Elyas a demandé pardon à sa victime et son avocat, la clémence du tribunal. Son bras aurait été guidé par la peur à la suite des provocations de deux jeunes croisés dans les toilettes du fast-food.
«15 ans ! Laissez-moi une minute pour encaisser. 15 ans ! Et pas un mot sur un sursis ! 2038. On sera tous retraités d’ici là», s’est emporté Me Penning hier matin à l’issue du réquisitoire du parquet. Elyas, son client, est accusé d’avoir commis une tentative de meurtre sur Ermin, un jeune âgé de 20 ans comme lui. Le 15 octobre 2021, à 21 h 51, il l’a poignardé à cinq reprises dans le dos devant le Burger King de la place d’Armes. Des regards un peu trop insistants seraient à l’origine d’une rixe entre les deux trios qui a dégénéré.
Un groupe d’amis accuse l’autre d’avoir commencé à le regarder de travers et de l’avoir provoqué dans les toilettes et à l’extérieur du fast-food. Tout le monde veut s’attribuer le beau rôle de celui qui a essayé de calmer le jeu et rejeter sur l’autre l’initiative du premier contact physique. Tous ont été formels, ils ne se connaissaient pas et il n’y aurait pas eu d’autre raisons à la dispute que les fameux regards. «À part votre propre bêtise», a commenté le président de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg à la suite du témoignage d’un des jeunes hommes.
Le juge a d’ailleurs du mal à comprendre pourquoi les jeunes ont répondu aux provocations et pourquoi Elyas se promenait avec un couteau. «La facilité avec laquelle vous en avez fait usage m’inquiète», a-t-il ajouté. «Les images ne vous montrent pas sortant le couteau pour intimider Ermin. Vous lui tourniez le dos avant de vous jeter sur lui.»
Ermin a subi un pneumothorax qui aurait pu lui être fatal s’il n’avait pas été pris en charge à temps par les secours, selon un médecin légiste. Pendant ce temps, Elyas et ses deux compères avaient pris la fuite sans se retourner. «Il avait compris ce qu’il venait de faire», a noté la représentante du parquet qui lui reproche de ne pas s’être inquiété de l’état de sa victime. Elle ne croit pas non plus que sa réaction soit à mettre en relation avec un état de stress post-traumatique, comme l’a suggéré l’expert neuropsychiatre.
Minimum légal
«L’expert se base sur les affirmations du prévenu qui ne correspondent ni aux images de vidéosurveillance, ni aux différents témoignages.» Elle estime au contraire que le jeune homme «aurait pu partir s’il avait eu peur», mais qu’il «avait affiché une attitude provocante» tout du long de l’altercation et «savait ce qu’il faisait». «Elyas a tourné le dos à sa victime pour qu’elle n’ait pas le temps de s’apercevoir qu’il tenait un couteau» avant de le frapper «avec force» et «détermination».
Me Penning, l’avocat d’Elyas, a rejeté les conclusions du parquet. Son client et ses deux amis n’auraient fait que réagir aux provocations de l’autre groupe. Il livre une tout autre interprétation des témoignages et une autre lecture des images de télésurveillance. «Elyas s’est senti acculé dans le sas d’entrée du fast-food» et aurait uniquement voulu se défendre. Sa réaction, disproportionnée, est, selon l’avocat, uniquement à imputer à son état de stress post-traumatique depuis deux agressions dont il venait d’être victime. Le jeune homme n’aurait jamais eu l’intention de tuer Ermin, ni de prendre la fuite devant ses blessures. «Ermin lui-même ne s’est pas immédiatement rendu compte qu’il était blessé.»
Ermin l’a suivi, ses amis et lui ont reconnu avoir bu, il s’est mis en position de garde de boxe, il a dit qu’il se battrait s’il fallait se battre, il a donné le premier coup… «Ses gestes à la barre, hier, en disent plus long que les mots», a énuméré Me Penning. La victime avait livré un témoignage très exalté, mimant ses gestes. «Il a reconnu avoir porté le premier coup», a insisté l’avocat. Son client, sonné, a encaissé le coup de poing, ouvert son couteau, esquivé un nouveau coup et frappé. «L’action a duré 5 secondes», a conté Me Penning. Un temps bien trop court pour conclure, selon lui, à une intention planifiée de donner la mort, même quand on se promène avec un couteau dans la poche.
Il a prié le tribunal de retenir la légitime défense, l’excuse de provocation ou l’altération du discernement et de prononcer une peine largement inférieure à celle requise par le parquet à l’encontre du prévenu. «Je vous demande de prononcer le minimum légal et le sursis le plus large possible pour lui éviter de retourner en prison» où il a déjà passé 7 mois en détention préventive.
Le prononcé est fixé au 14 décembre prochain.