La guerre de Corée (1950-1953) constitue le paroxysme de la guerre froide et est toujours techniquement en cours. Pour comprendre cet épisode, il faut remonter quelques décennies auparavant.
La péninsule coréenne, qui fait la taille de la Grande-Bretagne, occupe une position stratégique qui suscite l’avidité de ses voisins : elle constitue une avancée maritime pour la Chine et la Russie, et une avancée vers le continent pour le Japon (et plus tard, pour les États-Unis). Elle est donc en partie l’objet de la guerre russo-japonaise, qui durera un an et demi et dont le Japon sortira vainqueur en septembre 1905.
L’empire nippon place la péninsule coréenne sous protectorat, avant d’en faire une province en 1910. Cette colonisation qui va durer près de 35 ans va être à l’origine de la profonde division entre le Nord et le Sud : pour asseoir sa domination, le Japon s’appuie sur les grands propriétaires terriens, établis au Sud, région qui constitue le grenier à riz du pays, et enrôle de gré ou de force des Coréens dans ses armées, tandis qu’au Nord, plus montagneux, les maquisards se rebellent. Le chef de la résistance n’est autre que Kim Il-sung, grand-père de l’actuel président Kim Jong-un et père fondateur de la Corée du Nord.
La guerre du Pacifique (1941-1945) qui oppose le Japon et les États-Unis, et qui sera remportée par ces derniers, accentue encore les fractures. La conférence du Caire (1943), puis celle de Yalta (1945) reconnaissent l’indépendance de la Corée (qui n’est donc plus sous le joug japonais) mais la placent sous la tutelle des États-Unis pour sa partie sud, et sous celle de la Russie pour sa partie nord. Deux visions du monde, l’une capitaliste, l’autre communiste, s’affrontent. En 1947, l’ONU tente d’organiser des élections communes, mais la partie nord de la Corée boycotte le scrutin.
En mars 1948, pour calmer le jeu qui commence à s’échauffer entre les deux blocs, deux colonels américains décident à la va-vite, sans tenir compte de la géographie ni de l’histoire, que la ligne de démarcation entre les deux Corées sera le 38e parallèle (de sorte que Séoul se retrouve dans la partie sud).
Cette frontière sera matérialisée par la célèbre DMZ, de l’anglais DeMitarilized Zone, ou zone démilitarisée, une bande de 248 km de long et de 8 à 10 km de large, et qui, contrairement à ce que son nom indique, est l’une des plus militarisées au monde. Elle concentre aujourd’hui plus d’un million de soldats côté nord et 650 000 soldats sud-coréens et 37 000 soldats américains côté sud.
Deux à trois millions de civils tués
Le Sud se choisit des dirigeants et proclame la République de Corée le 15 août 1948. Syngman Rhee en devient le premier président. Trois semaines plus tard, Kim Il-sung proclame à son tour la République populaire démocratique de Corée, dont la Constitution est corrigée par Staline lui-même. Syngman Rhee et Kim Il-sung désiraient tous deux réunifier la péninsule, mais chacun selon sa propre idéologie politique.
Le 25 juin 1950, 600 000 Nord-Coréens franchissent la ligne de démarcation. Les Sud-Coréens battent en retraite et se retranchent à Busan, au sud-est. Convoqué par les États-Unis, le Conseil de sécurité des Nations unies vote une résolution appelant ses membres à repousser l’invasion. Quinze nations, dont le Luxembourg, s’engagent avec les États-Unis pour former une armée de 300 000 soldats (six autres fournissent une assistance médicale).
Pendant trois ans, le Nord et le Sud, avec leurs alliés, s’affronteront militairement jusqu’à revenir peu ou prou aux positions d’avant-guerre. Le conflit fait 800 000 victimes parmi les militaires coréens, 57 000 parmi les forces de l’ONU et deux à trois millions de morts parmi les civils. La Corée du Nord est dévastée par des bombardements massifs.
Avec la mort de Staline, qui secoue le monde communiste, des négociations finissent par aboutir et, le 27 juillet 1953, un armistice est signé entre la Corée du Nord et la Chine d’une part, et les Nations unies d’autre part, à Panmunjeom, un village nord-coréen qui était situé sur la DMZ et qui est aujourd’hui devenu un village-musée. Mais aucun traité de paix n’ayant été ratifié, les deux États sont donc toujours techniquement en guerre.