Un périple de cinq jours des plus compliqués, mais gratifiant, c’est ce qu’ont vécu les conducteurs de bus qui ont déjà ramené 34 réfugiés ukrainiens, dont beaucoup d’enfants.
À peine revenus et déjà ils repartent, les cinq chauffeurs de Sales-Lentz qui se sont portés volontaires pour aller chercher des réfugiés ukrainiens sont repartis hier soir, avec un conducteur supplémentaire. Dimanche, ils étaient arrivés à Bascharage au siège social de Sales-Lentz à 18 h avec 34 passagers, dont beaucoup d’enfants, des bébés et même quelques animaux domestiques.
Un périple qui les a marqués à vie. «Personne n’a pu retenir ses larmes à leur arrivée, l’émotion était très intense», raconte encore émue une représentante de la compagnie de transport. Sur place, pour accueillir et restaurer ces voyageurs de l’extrême, un buffet était offert par des partenaires et des dizaines de bénévoles de l’entreprise et des familles des conducteurs qui ont soutenu ce projet. La ministre de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région, Corinne Cahen, avait fait le déplacement.
Un parcours du combattant
«Afin d’aider ces familles à surmonter le traumatisme de cette guerre, une cellule psychologique a été mise en place dans une salle de conférence intimiste, indique la représentante de Sales-Lentz. Et pour essayer de redonner le sourire aux enfants, des jouets, des livres, des bonbons ont été collectés afin qu’ils puissent garder espoir et s’épanouir à nouveau. Dix-neuf camionnettes ont assuré toute la logistique et le transport des nombreux dons vers les familles d’accueil.»
Le bus est parti mercredi et devait revenir vendredi. C’était compter sans le parcours du combattant que les voyageurs ont dû affronter. «Ils sont passés par beaucoup de pays, or ils sont très nombreux à avoir pris la route au même moment», ajoute la communicante. Ce n’est pas la distance, 4 000 km aller-retour, qui a été le plus dur.
Devant chaque passage aux frontières slovaque, roumaine, hongroise et aux postes de police, des files interminables de véhicules leur barraient la route. En tout, 30 heures d’attente ont été nécessaires aux différents points administratifs, 12 heures rien qu’à la frontière hongroise. Les points de rendez-vous, comme un monastère roumain où les exilés ukrainiens avaient trouvé refuge, ont été ralliés dans la difficulté, la neige et l’état des routes ayant retardé le convoi.
Des scènes dignes de la Seconde Guerre mondiale
Les chauffeurs se sont relayés jour et nuit en respectant les temps de pause, sans possibilité de loger à l’hôtel dans cette zone de crise.
Au retour, l’ambiance était lourde, les dix familles recueillies gardant la peur au ventre jusqu’à l’arrivée au Luxembourg, où elles ont enfin pu marquer leur soulagement. «On ne peut pas imaginer ce qu’ils ont enduré, explique encore la porte-parole. Les conducteurs nous ont raconté des scènes terribles dignes de la Seconde Guerre mondiale. Nos passagers avaient la chance d’être dans un bus tout confort avec à boire, à manger et des toilettes. C’est loin d’être le cas de tous ceux qui ont pris la route : certains étaient même dans des remorques de camions. Une femme est morte sur leur route, pas dans le bus, mais autour d’eux il y a eu des drames», en plus de celui d’avoir à quitter toute sa vie du jour au lendemain, sous les bombes.
L’organisation du voyage, la sélection et la prise en charge des familles ont été organisées et encadrées par l’ASBL Slava Ukrayini Luxembourg. Des familles d’accueil de différents pays frontaliers attendaient les réfugiés. Elles aussi ont été choisies par l’association, qui s’est assurée qu’aucune ne risquait d’abuser de la détresse des réfugiés.
«Les membres fondateurs de l’association, Laurent Brochmann, Julien Doussot et Virginie Daunois, ont vécu des journées pleines de retournements de situation, d’angoisses, mais en retour, ils ont reçu beaucoup de gratitude des familles ukrainiennes, ce qui devrait aider à combler le manque de sommeil», souhaite la porte-parole.
Une minorité malveillante
Le nouveau voyage entamé lundi soir sera peut-être encore plus périlleux, même si les six chauffeurs savent désormais davantage à quoi s’attendre. Ils partiront à six avec trois bus, dont deux à étage. Chaque jour, il y a davantage de monde qui fuit l’horreur sur les routes d’Europe de l’Est.
Cette fois, beaucoup plus de réfugiés seront amenés au Grand-Duché, 200 en tout. L’organisateur, une institution officielle, ne souhaite pas être nommé, craignant les polémiques que cela pourrait susciter. Même si la société Sales-Lentz a pu constater que les retours sont majoritairement positifs et que nombreux sont ceux qui apportent leur soutien à l’initiative, sur les réseaux sociaux, il y aura toujours une minorité malveillante.
On ne connaît pas la date de retour des bus qui sont à nouveau partis chargés de dons. D’autant que, malgré l’enjeu humanitaire, la sécurité reste essentielle. Des pauses toutes les deux heures sont ainsi effectuées.
Ce voyage ne sera peut-être pas le dernier, la société réfléchit en interne, mais aussi avec les différents acteurs extérieurs, aux possibilités futures. «S’il y a un nouveau projet sérieux et parfaitement organisé, je pense que nous participerons de nouveau de bon cœur», conclut la représentante.
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Audrey Libiez
Merci à vous, nous sommes également chauffeurs de tourisme mari et femme également volontaire si notre entreprise nous le demande. bravo à tous
Chapeau à tous ceux qui aident! Sans bureaucratie de ministres…