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Placement en pédopsychiatrie : les hôpitaux doivent revoir leur copie


L’Ombudsman Claudia Monti entourée des trois contrôleurs, Alain Leclère, Andreia Seixas et Lynn Bertrand. (Photo : alain rischard)

Manque de sorties, droits de visite limités, contention banalisée : l’Ombudsman dresse la liste des points noirs constatés lors de ses visites en unités pédopsychiatriques fermées accueillant des mineurs placés.

Parallèlement au traitement des réclamations des citoyens concernant les administrations de l’État, le médiateur du Luxembourg est aussi chargé, depuis 2010, de veiller au strict respect des droits humains dans tous les lieux privatifs de liberté. C’est donc en sa qualité de contrôleur externe que Claudia Monti a visité les unités fermées des hôpitaux psychiatriques accueillant des enfants placés sur ordre judiciaire, en tirant un rapport circonstancié rendu public hier.

Pour évaluer le suivi de recommandations passées – la dernière visite de l’Ombudsman date de 2016 –, elle s’est rendue avec ses collaborateurs sur les différents sites concernés, et le Centre hospitalier de Luxembourg (CHL), les Hôpitaux Robert-Schuman (HRS) comme le Centre hospitalier neuro-psychiatrique (CHNP) ont été passés au crible.

Les contrôleurs ont complété leurs propres observations par 31 entretiens avec des membres du personnel ou jeunes patients. Et si d’emblée, leurs conclusions écartent tout «dysfonctionnement dramatique», ils pointent tout de même certains domaines ou pratiques qui réclament, selon eux, «une attention accrue».

À commencer par le droit de bénéficier quotidiennement d’au moins une heure dehors, à l’air libre, y compris pour les patients sans autorisation de sortie. Le rapport déplore qu’au CHL, qui a accueilli 86 enfants de zéro à douze ans pour troubles du comportement, dépression ou maltraitance en 2022, les petits patients ne puissent sortir que 40 minutes par jour, et pas le jeudi, car il y a réunion du staff.

Système à revoir

Pas mieux aux HRS, qui disposent de 30 lits pour des jeunes de 13 à 18 ans atteints de troubles émotionnels ou alimentaires, de crises suicidaires ou d’abus de substances. L’Ombudsman y décrit une petite terrasse couverte et sans aucune vue dégagée comme seul accès à l’extérieur pour les patients interdits de sortie. Un système à revoir, là aussi.

Ils rappellent le besoin fondamental de maintenir des liens avec les proches, que ce soit par téléphone ou via le droit de visite. L’équipe de l’Ombudsman demande aux institutions de faire preuve de flexibilité, notamment lorsque les parents ont des obligations professionnelles et ne peuvent se plier aux horaires du règlement. Au CHL, aucun changement en ce sens n’a été effectué depuis 2016, regrette Claudia Monti. Pour les appels, le rapport insiste sur l’importance de pouvoir les passer dans un coin paisible, en toute intimité, à l’abri des oreilles indiscrètes et du personnel.

En ce qui concerne la décision de placement et ses conditions, l’Ombudsman se montre très claire : un placement doit avoir lieu uniquement sur l’avis médical d’un spécialiste, avec des critères précis et fixés à l’avance quant au maintien de la mesure, avec une date de sortie à communiquer au plus vite. Car les contrôleurs ont pu constater sur le terrain que le manque de perspective de sortie était source de grande source d’anxiété chez les jeunes.

Ne pas banaliser la contention

Les contrôleurs signalent par ailleurs une pratique sur laquelle ils comptent enquêter : pour gérer les crises, au CHL, le recours à la contention corporelle des patients a nettement augmenté, voire s’est «banalisé». Concrètement, le patient est enveloppé dans des draps en position allongée sur le ventre entre 30 et 45 minutes. L’Ombudsman souhaite que les instructions de service soient revues et imposent la décision d’un médecin pour appliquer cette méthode jugée «très invasive», et qui «peut être vécue comme traumatisante».

Enfin, l’équipe déplore toujours, comme dans ses précédents rapports, une communication entre professionnels qui s’avère quasiment inexistante. Pour favoriser les échanges, elle encourage les décideurs politiques à instaurer une plateforme nationale centrée sur la psychiatrie juvénile. Une recommandation déjà formulée et qui reste d’actualité. Il s’agirait d’une plateforme commune à tous les professionnels prenant en charge en partie les mêmes patients, pour garantir un bon fonctionnement et «une certaine cohérence».