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[Gardiens de la nature] Marc Thiel : «La clé, c’est le dialogue»


Marc Thiel sillonne les exploitations agricoles de l’est du pays depuis plus de 20 ans pour promouvoir avec un indéniable succès les contrats de biodiversité.

Non, les relations entre les agriculteurs et les protecteurs de l’environnement ne sont pas toujours électriques. La preuve avec Marc Thiel (SIAS), qui promeut les contrats de biodiversité dans l’est avec succès.

On dit souvent, et pas forcément à tort, que les agriculteurs ne sont pas les plus proches amis des politiques écologiques. Lors des manifestations qu’ils ont orchestrées en Europe (dont une au Luxembourg, à Schengen), les critiques contre les normes environnementales revenaient systématiquement au premier plan.

Dans ce contexte tendu, comment expliquer, alors, le grand succès rencontré par les contrats de biodiversité, ces accords qui visent à mettre en place des pratiques bénéfiques pour la nature, signés entre l’État et les agriculteurs et les viticulteurs?

Marc Thiel, qui pilote cette action pour le SIAS (syndicat intercommunal de l’est du pays qui regroupe 22 communes sur près de 500 km²), avance : «Je crois que la clé, c’est le dialogue qui nous permet d’établir une forte relation de confiance. Nous n’imposons rien aux agriculteurs, nous sommes davantage dans la collaboration. L’approche est positive puisque nous n’interdisons rien, nous proposons».

22 nouveaux fermiers cette année

Rien que l’an dernier, 22 nouveaux agriculteurs et vignerons ont décidé de rejoindre une cohorte qui compte aujourd’hui 143 représentants. À eux tous et pour 2024, ils ont signé 998 contrats de biodiversité qui ont des retombées directes sur 1 750 hectares

C’est-à-dire que sur cette superficie, les signataires ont choisi par eux-mêmes de verdir leurs pratiques et de maintenir ou d’augmenter la biodiversité. Voilà qui remet en cause beaucoup d’a priori!

Pourquoi le font-ils? Et particulièrement cette année qui connaît la plus grande hausse historique du nombre de partenaires? L’argent joue un rôle, bien sûr, puisque les primes allouées dans le cadre d’un nouveau règlement grand-ducal viennent justement d’augmenter.

Mais les subventions ne peuvent pas tout expliquer. «Nous voyons que le bouche à oreille fait son effet, relève l’ingénieur agronome. Ceux qui nous rejoignent ont pu constater que ceux qui ont signé il y a plus longtemps sont contents.»

Le programme le plus populaire est celui qui encadre le fauchage tardif des prairies. L’initiative participe notamment à la sauvegarde des pollinisateurs dont le déclin est extrêmement rapide. Faire le foin plus tard dans l’année leur permet en effet de profiter davantage des fleurs.

Plus l’agriculteur accepte de faucher tard un pré dans lequel il n’a mis ni engrais ni pesticides, plus il reçoit une prime élevée : de 560 euros par hectare pour une fauche le 15 juin jusqu’à 1 100 euros par hectare au maximum, le 1ᵉʳ août.

Cette prime est juste, puisque la qualité du foin décline avec le temps et qu’une prairie coupée au 1ᵉʳ août donnera un foin pratiquement sans intérêt nutritif. Mais pour un fermier qui n’en a pas besoin, l’opportunité est attractive.

(Photo : Erwan Nonnet)

Lorsqu’un agriculteur convertit une surface de labour en prairie semée d’un mélange de fleurs sauvages, il touche 1 300 euros par hectare. Ce contrat est appliqué sur près de 130 hectares dans l’aire du SIAS.

La reconstruction de murs en pierres sèches dans les vignobles entre également dans le cadre d’un contrat de biodiversité. Il a permis d’en remonter l’équivalent de 430 m3 sur la Moselle. Les vignerons qui utilisent des moutons pour gérer l’herbe qui pousse dans les rangs peuvent aussi profiter de primes.

Dans les vignes, cela concerne 14 hectares. En tout, le catalogue compte une quarantaine de contrats de biodiversité différents, une offre qui évolue toujours dans le temps, en fonction des objectifs et des possibilités.

«Lorsqu’un agriculteur souhaite participer à ce programme, il m’appelle et je viens le voir pour déterminer ce que l’on peut faire», souligne Marc Thiel. L’homme est bien connu dans la région, il remplit cette mission depuis 2003 et prend toujours le temps de discuter, partant du principe que cela doit aussi être un moment de convivialité.

«Je ne suis en froid avec aucun agriculteur de la région, personne ne me raccroche au nez!, rigole-t-il. Quand l’un d’entre eux n’est pas convaincu par ce que je suggère, je ne lui mets aucune pression : je n’insiste pas. Et il n’est pas rare que quelque temps plus tard, ce soit lui qui me rappelle pour me dire que, finalement, il est peut-être intéressé.»

Présenter des contrats relativement faciles à atteindre, à l’image du premier palier du fauchage tardif, permet de créer cette relation de confiance. «Je peux leur proposer ensuite d’autres actions assez simples, comme planter de nouveaux arbres dans un verger ou une haie, mais aussi des contrats qui demandent plus d’engagement si je vois que l’agriculteur est très motivé.»

En ce moment, Marc Thiel planche par exemple sur un nouveau projet concernant les prairies humides. «Ces écosystèmes biologiquement très riches sont devenus rares, asséchés par le drainage, avance-t-il. Une première étape serait de protéger l’existant quand une deuxième porterait sur le rétablissement d’anciennes zones humides en démontant les drains. Mais je comprends très bien que, pour un agriculteur, il est très compliqué économiquement de transformer une parcelle à haute valeur agricole en parcelle à haute valeur écologique… Ce sera à nous d’établir des primes qui permettront de compenser son manque à gagner.»

Ce dont on peut être sûr, c’est que l’enthousiaste Marc Thiel continuera à coopérer avec les agriculteurs et les vignerons de l’est, pour promouvoir notre bien commun à tous : un environnement de qualité.

Pourquoi la Moselle s’implique-t-elle de plus en plus?

L’aide à la reconstruction des murs en pierres sèches existe de longue date, mais le nombre de contrats de biodiversité variés augmente nettement le long de la rivière. La gestion de l’enherbement entre les rangées de vignes par des moutons, l’installation de petites ruches destinées aux abeilles sauvages dont les populations déclinent de manière inquiétante… voilà quelques-unes des actions qui reçoivent un bel écho.

«Nous nous sommes rapprochés de l’Institut viti-vinicole de Remich et je dois dire que nous avons trouvé une excellente écoute, se félicite Marc Thiel. Ils sont très motivés pour mettre en avant les contrats, nous invitent régulièrement et parlent de nous dans leurs newsletters : les effets sont très positifs!»

CARTE D’IDENTITÉ

NOM : Marc Thiel

ÂGE : 46 ans

FONCTION : Ingénieur agronome et conseiller

PROFIL : Marc Thiel a étudié à Bonn, en Allemagne, où il a obtenu son diplôme. Il a rejoint le SIAS en 2003. C’était son premier emploi et convaincu par l’intérêt de ce qu’il fait, il n’en a jamais changé depuis.