« Merci Gisèle »: la banderole qui flottait jeudi matin face au palais de justice d’Avignon, avant le verdict du procès historique des viols de Mazan, résume le message de gratitude de femmes et d’hommes envers celle qui a voulu « que la honte change de camp ».
Depuis le début de ce procès, il y a près de quatre mois, des 51 hommes jugés pour la plupart pour viols aggravés sur Gisèle Pelicot, les murs de cette cité du sud-est de la France se sont recouverts de collages contre les violences sexuelles et pour les droits des femmes.
Les derniers messages du collectif Amazones d’Avignon s’affichent depuis mercredi soir : « Justice pour toutes », « La honte a changé de camp, et la justice ? », et le plus grand, « Merci ».
« Le viol concerne des femmes du monde entier, c’est pour ça que le monde entier a les yeux sur ce qui va se passer », estime Ghislaine Sainte Catherine, une des membres de ce collectif féministe.
Entre ces mobilisations contre les violences sexuelles, la ruée des médias, la queue depuis l’aube pour espérer avoir une des rares places réservées au public et un important dispositif policier, le verdict est attendu dans la fébrilité.
Hors norme par le nombre d’accusés et les faits reprochés –un mari, Dominique Pelicot, qui drogue son épouse, Gisèle, pendant une décennie, pour la violer et la faire violer au domicile conjugal par des dizaines d’inconnus recrutés sur internet–, ce procès a fait résonner largement les ravages des violences faites aux femmes.
Pour avoir renoncé au huis clos, auquel ont droit les victimes de viols, et fait face publiquement aux hommes accusés de l’avoir violée, Gisèle Pelicot, 72 ans, est devenue une icône féministe.
« Merci à elle, parce que pour beaucoup de femmes victimes de viols, la honte a maintenant changé de camp », se réjouit Pascale Plattard, ingénieure informatique.
« Courage »
Devant le tribunal, jeudi à l’aube, une femme de 69 ans attendait, depuis 05h20, comme chaque matin depuis le début des audiences le 2 septembre. Venue au départ pour découvrir le déroulement d’un procès, Bernadette Teyssonières, retraitée des environs d’Avignon, exprime, elle aussi, sa gratitude et son admiration pour Gisèle Pelicot.
« Je suis impressionnée par le courage qu’a eu cette femme, qui avait subi tout ça pendant dix ans, de se montrer au grand jour », confie-t-elle à l’AFP, « la honte doit reposer sur les agresseurs ».
Comme des dizaines d’autres personnes, dans la salle des pas perdus du tribunal, elle l’a applaudie, jour après jour.
Mais, en ce jour de verdict, Bernadette n’est pas sûre d’avoir une place dans la salle de retransmission, car les médias du monde entier se sont rués à Avignon.
Ils sont près de 180 accrédités, dont 86 étrangers, certains avec plusieurs journalistes. De nombreux policiers seront aussi présents dans la salle d’audience et autour, car 32 coaccusés comparaissent libres mais pourraient être emmenés directement en prison s’ils sont condamnés.
Mais pour elle, plus que le verdict contre ces hommes âgés de 27 à 74 ans et de tous milieux sociaux jugés dans cette affaire, c’est « tout ce qui s’est passé avant dans le procès qui restera le plus important »: « Essayer de comprendre comment ce monsieur en est arrivé là, pourquoi des hommes, quand ils sont arrivés dans la chambre de Mme Pelicot, ont quand même poursuivi leur acte alors qu’elle était inerte, au lieu de partir tout de suite ».
Elle espère que ce procès permettra de discuter plus ouvertement et largement dans les familles de la question du consentement, du respect pour chacun dans la sexualité.
Hugo Mazure, étudiant en sciences politiques de 18 ans, est arrivé au tribunal à 05h25 pour ce jour crucial. Depuis un an et demi, il lit davantage sur le féminisme et ce procès l’a fait réfléchir encore plus sur ses actions en tant qu’homme. « Merci! Elle est clairement un symbole d’une lutte qui est énorme et grâce à elle on aura des progrès! »