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[Gardiens de la nature] Le lent retour de la chouette chevêche


Il ne faut que quelques instants à Fernand Schoos et l’équipe du Sicona pour baguer les petits. (Photos : erwan nonet)

Dans les environs de Calmus, entre Saeul et Beckerich, le Sicona vient de baguer quatre jeunes chouettes chevêches. Cette espèce, autrefois commune, a frôlé l’extinction il y a quelques années.

Cela s’est joué à un souffle et rien n’est encore définitivement gagné. En 2000, lorsque le syndicat intercommunal pour la conservation de la nature (Sicona) a lancé son programme de sauvetage des chouettes chevêches dans l’ouest du pays, il ne restait plus que 5 couples sur le territoire de ses communes membres. «Nous avions peur d’arriver trop tard…», reconnaît Fernand Schoos, un des piliers de l’organisation, alors qu’il bague un des quatre petits sortis quelques minutes du nid installé dans un arbre isolé, au beau milieu d’un pâturage.

Le plan d’action a consisté en plusieurs points. Tout d’abord, le Sicona a installé des nichoirs pour faciliter l’installation de ces petits rapaces. Il y en a environ 400 aujourd’hui. Puis, il a bagué tous les petits pour mieux comprendre leur comportement, la façon dont ils occupent leurs espaces. Pour protéger, il faut connaître et ces anneaux métalliques numérotés attachés à leurs pattes ont permis d’affiner les savoirs et donc de peaufiner les savoir-faire.

«On pensait l’espèce sédentaire et grâce au baguage, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait bien plus d’échanges qu’on ne l’imaginait, explique Fernand Schoos. Depuis 2000, nous avons bagué 700 chouettes chevêches et nous n’avons remarqué qu’un seul couple frère/sœur. C’est une bonne nouvelle, cela signifie que le brassage génétique est très bon.»

Si les mâles sont très casaniers et s’établissent dans un rayon de 5 km autour de leur lieu de naissance, les femelles font beaucoup plus de kilomètres avant de nidifier à leur tour. On les retrouve jusqu’à 100 km du nid de leurs parents.

Carte d’identité

Nom : Fernand Schoos
Âge : 63 ans
Poste : Initiateur et ancien membre du comité de direction du Sicona
Profil : Après une première carrière dans les télécoms, il fait de sa passion son travail. Avec un groupe de jeunes engagés pour la protection de la nature, il participe à la création du Sicona en 1990. Il est passionné d’oiseaux, mais aussi de reptiles, de batraciens, d’insectes…

Entre 30 et 40 couples aujourd’hui

Ces informations renforcent la conviction que ce programme de sauvegarde doit dépasser les frontières nationales. «Nous démarrons une collaboration avec nos collègues de Wallonie, de Lorraine et d’Allemagne, se félicite Fernand Schoos. Heureusement, tous s’investissent déjà dans sa préservation. Sans ce volet transfrontalier, nous n’arriverions pas à protéger ces chouettes.» Sur le territoire dont s’occupe le Sicona (42 communes de l’ouest et du sud du pays), des oiseaux venus de la Meuse, de la Marne, de Cologne ou d’Euskirchen ont, par exemple, déjà été repérés.

Grâce à tous ces efforts, la population de chouettes chevêches augmente à nouveau. De cinq couples en 2000, ils sont aujourd’hui entre 30 et 40. «L’espèce était classée menacée d’extinction, elle est aujourd’hui fortement menacée : c’est un peu mieux», sourit Fernand Schoos. Mais toujours pas suffisant pour assurer sa conservation. «Nous aimerions parvenir à 100 couples dans la région. C’est un objectif modeste, mais il faut être réaliste…»

Nous démarrons une collaboration avec nos collègues de Wallonie, de Lorraine et d’Allemagne

Effectivement, travailler pour la conservation de la nature est parfois ingrat. Le souvenir de l’année 2012/2013 ne s’effacera jamais de la mémoire de l’ancien directeur du Sicona : «Il y avait eu beaucoup de naissances en 2012, nous avions bagué une centaine de petits. C’était très encourageant. Mais l’hiver suivant, la neige a recouvert le sol pendant cinq semaines. Ça a été très dur pour les chouettes qui ont eu beaucoup de mal à trouver de la nourriture : tous les jeunes de l’année et tous les adultes de plus de cinq ans sont morts…»

Comme en 2012, cette année 2023 démarre bien. Le Sicona a repéré 21 nids occupés et compté près de 50 jeunes. Espérer une centaine de naissances au total sur ce territoire n’est donc pas interdit. Ce serait une excellente nouvelle, mais elle ne déclenchera aucune euphorie. Les parents donnent naissance à une seule nichée par an, sauf en cas de perte précoce de tous les petits, et la mortalité chez les jeunes est très importante. Seuls 25 % d’entre eux passent le cap de la première année. «Si nous pouvions avoir cinq couples de plus en 2024, nous serions déjà très contents.»

Pour une fois, le réchauffement du climat est plutôt une bonne nouvelle. Les chouettes chevêches n’auront rien contre, elles sont nombreuses dans la péninsule ibérique. Le problème vient plutôt de la disparition progressive des paysages qui conviennent à leur mode de vie. Les pâturages sont de plus en plus rares et il paraît compliqué de revenir en arrière.
«Dans les années 1960, pendant mon enfance, 3 000 couples étaient recensés», se souvient Fernand Schoos. Comparer la rapidité de leur disparition avec la lenteur de leur retour qui demande pourtant tant d’énergie aux protecteurs de la nature donne le tournis…

La question : Pourquoi les chouettes chevêches adorent les pâturages ?

Lorsque le programme de sauvegarde du Sicona a été lancé, les nichoirs artificiels ont d’abord été installés dans des vergers. «Dans le temps, on disait que c’était leur territoire préféré», se souvient Fernand Schoos. Mais grâce au baguage, les biologistes se sont vite aperçus que cette localisation n’était pas si favorable. Les vergers se trouvent souvent au bord des fermes, où les fouines et les chats sont de redoutables prédateurs…

Finalement, les meilleurs résultats venaient des nids installés à l’écart des habitations, au beau milieu des pâturages. «Ces chouettes chassent des insectes et des grosses souris et les prés où paît le bétail sont parfaits pour elles : elles peuvent voir leurs proies au sol et les attraper plus facilement», précise le spécialiste.

Malheureusement, les vaches sortent de moins en moins et beaucoup d’éleveurs préfèrent les garder dans l’étable. Pour les chouettes chevêches, c’est une très mauvaise nouvelle…

Un commentaire

  1. Un couple de chouettes cheveche est installé chez moi, dans un mur fissuré de ma maison. Je peux observer leur manège le soir et le matin. Comment les aider et les protéger mieux ? Merci de me contacter par mail.
    (je suis très heureuse de ce voisinage, cette année aussi, une famille de loriot s’est installée)

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