L’Ukraine se préparait dimanche à livrer une « grande bataille » dans l’Est de son territoire, cible prioritaire de Moscou, où l’évacuation des civils se poursuit dans la crainte d’une offensive imminente.
« L’Ukraine est prête pour les grandes batailles. L’Ukraine doit les gagner, y compris dans le Donbass », région de l’Est du pays, a déclaré samedi soir le conseiller présidentiel ukrainien Mykhaïlo Podoliak, cité par l’agence de presse Interfax-Ukraine. Les frappes aériennes et bombardements continuaient dans le même temps sur l’Ukraine. Dimanche matin, des bombardements à Kharkiv et dans sa banlieue, ont fait au moins deux morts, a annoncé le gouverneur régional Oleg Sinegoubov sur Facebook. « L’armée russe continue de faire la guerre aux civils, faute de victoires sur le front », a-t-il dénoncé, indiquant qu’au cours des dernières 24 heures, Kharkiv et sa banlieue avaient été bombardés 66 fois.
Samedi, avant de recevoir à son tour à Kiev le Premier ministre britannique Boris Johnson, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, avait souligné lors d’une conférence de presse avec le chancelier autrichien Karl Nehammer : « Nous sommes prêts à nous battre, et à chercher parallèlement des voies diplomatiques pour arrêter cette guerre ».
Dimanche matin, il a indiqué dans un tweet s’être entretenu au téléphone avec le chancelier allemand Olaf Scholz. « Nous nous sommes entendus sur le fait que tous les auteurs de crimes de guerre doivent être identifiés et punis », a-t-il écrit. Après avoir retiré ses troupes de la région de Kiev et du nord de l’Ukraine, la Russie a fait sa priorité de la conquête totale du Donbass, dont une partie est contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses.
Des armes pour Kiev
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a effectué une visite surprise à Kiev samedi et promis des blindés à l’Ukraine. Il a rendu hommage à l’armée ukrainienne pour « le plus grand fait d’armes du 21e siècle » qui a permis de défendre Kiev et de mettre en échec « les desseins monstrueux de Poutine », selon un communiqué de Downing Street.
Le président russe Vladimir Poutine « a subi un revers. (…) Il va intensifier la pression maintenant dans le Donbass et l’Est », a mis en garde M. Johnson. « C’est pourquoi il est si vital (…) que nous, vos amis, continuions à offrir le soutien que nous pouvons », a-t-il ajouté, s’engageant à fournir à Kiev des véhicules blindés et des missiles antinavires.
Boris Johnson est le premier dirigeant d’un pays du G7 a se rendre dans la capitale ukrainienne, menacée d’un assaut et bombardée il y a encore une semaine, et où Volodymyr Zelensky s’est retranché depuis le début de l’invasion russe le 24 février, forçant le respect du monde entier.
« D’autres Etats démocratiques occidentaux doivent suivre l’exemple du Royaume-Uni », a commenté le président ukrainien. « Il est temps d’imposer un embargo total sur les hydrocarbures russes, d’augmenter les livraisons d’armes » à l’Ukraine. Les ministres des Affaires étrangères de l’UE, qui se réuniront lundi à Luxembourg, vont étudier un sixième paquet de sanctions contre Moscou, qui ne touchera toutefois pas les achats de pétrole et de gaz.
Le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell a annoncé son intention de lancer lundi la discussion sur un embargo pétrolier, « mais une proposition formelle n’est pas sur la table », a reconnu vendredi un haut fonctionnaire européen. De son côté, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a dit que l’Alliance préparait des plans pour une force militaire permanente à ses frontières pour prévenir toute nouvelle agression de la Russie.
« Ce que nous voyons maintenant est une nouvelle réalité, une nouvelle normalité pour la sécurité européenne. Pour cette raison, nous avons demandé à nos commandants militaires de fournir des options pour ce que nous appelons une réinitialisation, une adaptation à long terme de l’Otan », a-t-il affirmé dans une interview publiée samedi par le quotidien britannique Daily Telegraph. Cette nouvelle force sera, a-t-il ajouté, une « conséquence à long terme » de l’invasion de l’Ukraine ordonnée par Vladimir Poutine.
Evacuations et bombardements
Dimanche, la vice-Première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk, a indiqué que 4.532 civils avaient été évacués la veille. La majorité ont quitté la région de Zaporijjia, a-t-elle ajouté, précisant que près de 200 personnes ont pu quitter la ville portuaire assiégée de Marioupol (sud)et plus d’un millier ont fui Melitopol, Lysychansk, Severodonetsk, Roubijne, Kreminna et Popasna dans la région de Lougansk.
« L’ennemi russe continue de se préparer pour intensifier ses opérations offensives dans l’est de l’Ukraine et prendre le contrôle total des régions de Donetsk et de Lougansk », dans le Donbass, a déclaré l’état-major de l’armée ukrainienne samedi dans un point quotidien sur Facebook.
Outre la poursuite des combats pour prendre le contrôle des villes clés de Marioupol, au sud, et d’Izioum plus au nord, « l’ennemi continue de frapper avec des missiles des cibles civiles dans toute l’Ukraine », a averti l’état-major. Des bombardements ont ainsi encore fait 5 morts et 5 blessés samedi dans la région de Donetsk, a indiqué dans la soirée le gouverneur régional Pavlo Kyrylenko sur Telegram.
Dans l’attente d’une grande offensive russe, soldats ukrainiens et membres de la Défense territoriale étaient occupés à fortifier leurs positions et à creuser de nouvelles tranchées, dans la zone rurale de Barvinkove, dans l’est du pays. Les bords de routes ont été minés, et des obstacles anti-chars installés à tous les carrefours.
Sept missiles se sont abattus dans la nuit de samedi à dimanche sur la région de Mykolayiv, à une centaine de kilomètres au nord-est d’Odessa, troisième ville du pays et grand port stratégique sur la mer Noire, selon le commandement militaire local. A Rome, le pape François a appelé à une « trêve de Pâques pour arriver à la paix à travers de véritables négociations ».
« Que débute une trêve de Pâques, mais pas pour recharger les armes et reprendre le combat. Non. Une trêve pour arriver à la paix à travers de véritables négociations », a-t-il déclaré après avoir célébré en public la messe des Rameaux place Saint-Pierre.
Le président Vladimir Poutine, dont la décision d’envahir l’Ukraine s’est brisée sur la résistance acharnée des Ukrainiens, a revu ses plans à la baisse mais veut obtenir une victoire au Donbass avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis, point culminant du narratif militariste qu’il a imposé en Russie, notent les observateurs.