pour avoir (définitivement) les coudées franches. «Il va y avoir un changement de volume», complète Tom Harrington, qui travaille chez Enders Analysis, la principale société britannique d’étude et de conseil sur les médias et les télécoms. Jusqu’ici la famille Broccoli avait une vision très «exclusive» de la marque. Si le merchandising était permis, il restait limité, souligne-t-il. «Il est fort probable qu’Amazon voudra créer une galaxie autour de la marque, un peu à l’image des Marvel ou Star Wars», décrypte l’expert en marketing Adrian Mediavilla.

Qui choisiriez-vous pour incarner le prochain Bond?

Pour ce faire, il faudra piocher dans des personnages secondaires, développer de nouvelles trames. Mais «la matière est là», assure Chloe Preece. Et les fans aussi. «Il y a un appétit autour de la marque, le public attend désespérément le prochain film», poursuit-elle. Le dernier, No Time to Die, remonte à 2021. Mais il y a un risque : la surexploitation de la franchise. In fine, cela pourrait même l’affaiblir. Surtout, il faudra «rester fidèle à l’héritage de la marque» autour du personnage imaginé il y a sept décennies par Ian Fleming, souligne Adrian Mediavilla.

«Les Broccoli ont toujours fait très attention. Ils ont toujours travaillé avec une équipe resserrée qui connaissait le personnage sur le bout des doigts, et ils choisissaient eux-mêmes le réalisateur», souligne Chloe Preece. Or, à l’instar de ses concurrentes Netflix ou Disney, la plateforme Amazon travaille avec une armada de scénaristes qui, inévitablement, vont et viennent. Pour d’autres, le péril est ailleurs. Des tabloïds britanniques s’inquiètent ainsi que James Bond devienne «woke». «Si vous regardez l’évolution des films, on peut presque dire que les derniers sont déjà « woke »», nuance Chloe Preece.

Pour elle, le personnage de Bond incarné par Daniel Craig n’a presque plus rien à voir avec celui interprété par Sean Connery ou Roger Moore. Les scénaristes ont gommé son côté goujat et ses piques condescendantes à l’égard des femmes, pour offrir dans les derniers films l’image d’un homme un peu plus sensible. Mais les grandes perdantes pourraient être les salles de cinéma. Tous les films de la saga sont d’énormes blockbusters. Mais Amazon pourrait dorénavant se passer d’une sortie en salles et proposer le film directement sur Prime, sa plateforme.