Lancé par le CSV, le débat sur l’impôt sur la fortune et l’impôt sur le droit de succession arrive dans les rangs de la majorité.
Vendredi, déi gréng avaient invité à une conférence de presse. Les coprésidents Djuna Bernard et Meris Sehovic ont longuement répété les priorités politiques estampillées «vertes», protection de la biodiversité et des ressources naturelles, introduction du principe pollueur-payeur, et se sont réjouis des investissements record dans les transports publics.
En écoutant plus attentivement, le parti entré au gouvernement en 2013 a mis en quelques phrases à peine la pression sur son partenaire de coalition libéral. «L’impôt sur le droit de succession et l’impôt sur la fortune sont deux éléments qui doivent être discutés», soulignent les coprésidents. Ils enchaînent : «Il existe une imposition totalement disproportionnée du travail et du capital. Il faut s’y atteler. Ce débat sera mené au sein de notre parti, mais nous allons aussi devoir le mener au sein de la coalition». Djuna Bernard et Meris Sehovic ajoutent que «dans cette discussion, il n’existe pas de tabous pour déi gréng». Petite précision toutefois : «Vu la complexité du sujet, il est évident que l’on ne pourra rien précipiter.»
Quoi qu’il en soit, la sortie médiatique de déi gréng, restées assez vague sur l’imposition de la fortune dans leur programme électoral, mettra le DP sous pression. Le parti libéral du Premier ministre, Xavier Bettel, s’est clairement positionné avant les législatives de 2018 contre l’imposition de la succession en ligne directe. La détérioration des finances publiques en raison de l’impact économique de la crise sanitaire va-t-elle venir changer la donne?
La taxe carbone confirmée pour 2021
Dans l’accord de coalition, signé fin 2018, on retrouve une seule phrase consacrée au droit de succession : «Le gouvernement analysera l’opportunité d’ajuster les seuils du barème de majoration des droits de succession et de mutation par décès en ligne indirecte, pour tenir compte de l’évolution des prix de l’immobilier.» Une imposition en ligne directe n’apparaît nulle part, malgré le plaidoyer mené en amont du scrutin par le LSAP, troisième parti formant l’actuelle majorité.
Le camp socialiste n’avait pas tardé à saluer les propositions du président du CSV, Frank Engel, qui se trouve à l’origine de la relance du débat sur une plus forte taxation de la fortune. Fin août, le chef de file du Parti chrétien-social avait estimé dans un entretien accordé à Reporter.lu qu’il était temps de mettre «fin à la générosité» envers les plus fortunés. Il avait abordé la nécessité de réintroduire l’impôt sur la fortune, aboli en 2005 sous l’égide d’un gouvernement CSV-LSAP, et d’introduire un impôt sur la succession en ligne directe. La levée de boucliers à l’intérieur de son parti n’a pas fait changer d’avis Frank Engel.
Dans la foulée d’un débat télévisé diffusé jeudi soir sur RTL, il est revenu au président du LSAP, Yves Cruchten, de se positionner dans le débat sur la taxation de la fortune. «Il est évident que nous sommes disposés à soutenir un impôt sur la fortune, peu importe s’il s’agira d’un impôt pour les super-riches ou un impôt sur les grandes fortunes. Nous savons qu’il est temps d’agir», affirme le chef de file socialiste, cité sur le compte Facebook du parti. Tout comme le ministre de l’Économie, Franz Fayot, Yves Cruchten est plutôt d’avis qu’un impôt sur la fortune est à privilégier. Le débat sur l’imposition du droit de succession en ligne directe n’est pas clos pour autant.
Pour revenir à déi gréng, il reste à remarquer que les coprésidents se sont ouvertement positionnés contre «le recours abusif » au Fonds d’investissement spécialisé (FIS) dans le domaine de l’immobilier. Cet outil permet aux investisseurs d’être quasiment exonérés d’impôts. En outre, le camp vert veut s’attaquer au régime des «stock-options» qui permettent à des investisseurs de prendre des options sur des actions de société dont la plus-value est très faiblement taxée. «Il nous faut agir dans les mois à venir pour mettre fin à ces pratiques», insistent les coprésidents dans leur communiqué. Dernière annonce majeure : le maintien de la date de 2021 pour l’introduction de la taxe carbone. L’agenda initial devrait donc être maintenu en dépit des effets de la crise sanitaire.
David Marques