Les rescapés du séisme le plus meurtrier en plus de deux décennies en Afghanistan continuaient vendredi à attendre dans leurs villages dévastés, sans abri, nourriture, ou eau, que l’aide d’urgence leur parvienne, les fortes pluies aggravant encore la situation.
Le tremblement de terre, d’une magnitude de 5,9, qui a frappé mercredi cette région pauvre et isolée du sud-est de l’Afghanistan, à la frontière avec le Pakistan, a fait plus de 1 000 morts, 3 000 blessés et des milliers de sans-abri. Les fragiles maisons aux murs en briques de terre n’ont pas résisté aux secousses sismiques et les survivants se retrouvent complètement démunis. Ils ont besoin d’abris, pour se protéger de la pluie et du froid, inhabituel en cette saison, mais aussi de nourriture, eau et produits de premier secours.
« Il n’y a pas de couvertures, pas de tentes, pas d’abris (…). Nous avons besoin de nourriture et d’eau. Tout notre système de distribution d’eau est détruit. Tout est dévasté, les maisons sont détruites. Les gens ne peuvent que retirer des morts (des décombres) et les enterrer », a expliqué Zaitullah Ghurziwal, un habitant du district de Bermal, dans la province de Paktika, la plus affectée.
Les opérations de secours sont compliquées par l’isolement de cette région et la météo. Les pluies ont provoqué des glissements de terrain qui ralentissent l’acheminement de l’aide, et ont endommagé les lignes téléphoniques et électriques. Ce séisme représente un défi majeur pour les talibans, qui ont pris le pouvoir à la mi-août 2021 après 20 années d’insurrection et se sont aliénés la communauté internationale avec leur conception ultra-rigoriste de l’islam.
L’aide internationale, qui portait le pays à bout de bras depuis deux décennies, a été coupée après leur accession au pouvoir, et ne revient depuis qu’au compte-gouttes. Et le pays est depuis enlisé dans une profonde crise financière et humanitaire.
Distribution « transparente » de l’aide
Le gouvernement taliban a dit faire au mieux de ses capacités pour venir en aide aux victimes et appelé à l’aide la communauté internationale. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a assuré que l’ONU était « pleinement mobilisée » pour aider l’Afghanistan.
Selon ses services, le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) a distribué des tentes, couvertures et bâches plastiques; le Programme alimentaire mondial (PAM) a délivré de la nourriture pour environ 14 000 personnes à Paktika; et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fourni 10 tonnes de matériel médical suffisant pour permettre 5 400 opérations chirurgicales.
L’Union européenne a estimé que 270 000 personnes vivant dans les zones touchées par le séisme auraient besoin d’assistance et a dégagé une aide d’urgence initiale d’un million d’euros.
Le Pakistan, l’Iran et le Qatar ont aussi fait parvenir de l’aide aux sinistrés. Et les États-Unis, qui se sont retirés d’Afghanistan fin août après 20 années de guerre, ont indiqué travailler avec leurs partenaires humanitaires à l’envoi d’équipes médicales.
Certains pays sont réticents à doter directement en aide les talibans, de peur qu’elle ne soit détournée. « La distribution de l’aide sera transparente », a toutefois assuré le porte-parole adjoint du gouvernement, Bilal Karimi. « Plusieurs pays nous ont soutenus et ont été à nos côtés. »
Les talibans se dévoilent
« Même pas une pelle »
Dans le district de Bermal, des villages entiers ont été détruits, a constaté une équipe de l’AFP. Les autorités estiment qu’au total près de 10 000 maisons, dans lesquelles s’entassent parfois une vingtaine de personnes, ont été endommagées.
Dans le village de Zaitullah, situé sur une piste en terre cahoteuse serpentant dans la moyenne montagne le long d’une large rivière presque à sec, les gens, qui erraient le visage las et résigné, ont tout perdu. « Nous n’avions même pas une pelle pour creuser (les tombes), aucun équipement, alors nous avons utilisé un tracteur », a-t-il raconté.
L’urgence est grande pour les plus fragiles : les personnes âgées et les enfants.
L’ONG Save the Children a estimé jeudi que plus de 118 000 enfants étaient touchés par la catastrophe. « Beaucoup d’enfants n’ont très probablement maintenant plus accès à de l’eau potable, de la nourriture et un endroit sûr où dormir », a-t-elle déclaré.
L’Afghanistan est fréquemment frappé par des séismes, en particulier dans la chaîne montagneuse de l’Hindu Kush, qui se trouve à la jonction des plaques tectoniques eurasienne et indienne. Le séisme le plus meurtrier de son histoire récente (5 000 morts) avait eu lieu en mai 1998 dans les provinces de Takhar et Badakhshan (nord-est).