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[Cinéma] Villerupt, de La dolce vita à la «vita dura»


Parthenope, de Paolo Sorrentino, est l’un des films les plus attendus de cette 47e édition. (Photo : gianni fiorito)

Souvenirs d’hier, problèmes d’aujourd’hui et talents de demain s’entrechoquent au festival du Film italien de Villerupt, qui se tiendra à partir du 25 octobre.

Alors que sa 47e édition sera inaugurée dans neuf jours, le festival du Film italien de Villerupt maintient son cap. À l’intérieur du programme, riche comme à son habitude de quelque 71 longs métrages, la compétition – quinze films – fait la part belle aux jeunes talents, dont beaucoup signent là leur première ou deuxième œuvre. Pour la manifestation, «il s’agit de détecter qui sont les cinéastes de demain», explique son délégué général, Oreste Sacchelli, qui a accompagné en temps réel, à travers le festival, l’éclosion puis l’explosion des grands noms du cinéma transalpin de ces dernières décennies : Nanni Moretti, Daniele Luchetti, Massimo Troisi, Roberto Benigni, Marco Tullio Giordana, Paolo Sorrentino… Comme pour ces derniers, Oreste Sacchelli augure de retrouver les jeunes talents de la compétition 2024 «dans quelques années, mais du côté hors compétition» – un signe de réussite, dit grossièrement, le signe en tout cas d’une réputation et d’un talent bien établis. Il conviendra au jury présidé par le producteur luxembourgeois Jani Thiltges (Samsa Film) de donner sa validation.

Cinéma et engagement

Entre le drame de guerre au féminin Vermiglio, de Maura Delpero (Grand Prix du jury à Venise et représentant de l’Italie aux prochains Oscars), le premier film de fiction du documentariste iranien Milad Tangshir, Anywhere Anytime, une variation sur le classique néoréaliste Ladri di biciclette (Vittorio De Sica, 1948) à l’heure des travailleurs immigrés clandestins, ou encore I bambini di Gaza, de Loris Lai, qui narre l’amitié entre un Israélien et un Palestinien autour de leur passion pour le surf, cette 47e édition du festival de Villerupt se veut, hasard de l’actualité ou pas, décidément politique.

Ainsi, l’Amilcar de la Ville, prix honorifique décerné chaque année à une personnalité du cinéma italien contemporain, sera remis à l’acteur Michele Riondino, lui aussi en compétition avec son premier long métrage, Palazzina Laf. Selon Oreste Sacchelli, ce film, dans lequel un ouvrier chargé d’espionner ses collègues de l’aciérie Ilva met à jour les maltraitances psychologiques dont sont victimes ces derniers, est «la suite logique de l’engagement social et écolo» du réalisateur, lui-même fils d’un ouvrier de l’aciérie de Tarente (devenue depuis ArcelorMittal) qu’il met en scène, et fondateur d’un comité citoyen luttant contre la pollution. Palazzina Laf, qu’un succès-surprise a transformé en véritable phénomène de société en Italie, est un exemple de cinéma «né d’abord d’une profonde implication militante», défend le délégué général. Une chose devenue rare après l’âge d’or du cinéma populaire engagé, dans les années 1960 et 1970.

La classe ouvrière entre paradis et enfer

Toujours dans le même ordre d’idées, le thème choisi cette année, «Travailleurs, travailleuses et algorithmes», plongera mieux encore dans le monde du travail : représentation des nouvelles conditions et modalités, précarité sans arrêt grandissante, conséquences du «new management» sur l’individu, la famille, la société… Oreste Sacchelli : «Le travail, on en avait déjà fait notre thème en 2009. Quinze ans, ça commence à faire long», en particulier lorsque la modernisation tous azimuts a forcé la création de nouvelles pratiques et l’émergence de nouveaux phénomènes.

Croyez-le ou non, on n’avait jamais présenté La dolce vita à Villerupt!

Ce nouveau thème regardera alors le monde du travail au présent, avec douze films, tous réalisés entre 2010 et 2023, pour soulever des questions brûlantes. Et l’accent est mis en particulier sur des histoires de femmes, doublement victimes de ces changements drastiques. Elles sont au cœur de 7 minuti (Michele Placido, 2016), qui raconte la lutte de onze ouvrières du textile après que leur usine a été avalée par une multinationale; de Gli ultimi saranno gli ultimi (Massimiliano Bruno, 2015), dans lequel une femme est licenciée après avoir dévoilé sa grossesse; encore de Ride (Valerio Mastandrea, 2018), ou le récit d’une femme qui peine à faire face à la disparition de son mari, un ouvrier mort sur son lieu de travail.

«Incontournable» Mastroianni

Pour continuer à parler boulot, Marcello Mastroianni, né il y a cent ans cette année, n’a pas été que l’icône ultime du cinéma italien : il en a été aussi un vrai stakhanoviste, avec quelque 150 rôles joués en plus de 50 ans de carrière. Le festival de Villerupt en a choisi onze qu’il tient pour définitifs, des plus célèbres pour Federico Fellini ou Mauro Bolognini aux collaborations avec Monicelli, Visconti ou Risi plus rarement montrées. S’ajoutent à cela le film méta Marcello mio, de Christophe Honoré, ainsi qu’un documentaire sur l’acteur et une expo photo. «Croyez-le ou non, on n’avait jamais présenté La dolce vita à Villerupt!», s’est exclamé Bernard Reiss, l’un des organisateurs; ce sera chose faite cette année, avec le chef-d’œuvre de Fellini sur grand écran. Et si Oreste Sacchelli glisse que la tenue du festival en fin d’année le fait toujours passer «en dernier pour les célébrations et anniversaires», l’occasion permet au moins de voir quelques œuvres rares et fraîchement restaurées. Que le délégué général se rassure par ailleurs : l’année prochaine, le festival tombera pile pour les hommages du 50e anniversaire de la mort d’un autre géant du cinéma italien, Pier Paolo Pasolini.

Festival du Film italien de Villerupt,
du 25 octobre au 11 novembre.

L’Italie vue d’ici

L’enracinement local du festival de Villerupt n’est plus à prouver. Cette année encore, l’évènement devient une passerelle grâce à laquelle les petites histoires locales s’inscrivent dans la grande histoire du cinéma italien et de sa diffusion à l’étranger. Il suffit de citer le film Des quetsches pour l’hiver (Jean-Paul Menichetti, 1975), petit objet de culte que l’on connaît surtout pour avoir été réalisé par la même bande qui initiera le festival de Villerupt : l’œuvre, restaurée par Jean-Louis Sonzogni, sera diffusée pour une projection unique à l’Arche, le 1er novembre. Ce dernier, réalisateur cette année du documentaire Studio 16, sur l’aventure de ces passionnés de cinéma du Pays-Haut, vient d’être élu président de l’association Image’Est, dédiée à la préservation du patrimoine cinématographique de la région. C’est en tant que tel qu’il présentera à Villerupt le nouveau projet de l’association, soit la création d’une archive de films.

De notre côté de la frontière, outre la présidence du jury assurée par le producteur Jani Thiltges, le festival de Villerupt accueillera aussi le réalisateur et producteur luxembourgeois Donato Rotunno, qui présentera en exclusivité son prochain documentaire, La Fourchette à gauche. Le film retrace un pan d’histoire italo-luxembourgeoise, hautement politique elle aussi, avec le destin du Circolo Curiel, récemment détruit pour être reconstruit, et son influence sur la communauté, mais aussi sur la vie politique et culturelle au Luxembourg. Il sortira le 20 novembre sur les écrans du Grand-Duché.

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