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[Album de la semaine] «Viva Hinds», l’art du renouveau


Indépendamment du fait qu’un Madrilène (répondant au nom de Pedro Almodóvar) a tout juste été distingué à la Mostra de Venise pour son premier long métrage en langue anglaise, l’album qui tourne en boucle dans nos oreilles cette semaine est celui de Hinds… un duo de Madrilènes qui chante en anglais.

La coïncidence, pour aussi sympathique qu’elle soit, est entièrement due au mérite des musiciennes qui, avec Viva Hinds, utilisent leur énergie rock et espiègle pour panser des plaies qui ont bien failli les dévaster. L’album d’une amitié à toute épreuve, d’une exploration musicale qui revisite les chemins parcourus tout en défrichant de nouveaux horizons, d’un exorcisme artistique guidé par le cœur.

Retour en 2020 : la pandémie force sa maison de disques à repousser la sortie du troisième album de Hinds, ironiquement titré The Prettiest Curse, et dans la foulée des annulations de concerts en cascade, la formation se voit lâchée par son label de toujours. Une année terrible, même pour les standards chaotiques de ce duo formé en 2011 et immédiatement dissous, avant de renaître en tant que quatuor trois ans plus tard. Mais après les complications de l’ère pandémique, c’est au tour de la bassiste et de la batteuse de claquer la porte du groupe, laissant les deux fondatrices-guitaristes-chanteuses, Carlotta Cosials et Ana García Perrote, face à une incertitude qu’elles espéraient sans doute ne plus connaître.

Un indie rock radieux entre ironie mordante et déclarations d’amour

Pour les deux «Spanish Bombs» – d’après le titre des Clash qu’elles ont récemment repris, et qui traduit bien leur caractère –, c’est l’occasion de remettre les compteurs à zéro. Se réinventer, en quelque sorte. Au lieu de se laisser abattre par une sordide scoumoune, elles réaffirment la foi qu’elles ont l’une en l’autre, ouvrant un nouveau chapitre dans leur double complicité, artistique et privée. Les paroles portent des thèmes millénaires – l’amour, la perte –, mais entre les lignes, c’est bien d’elles qu’elles parlent. Comme toile de fond à leur «indie rock» aux accents tantôt punk tantôt pop, hyper accessible et toujours radieux, elles s’épanchent avec une ironie mordante sur le destin accidenté de leur petite famille musicale : c’est le cas de Superstar (et son refrain taillé pour les stades), mais aussi de Hi, How Are You, ouverture de l’album en forme de mise au point, et qui culmine en une déflagration de guitares – l’une bourdonnante, l’autre stridente.

Le message peut sembler léger, mais il est parfaitement assumé; pour le reste, on s’en remettra à notre sens de la fête ou au simple plaisir de terminer une journée de fin d’été au son des vagues électriques de The Bed, the Room and You (du «college rock» 100 % féminin sorti 35 ans trop tard). Le morceau est l’une des (nombreuses) déclarations d’amour, de soutien mutuel et inconditionnel que se font Ana et Carlota. Celle qui clôt l’album leur souhaite Bon Voyage, et les amène vers un nouvel horizon, ouvert grâce à l’aspect ludique et décomplexé de leur musique : une ballade marquée de leur son légèrement saturé, au refrain chanté mais aux couplets pratiquement rappés. Une autre sucrerie. Qui se joue même des langues, mélangeant anglais, espagnol et français – Viva Hinds a été enregistré en retraite dans un village reculé de la Haute-Loire.

Pour ces deux Espagnoles prises pour des Américaines, la réinvention devait aussi forcément passer par la langue – ou plutôt, par la façon dont elles tordent les références anglo-saxonnes de Mala Vista (la new wave) et En Forma (le rock FM), leurs deux premières chansons en espagnol. Viva Hinds est à tous points de vue l’album d’une redéfinition, qui pourrait avoir pour slogan : «Deux de perdues, deux de retrouvées». Même sans manager et sans label, les «BFF» ne sont pas seules, avec notamment deux invités de marque. Le leader de Fontaines D.C. Grian Chatten traîne sa voix sur la new wave de Stranger, tandis que Beck contribue de propulser Boom Boom Back au rang de hit. La présence de ces deux illustres fans de Hinds n’est peut-être pas totalement incongrue, en fin de compte : eux sont déjà des exemples dans l’art du renouveau.

 

Hinds – « Viva Hinds »

Sorti le 6 septembre

Label Lucky Number

Genre rock