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John Williams, l’homme derrière le maestro


Selon le réalisateur Laurent Bouzereau, John Williams est le compositeur qui a «élevé l’art de la musique de film», longtemps méprisé par ses pairs. (photo Lucasfilm/Amblin television/Disney+)

Il a composé «la bande originale de nos vies» avec ses musiques pour Star WarsE.T. ou Indiana Jones, mais la sienne reste méconnue : John Williams, 92 ans, se dévoile dans un documentaire produit par Steven Spielberg, son frère de cœur.

Attendu vendredi sur la plateforme de streaming Disney+, le documentaire Music by John Williams retrace la carrière du chef d’orchestre américain, à l’origine des partitions de moult classiques du cinéma, de Superman à Harry Potter en passant par Schindler’s List ou Jurassic Park. «C’est quelque chose que j’essayais de faire depuis longtemps», relate son réalisateur franco-américain, Laurent Bouzereau, qui a rencontré le compositeur aux cinq Oscars il y a 30 ans, à l’occasion d’un de ses nombreux making-of de l’œuvre de Steven Spielberg. «Mais il m’avait toujours dit non», ajoute le documentariste, louant «quelqu’un de très modeste», qui «inspire la droiture», «n’aime pas tellement qu’on l’encense» ni «regarder derrière lui».

Un bref coup d’œil dans le rétroviseur a d’ailleurs de quoi donner le tournis : 54 nominations aux Oscars – un score battu uniquement par Walt Disney –, plus d’une centaine de longs métrages mis en musique – dont presque tous ceux de Steven Spielberg –, près de vingt concertos classiques, une œuvre jouée par les orchestres du monde entier et reconnaissable dès les premières notes… «Je défie n’importe qui de trouver quelqu’un d’autre (chez les compositeurs) qui soit aussi fort, aussi célébré que lui», résume Laurent Bouzereau, qui a sollicité l’aide du papa d’E.T. pour sortir John Williams de sa réserve. «Je pensais que si cela venait de Steven, il y aurait de fortes chances qu’il réponde oui.»

Convaincu par cette «alliance», rejointe entre autres par Ron Howard, George Lucas et les producteurs Kathleen Kennedy et Frank Marshall, John Williams revient ainsi sur ses bandes originales cultes – écrites à partir d’images, sans lire les scénarios –, à l’instar du thème de Jaws (Steven Spielberg, 1975), deux simples notes incarnant la menace d’un requin invisible.

Musique «intemporelle»

Le natif de New York retrace aussi son enfance, baignée dans la musique aux côtés d’un père percussionniste, ses débuts comme pianiste de jazz et arrangeur pour la télévision, la mort à 43 ans de sa première épouse, l’actrice Barbara Ruick, ses déboires à la tête de l’orchestre Boston Pops dans les années 1980… Et, bien sûr, sa rencontre, déterminante, avec Steven Spielberg, qui lui a confié il y a 50 ans son premier film sur grand écran, Sugarland Express (1974), et l’a présenté à George Lucas, le créateur de Star Wars.

Outre leurs rôles de producteurs, ces deux cinéastes comptent parmi les nombreux intervenants du documentaire, racontant comment John Williams a sublimé leur travail, tandis que le leader de Coldplay, Chris Martin, ou encore le violoniste Itzhak Perlman abordent l’impact de sa musique, «intemporelle», selon Laurent Bouzereau. «Il a élevé l’art de la musique de film», aujourd’hui «menacé par l’intelligence artificielle» et que «beaucoup de gens, beaucoup de musiciens» méprisaient, rappelle-t-il.

Alchimie avec Spielberg et Lucas

Pour lui, le tournant est survenu en 1977, lorsque l’orchestre philharmonique de Los Angeles a joué pour la première fois le thème de Star Wars en public. Paradoxalement, John Williams n’est «pas un cinéphile», relève Laurent Bouzereau. «Ce n’est pas quelqu’un qui va au cinéma, (mais qui) aime beaucoup la création, en fait, de cinéma. Et surtout (…) les réalisateurs comme Steven ou George Lucas, avec qui il a tout à coup une espèce d’alchimie.»

Sa relation avec Steven Spielberg, en particulier, est «unique», insiste le réalisateur du documentaire. «Ils s’appellent frères. (…) Il n’y a pas beaucoup de gens qui ont eu ce genre d’histoire», mis à part «peut-être François Truffaut et Georges Delerue», qui ont collaboré comme réalisateur et compositeur sur onze films. «Avant toute chose, c’est un ami très cher», résumait Steven Spielberg à l’avant-première du documentaire, mercredi dernier, à Los Angeles, avec qui il a formé «le meilleur partenariat créatif (…) de toute (s)a carrière». «Il était compliqué de convaincre John de nous autoriser à raconter l’histoire de sa vie et de sa carrière, car, comme John le dit toujours : « Mais qui voudrait s’intéresser à moi? » Je veux (que les fans) comprennent que ce n’est pas un magicien qui nous a donné ces thèmes qui ont traversé les générations. C’est un merveilleux être humain.»

Music by John Williams, de Laurent Bouzereau. Sortie vendredi sur Disney+.