Rappeur sous le nom de Lil Dicky, comique sous le nom de Dave Burd, l’Américain renaît avec l’album Penith, créé au cours de sa série à succès, l’autofiction Dave.
Dave Burd a une certitude : il est l’un des meilleurs rappeurs vivants, un génie musical qui pourrait rivaliser avec Kanye West. Le reste du monde pourrait en être convaincu, lui aussi, s’il regardait au-delà de son nom de scène, Lil Dicky, et de ses paroles, qui font la part belle aux blagues graveleuses sur la (petite) taille de son sexe.
La poursuite du succès est le fil rouge de Dave, autofiction en trois saisons créée par l’humoriste et rappeur américain (diffusée au Luxembourg sur Disney+), de son premier «buzz» sur les réseaux sociaux jusqu’à sa première tournée, en passant par l’enregistrement de son premier album, Penith, jeu de mots hésitant qui assure pourtant que son humour sous la ceinture le hissera au panthéon du rap.
Entre satire du monde actuel et humour gênant
En réalité, Lil Dicky, passionné depuis toujours par le hip-hop, l’humour et le basketball, s’était fait remarquer en 2013 grâce à sa chanson Ex-Boyfriend, dans laquelle il exposait ses complexes face à l’ex de sa petite amie. Dans la foulée de ce succès viral, Dave Burd a multiplié les singles et les clips, écrits et réalisés comme autant de petits sketchs, entre satire du monde actuel et humour gênant, avec lesquels il a présenté au monde son alter ego.
Symbole de sa force : il s’incruste dans les images d’archives d’un discours d’Adolf Hitler et humilie le dictateur devant ses fidèles, dans un «battle» de rap (Jewish Flow). Son premier album, Professional Rapper (2015), réalisé grâce à un financement participatif, est resté 121 semaines en tête du classement Billboard des «comedy albums»… partageant sa première semaine en tête aussi des albums rap ! De quoi assurer à «LD» une place dans la liste des nouveaux du rap – aux côtés de Denzel Curry, 21 Savage, Anderson .Paak ou Lil Uzi Vert –, dressée chaque année par le magazine spécialisé XXL.
Réinventer sa naissance
«Si Jay-Z n’avait jamais entendu parler de moi et qu’il allait sur Spotify écouter Professional Rapper, je serais, genre : « Non, Jay, ne fais pas ça! »», avouait récemment Dave Burd, 35 ans, au magazine Rolling Stone. Aujourd’hui, l’artiste estime que cette première vie dans le rap ne définit pas celui qu’il est devenu. L’album Penith, composé de la vingtaine de chansons entendues le long des 30 épisodes, est sorti ce 19 janvier, sous-titré «The Dave Soundtrack».
Car Dave a permis au jeune homme de faire table rase du passé et de réinventer sa naissance en tant qu’artiste : dans le premier épisode de la série, Dave (alias Lil Dicky), qui vient de déménager à Los Angeles après le succès viral de la chanson My Dick Sucks, croise la route du rappeur YG et prouve en direct sur Instagram, par un «freestyle» de feu, que le «rap game» va devoir compter sur ce grand dadais blanc et frisé, issu de la classe moyenne juive de Philadelphie. «Je me revois dire à YG : « Fais-moi confiance, cette série va être supe r! »», rembobinait-il au micro d’Apple Music. «Trois ans plus tard, tous les rappeurs et les stars de Hollywood me disaient que Dave était leur série préférée. C’est incroyable!»
Hi, I’m Dave!
Des stars, il y en a à la pelle dans Dave, de Justin Bieber à Usher, en passant par la légende du basket Kareem Abdul-Jabbar, objet d’une chanson du rappeur (et d’un épisode hilarant, qui aborde les thèmes du «blackface» et du privilège blanc), le gourou du rap Rick Rubin (chez qui il va trouver l’inspiration) ou encore la chanteuse Doja Cat (avec qui Lil Dicky «matche» sur une application de rencontres). Surtout, il y a son entourage, dont GaTa, son «hype man», qui joue son propre rôle dans la série, touchant en parfait contrepoint d’un héros que l’on aime autant que l’on déteste. En travaillant à 50 % dans la musique et à 50 % dans la comédie au moment de la série, Dave Burd a agrandi cet entourage, qui compte désormais le collectif Odd Future (Tyler, the Creator, Earl Sweatshirt, Syd…) ou Benny Blanco, producteur pour de la crème de la pop.
Un pont entre deux mondes
Celui qui se cache derrière le tube de Rihanna Diamonds a produit l’intégralité de Penith, amenant Lil Dicky sur une variété d’atmosphères allant de la trap (HAHAHA, I’m Drunk, Second Coming ou encore l’hilarant Jail, Pt. 1) à la pop (Mr. McAdams, Ally’s Song…), passant par le «boom bap» à l’ancienne (Harrison Ave) et s’assurant un final explosif et joyeux (I’m Good, avec GaTa, qui l’accompagne depuis ses débuts). Le producteur s’est aussi imposé comme l’un des seconds rôles incontournables de la série, apportant même son grain de sel au lot de blagues sur des sex-toys élaborés ou encore sur l’hypospadias, une malformation de l’urètre avec laquelle le rappeur est né. Lil Dicky est effectivement unique, en cela qu’il fait le pont entre deux mondes, invitant rappeurs et célébrités à rire d’eux-mêmes, trouvant sur le chemin son propre équilibre.
Dans le dernier épisode de la saison 2, Dave sort l’album Penith (dont le vrai album reprend les chansons et visuels), et reste déçu que le site de critique musicale Pitchfork n’ait pas mentionné son album. «Ça veut dire que je ne suis pas digne d’apparaître dans une publication renommée?», se demande-t-il, cachant sa colère. Aujourd’hui, Dave est en paix avec lui-même, et dit avoir «abordé avec beaucoup d’honnêteté des sujets qui (lui) tenaient à cœur» dans cet album, de la manière qui lui ressemble le plus : avec humour, qu’il pousse à certains extrêmes pour faire ressortir la satire. Pour preuve, le clip de Jail, Pt. 1, auquel il dédie un épisode entier de la série car jugé trop osé par son label. Rien ne fera reculer Lil Dicky, c’est évident. Surtout pas Pitchfork, toujours muet sur son album…
Penith (The Dave Soundtrack), de Lil Dicky.