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Les Palestiniens, « sacrifiés » de l’accord entre Israël et les Emirats


Des manifestants palestiniens tiennent des slogans en arabe "la normalisation est une trahison" et "la Palestine n'est pas à vendre" lors d'une manifestation dans la ville de Gaza le 14 août (Photo : AFP).

« Trahison », « division », « épuisement »: voilà les trois mots qui reviennent dans les rues de Gaza au lendemain de l’accord de normalisation des relations entre Israël et les Emirats arabes unis.

Une onde de choc secoue le Moyen-Orient quand le président américain, Donald Trump, annonce jeudi soir contre toute attente cet accord entre l’Etat hébreu et les Emirats, le 3e d’Israël avec un pays arabe après l’Egypte en 1979 et la Jordanie en 1994.

Pendant que le Premier ministre Benjamin Netanyahu jubile, les Palestiniens, du Fatah laïc de Mahmoud Abbas aux islamistes du Hamas, n’ont qu’un mot à la bouche: « trahison ». « Trahison » des Emirats qui auraient, selon eux, sacrifié la cause palestinienne au profit de nouvelles relations commerciales avec Israël.

Vendredi dans la bande de Gaza, après de nouvelles frappes nocturnes d’Israël en représailles à des tirs de ballons incendiaires, le mot « trahison » revient toujours dans la bouche d’Abou Alaa al-Sarsak, 70 ans, et ex-employé du gouvernement local.

Mais s’il y a un accord, et donc « trahison » par les Emirats selon lui, c’est aussi en raison des « divisions », dit-il, entre Palestiniens, scindés principalement depuis 13 ans entre le Hamas à la tête de la bande de Gaza et ses deux millions d’habitants, et l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, au pouvoir en Cisjordanie où 2,8 millions de Palestiniens vivent parallèlement à 450.000 colons juifs.

« Si la division entre l’Autorité palestinienne et le Hamas se poursuit, la normalisation ira de l’avant avec d’autres Etats arabes et du Golfe », craint Abou Alaa al-Sarsak, appelant à l’unité des factions palestiniennes.

Jeudi soir, le chef du bureau politique du Hamas, Ismaël Haniyeh, établi au Qatar, monarchie rivale des Emirats arabes unis, a contacté le président de l’Autorité palestinienne pour tenter justement de trouver une voie commune face à cette normalisation qui « sacrifie » la cause palestinienne.

« Sous le bus » des Emirats

Au début de l’été, le gouvernement israélien discutait de la mise en oeuvre du plan Trump pour le Moyen-Orient qui prévoyait la normalisation des relations entre Israël et des pays du Golfe dont les Emirats et l’annexion aussi de pans de la Cisjordanie par l’Etat hébreu.

Cependant, le report de l’annexion ne réjouit en rien à Gaza, Naplouse ou Jérusalem-Est.

A Gaza, des centaines de personnes se sont rassemblées à l’initiative du Jihad islamique, l’autre groupe islamiste armé de cette enclave, pour dénoncer l’accord. A Naplouse, en Cisjordanie, des manifestants ont brûlé des portraits de Donald Trump, Benjamin Netanyahu et Mohammed Ben Zayed. Et devant la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, des fidèles ont piétiné un portrait de ce dernier, puissant émir d’Abou Dhabi.

« Les Palestiniens sont furieux, ils ont le sentiment d’avoir été jetés sous le bus de Cheikh Mohammed (Ben Zayed », MBZ), reconnaît l’analyste israélien Yoel Guzansky.

« Les Emirats tentent de convaincre qu’ils ont fait ça afin de stopper l’annexion (…) et de contribuer à la paix au Moyen-Orient, voire de garder en vie la solution à deux Etats », Israël au côté d’une Palestine viable, ajoute-t-il.

Pour Ali Jarbawi, ancien ministre et professeur de relations internationales à l’Université de Bir Zeit, point de doute, la cause palestinienne n’est plus aussi centrale dans la politique régionale.

« Les Palestiniens font maintenant face à l’une des périodes les plus difficiles de leur histoire, et leurs options se limitent », dit-il à l’AFP.

Que faire? « Trahis », « divisés », les Palestiniens sont aussi « épuisés », note Samira Ghazal, 21 ans, secrétaire dans une entreprise informatique dans la bande de Gaza, enclave palestinienne sous blocus israélien plombé par un taux de chômage avoisinant les 50% et sous perfusion de l’aide internationale.

« La normalisation existe depuis longtemps et je ne reproche pas aux Emirats de rechercher leurs intérêts (…) Le citoyen est épuisé et incapable de résister », dit-elle. « Les Palestiniens sont faibles, les Arabes sont faibles et Israël est soutenu par l’Amérique », soupire-t-elle.

Jihad Hussein, un employé de bureau de Ramallah, en Cisjordanie, dit lui ne pas courber l’échine: « Le peuple palestinien a été poignardé dans le dos par les dirigeants des Emirats, mais ni cet accord ni rien d’autre n’entamera notre volonté de lutter pour la liberté et l’indépendance » de la Palestine.

AFP