Accueil | Monde | Le bilan de l’attentat à l’aéroport de Kaboul monte à 85 morts et plus de 160 blessés

Le bilan de l’attentat à l’aéroport de Kaboul monte à 85 morts et plus de 160 blessés


Hommes, femmes et enfants couraient dans tous les sens pour s'éloigner du lieu des explosions. (Photo AFP)

Le bilan de la double attaque suicide perpétrée par le groupe jihadiste Etat islamique (EI) à l’aéroport de Kaboul est monté vendredi à 85 morts, dont treize soldats américains, dans une atmosphère tendue à quelques jours de la fin prévue des évacuations des étrangers et afghans qui cherchent à fuir le nouveau régime taliban.

L’attentat, mené jeudi à la tombée du jour, a semé le chaos et la désolation parmi les milliers d’Afghans massés sur place dans l’espoir de monter dans un des avions affrétés par les Occidentaux.

Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont montré des dizaines de victimes, mortes ou blessées, étendues dans les eaux saumâtres d’un canal d’égout, entourées de secouristes débordés et démunis. Hommes, femmes et enfants couraient dans tous les sens pour s’éloigner du lieu des explosions.

« Il y a beaucoup de femmes et d’enfants parmi les victimes. la plupart des gens sont choqués, traumatisés », a déclaré vendredi à l’AFP un responsable de l’ancien gouvernement renversé à la mi août par les talibans, en annonçant à l’AFP le nouveau bilan d’au moins 72 morts et 150 blessés à partir des informations recueillies dans les hôpitaux locaux. Le précédent bilan, donné jeudi soir par le régime taliban, faisait état de 13 à 20 morts et de 52 blessés.

La situation semblait calme vendredi matin à Kaboul, notamment autour de l’aéroport où les talibans avaient renforcé leurs barrages et où la foule semblait avoir disparu par endroits. La double explosion a également tué au moins treize soldats américains et en a blessé dix-huit autres, selon le Pentagone, ce qui en fait l’attaque la plus meurtrière contre l’armée américaine en Afghanistan depuis 2011.

Confronté à la plus grave crise depuis le début de son mandat et visiblement secoué, le président américain Joe Biden a réagi en promettant de « pourchasser » et de « faire payer » les auteurs de l’attaque. « L’Amérique ne se laissera pas intimider », a-t-il lancé d’un ton martial.

Ce premier attentat meurtrier depuis le retour au pouvoir des talibans le 15 août intervient à quelques jours du départ du pays des troupes américaines, prévu le 31 août après vingt ans de guerre infructueuse contre les islamistes. Les larmes aux yeux, M. Biden a rendu hommage aux soldats tués, « des héros (…) engagés dans une mission dangereuse et altruiste pour sauver d’autres vies » et il a fait savoir que les Etats-Unis allaient « poursuivre l’évacuation ».

Secouristes débordés

Selon Washington, qui s’attend à ce que les attaques de l’EI « continuent », cet attentat a été mené par deux kamikazes du groupe jihadiste, suivi d’une fusillade. Sous le nom d’EI-K (Etat islamique Province du Khorasan), l’EI a revendiqué certaines des attaques les plus sanglantes commises ces dernières années en Afghanistan, faisant des centaines de morts, en particulier parmi les musulmans chiites. Même s’il s’agit de deux groupes sunnites radicaux, l’EI et les talibans sont en concurrence et sont animés par une haine tenace et réciproque.

Les Occidentaux ont condamné l’attentat, en soulignant qu’il ne devait pas empêcher la poursuite des évacuations massives, qui ont à ce jour permis de faire partir 100.100 personnes, selon les dernières données publiées jeudi soir par la Maison Blanche. Le nouveau régime taliban, via son porte-parole Zabihullah Mujahid, a « fermement condamné » ces « attentats à la bombe », tout en soulignant qu’ils étaient survenus dans une zone placée sous la responsabilité de l’armée américaine.

Depuis la reprise soudaine de Kaboul et du pouvoir par les talibans, le vaste aéroport de Kaboul est le dernier endroit du pays où sont rassemblées les forces occidentales, menées par l’armée américaine. L’Otan et l’Union européenne ont appelé à poursuivre les évacuations depuis Kaboul malgré tout.

Panique

L’Espagne a annoncé vendredi matin avoir terminé ses vols d’évacuation, comme l’Allemagne, les Pays-Bas, le Canada et l’Australie avant elle. Celles des Britanniques s’achèveront « dans quelques heures », a précisé Londres vendredi matin. Après les explosions, Paris a annoncé le rapatriement en France pour raisons de sécurité de son ambassadeur en Afghanistan David Martinon, qui se trouvait jusqu’alors à l’aéroport de Kaboul. Selon des sources militaires, l’une des explosions s’est produite à proximité d’Abbey Gate, l’un des trois points d’accès à l’aéroport.

« C’était une énorme explosion, au milieu de la foule qui attendait devant une des portes de l’aéroport », où entrent des gens qui se font évacuer par les Occidentaux, a déclaré à l’AFP un témoin de la scène, Milad, ajoutant avoir vu « des corps et des fragments humains projetés » aux alentours. Dans la confusion, il raconte avoir perdu les documents avec lesquels il espérait embarquer sur un vol avec sa femme et ses trois enfants. « Je ne veux plus jamais aller (à l’aéroport). Mort à l’Amérique, son évacuation et ses visas », a-t-il dit.

Les blessés « ne pouvaient pas parler, beaucoup étaient terrifiés, leurs yeux perdus dans le vague, leur regard vide », a témoigné sur Twitter le coordinateur médical de l’hôpital géré par l’ONG italienne Emergency, Alberto Zanin. Le rythme des évacuations, qui n’avait cessé de s’accélérer ces derniers jours, avait commencé à ralentir mercredi.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken avait assuré mercredi que les talibans s’étaient engagés à laisser partir les Américains et les Afghans à risque se trouvant encore dans le pays après le 31 août.

La fin prochaine des évacuations fait craindre que de nombreux Afghans ayant travaillé ces dernières années avec les étrangers ou le gouvernement pro-occidental déchu et se sentent menacés par les talibans, ne puissent tous quitter le pays à temps. Beaucoup d’Afghans, souvent urbains et éduqués, craignent que les islamistes n’instaurent le même type de régime fondamentaliste et brutal que lorsqu’ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001.

LQ/AFP