Alors que les vendanges débuteront dans un mois, les vignerons s’inquiètent : comme dans beaucoup d’autres secteurs d’activité, la main-d’œuvre manque.
Toute la Moselle pose ce constat : il est de plus en plus difficile de trouver des vendangeurs… et personne ne sait vraiment pourquoi. Certes, aller couper les raisins n’est pas une tâche facile. Il faut être en bonne forme physique même si, depuis bien longtemps, la mécanisation facilite le travail. Hormis dans quelques secteurs particulièrement escarpés inaccessibles aux tracteurs, on ne porte plus de hotte ni de bacs très lourds. Chaque vendangeur a son seau qu’il vide dès qu’il est plein.
Vendanger, c’est aussi voir le fruit de son travail. Dans des paysages de cartes postales, on avance entre les rangées en constatant l’avancement de son travail. Tous les emplois de bureau ne permettent pas cette satisfaction. Et puis il y a toujours une ambiance particulière. Pas aussi festive que dans le passé, tous les anciens le diront, néanmoins les relations humaines sont fortes.
Les Polonais boudent les vendanges
Malgré tout, on ne se presse plus pour prendre le sécateur. «C’est pareil chez tout le monde, regrette Josy Gloden, le président des Domaines Vinsmoselle. Il y a toujours des fidèles qui reviennent année après année, mais lorsqu’ils arrêtent, on a du mal à les remplacer.»
Traditionnellement, les Polonais venaient nombreux dans les vignes luxembourgeoises. Venus en famille ou entre voisins, ils étaient attirés par des revenus attractifs. «Mais l’économie polonaise s’est développée et les écarts de salaires se sont atténués, explique le directeur de l’Institut viti-vinicole de Remich, Roby Ley. Pour eux, venir faire les vendanges n’est plus aussi intéressant que ça l’a été.» Les étudiants et les retraités lorrains représentent un second profil type de vendangeurs.
Mais là aussi, «on en voit de moins en moins», constate Josy Gloden. Pourtant, la proximité facilite les choses, notamment en termes de flexibilité et de disponibilité. Si les raisins mûrissent d’un coup en fin de saison, il sera plus facile de faire venir des voisins plus tôt que prévu. «Nous essayons de miser de plus en plus sur les gens de la région», reconnaît Roby Ley.
Un service spécial vendangeurs à l’Ademe
De la région et même du pays. Lorsque le Covid est arrivé, le secteur a eu très peur de ne pas pouvoir faire venir de personnel de l’étranger. Depuis 2020, l’Adem (administration de l’Emploi) a donc mis en place un service spécialement dédié aux vendangeurs. L’Institut viti-vinicole recense les besoins chez les vignerons et l’Adem se charge de trouver les bons candidats. En 2021, ce système a permis l’embauche de 31 personnes.
Trouver les travailleurs n’est pas la seule difficulté. Répondre aux exigences de l’administration est un sacerdoce. Il y a quelques semaines, une réunion a eu lieu entre les vignerons et les différents services de l’État compétents : Adem, Inspection du Travail et des Mines (ITM), Sécurité Sociale et Impôts. L’ambiance était, paraît-il, explosive.
Un casse-tête administratif
«Le problème, c’est que chaque service connaît très bien son sujet mais ne communique pas avec les autres, regrette Guy Krier (domaine Krier-Welbes, à Ellange-Gare), vice-président de l’Organisation professionnelle des vignerons indépendants. Rien n’est fait pour simplifier les démarches, nous devons remplir des dossiers vraiment compliqués pour chacun de ces services et cela prend un temps fou… Tout cela manque de bon sens.»
La masse de ces tâches administratives passe d’autant plus mal auprès des vignerons qu’elle s’ajoute à un calendrier chargé. Les vendanges sont le moment le plus stressant de l’année, car cette vingtaine de journées de travail détermine le chiffre d’affaires annuel. Les vignerons n’ont aucun droit à l’erreur sur le terrain et dans les bureaux non plus. Car tous les dossiers d’embauche doivent comporter les mêmes éléments, que le saisonnier passe un jour, une semaine ou un mois dans l’entreprise. De même, chaque employé doit passer par la médecine du travail, même si son contrat ne dure qu’une journée. C’est autant de temps perdu à une période où les journées filent à toute vitesse.
Des contrôles réguliers de l’ITM
Et tenter des entourloupes n’est plus une option. Entre 2017 et 2020, le nombre d’inspecteurs de l’ITM a été multiplié par trois et les contrôles sont désormais réguliers. Tant mieux si cela permet d’optimiser la sécurité au travail, mais quelques vignerons ont récemment dû payer des amendes salées pour ce qui ressemble davantage à de la maladresse administrative qu’à de la fraude caractérisée. «J’ai connaissance de deux cas où des domaines avaient embauché des personnes non européennes qui disposaient d’un visa touristique, mais pas d’un permis de travail», précise Roby Ley.
«Les vendanges permettent de faire de belles photos, sourit Guy Krier. Mais on ne voit pas la quantité de travail et la pression qui pèse sur nos épaules. Nous devons être à 120 % quel que soit notre état de fatigue et notre santé. C’est épuisant.» Surtout lorsque l’on a la sensation qu’on nous met des bâtons dans les roues…
Rien n’est fait pour simplifier les démarches
La machine à vendanger, une alternative?
Mécaniser les vendages est possible, ce n’est plus un sujet tabou. Le matériel actuel s’est perfectionné et les machines à vendanger peuvent désormais travailler proprement. Elles ne seront jamais aussi précises que la main humaine, mais elles constituent une alternative crédible et rapide. Heureusement, car elles représentent de sacrés investissements. Comptez entre 110 000 et 130 000 euros pour une machine qui sera remorquée derrière le tracteur et entre 280 000 et 300 000 euros pour une automotrice.
Toutefois, l’utilisation de ces engins est limitée au Luxembourg. En effet, les cahiers des charges de l’appellation Crémant de Luxembourg et des vins portant l’indication de lieux-dits ou de coteaux (l’équivalent des grands premiers crus) imposent des vendanges manuelles. De plus, ces machines ne peuvent pas être utilisées dans les pentes trop fortes où leur maniement peut être dangereux, notamment si le sol est gras. Les vendangeurs mécaniques ne sont donc une option intéressante que pour les vins d’entrée de gamme produits avec des vignes plantées sur des terrains assez plats.
L’administrtaion et ses buraucrates ont toujours été capables de saboter quelque activité que ce soit.
Il semble même qu’ils y prennent un malin plaisir.