Le plus jeune président du Sénégal, le panafricaniste de gauche Bassirou Diomaye Faye, élu sur la promesse de rupture avec le système en place, prête serment mardi après une ascension éclair, faisant face à des défis aussi considérables que les espoirs placés en lui. M. Faye, jamais élu auparavant, devient à 44 ans le cinquième président du pays ouest-africain depuis l’indépendance en 1960.
M. Faye prêtera serment vers 11H40 (locales et GMT) dans un vaste centre à Diamniadio, ville nouvelle près de Dakar, et prononcera un discours vers 12H00. Il succède pour cinq ans à Macky Sall, 62 ans, qui a dirigé le pays de 18 millions d’habitants pendant 12 années et maintenu des relations fortes avec l’Occident et la France tout en diversifiant les partenariats.
Plusieurs chefs d’Etat, dont le Nigérian Bola Ahmed Tinubu, président en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le Mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, le Gambien Adama Barrow, le Guinéen Mamadi Doumbouya et le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embalo sont annoncés. Le vice-président ivoirien Tiémoko Meyliet Koné, le Premier ministre rwandais Edouard Ngirente et le président de l’organe tenant lieu de Parlement au Mali, Malick Diaw, sont attendus.
La passation de pouvoirs entre MM. Sall et Faye aura lieu ensuite au palais présidentiel à Dakar. Cette alternance par les urnes, la troisième dans l’histoire du Sénégal, marque la fin d’un bras de fer de trois ans entre M. Sall et le duo gagnant de la présidentielle du 24 mars: M. Faye et celui qui, disqualifié, l’a adoubé, Ousmane Sonko.
Nouvelle génération de politiciens
Surnommé « Diomaye » (« l’honorable » en sérère), M. Faye est musulman pratiquant, marié à deux femmes – c’est le premier président sénégalais polygame – et a quatre enfants. L’homme au visage juvénile incarne une nouvelle génération de jeunes politiciens. La promesse de la rupture, l’onction d’Ousmane Sonko et l’apparente humilité de cette personnalité issue d’un milieu modeste et éduqué l’ont conduit à une victoire éclatante au premier tour de la présidentielle avec 54,28% des voix, 10 jours seulement après sa libération de prison.
Saluée par Paris, Washington et l’Union africaine, son élection, célébrée par des foules en liesse, a été précédée par trois années de tensions qui ont fait des dizaines de morts. Le Sénégal, connu comme un îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest, avait traversé une nouvelle crise en février quand le président Sall avait décrété l’ajournement de la présidentielle.
Admirateur de l’ex-président américain Barack Obama et du héros sud-africain de la lutte anti-apartheid Nelson Mandela, M. Faye se dit panafricaniste « de gauche » et prône le rééquilibrage des partenariats internationaux.
Le Sénégal va rester un allié « pour tout partenaire qui s’engagera, avec nous, dans une coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive », a-t-il dit après son élection. Il veut oeuvrer au retour dans la Cedeao du Burkina Faso, du Mali et du Niger, pays sahéliens dirigés par des juntes qui ont rompu avec l’ancienne puissance coloniale française et se sont tournées vers la Russie.
Front politique et social
Ce haut fonctionnaire de l’administration des impôts, qui a gravi discrètement les échelons dans l’ombre de M. Sonko, a mentionné ses chantiers prioritaires après sa victoire: « baisse du coût de la vie », « lutte contre la corruption » et « réconciliation nationale ». Il met en exergue la souveraineté du pays.
Porté au pouvoir par le désir de changement, il devra relever des défis importants. Ses projets concrets restent flous, ainsi que la place faite à M. Sonko. Il devra d’abord nommer un gouvernement, qui sera composé de « Sénégalaises et Sénégalais de l’intérieur et de la diaspora connus pour leur compétence, leur intégrité et leur patriotisme », a-t-il indiqué.
Ne disposant pas de majorité à l’Assemblée, il devrait être contraint de former des alliances pour faire adopter des lois avant une éventuelle dissolution.
Il est particulièrement attendu sur le front de l’emploi, dans un pays où 75% de la population a moins de 35 ans et où le taux de chômage est officiellement de 20%, poussant des jeunes, de plus en plus nombreux, à fuir la pauvreté et à entreprendre un périlleux périple vers l’Europe.
M. Sall, pour sa part, a été désigné envoyé spécial du Pacte de Paris pour les peuples et la planète, créé pour combattre la pauvreté, préserver la planète et soutenir les pays vulnérables, et prendra ses fonctions dès la fin de son mandat, selon ses services. Dans un communiqué publié lundi, il dit rester à la présidence de son parti, l’Alliance pour la République, et demande à ses membres de dresser un « bilan objectif » de la présidentielle en vue d’une « relance » de l’organisation.