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Décès à 93 ans de l’avocate et figure féministe Gisèle Halimi


Gisèle Halimi, ici en 2004, est décédée à l’âge de 93 ans, a-t-on appris ce mardi. (photo archives AFP)

L’avocate et ancienne députée Gisèle Halimi, qui a consacré sa vie à la cause des femmes et au droit à l’avortement, est décédée mardi, au lendemain de son 93e anniversaire, a annoncé sa famille.

« Elle s’est éteinte dans la sérénité, à Paris », a déclaré l’un de ses trois fils, Emmanuel Faux, estimant que sa mère avait eu « une belle vie ».

Née Gisèle Taïeb le 27 juillet 1927 dans une famille modeste à La Goulette, en Tunisie, elle est très bonne élève et ne manque pas de caractère. « J’aimais l’école (…) je me suis mise à lire beaucoup (…). Pendant ce temps, mes frères, qui étaient cancres, rentraient avec de très mauvaises notes. C’était alors un drame familial », a-t-elle raconté.

Enfant, elle est témoin, le 9 avril 1938, de la répression sanglante à Tunis d’une manifestation favorable à l’émancipation des Tunisiens, un épisode qui la marquera durablement. Licenciée en droit et en philosophie à Paris, élève de Sciences-Po, la jeune femme s’inscrit au barreau de Tunis en 1949 et défend des syndicalistes et des indépendantistes tunisiens.

C’est là le premier volet de sa carrière professionnelle, poursuivi à Paris et en Algérie où elle devient l’un des principaux avocats des militants du Front de libération nationale (FLN). Elle dénonce l’usage de la torture par les militaires français, ce qui lui vaudra une arrestation et une brève détention. « L’injustice m’est physiquement intolérable », disait-elle souvent. « Toute ma vie peut se résumer à ça. Tout a commencé par l’Arabe qu’on méprise, puis le juif, puis le colonisé, puis la femme », confiait-elle au JDD en 1988.

Ouvre la voie à la dépénalisation de l’IVG

En 1971, elle fonde « Choisir la cause des femmes », (ou, en abrégé, « Choisir » ou « La cause des femmes ») aux côtés notamment de Simone de Beauvoir et Jean Rostand. Amie de Jean-Paul Sartre, elle prendra la présidence de cette association à la mort de Simone de Beauvoir (1986). Elle est une des signataires du retentissant manifeste des 343 femmes qui déclaraient publiquement avoir avorté (1971).

Dès l’année suivante, elle défend devant le tribunal correctionnel de Bobigny Marie-Claire Chevalier, mineure accusée d’avoir eu recours à un avortement après un viol. À l’occasion de ce procès emblématique, le grand public découvre cette femme à l’allure toujours impeccable qui fait citer un aréopage de personnalités littéraires et scientifiques venues dénoncer un procès d’un autre âge. Elle obtient la relaxe de la jeune femme et parvient à mobiliser l’opinion, ouvrant la voie à la dépénalisation de l’avortement, début 1975, avec la loi Veil.

Élue députée de l’Isère (apparentée PS) en 1981, elle poursuit le combat à l’Assemblée, cette fois-ci pour le remboursement de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), finalement voté en 1982. Mais elle prend ses distances avec le Parti socialiste après son élection à l’Assemblée. Elle devient en 1985 et 1986 ambassadrice de France auprès de l’Unesco. Déçue par François Mitterrand, elle sera en seconde position sur la liste du Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement aux européennes de 1994.

Toujours engagée

Gisèle Halimi poursuit sans répit son engagement pour le droit des femmes et la parité. En 1995, elle prend la tête, avec notamment l’ancien ministre socialiste de la Justice Robert Badinter, du comité français de soutien à Sarah Balabagan, une jeune domestique philippine condamnée à mort aux Émirats arabes unis pour le meurtre de son employeur qui abusait d’elle.

En 1998, elle fait partie de l’équipe qui crée Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne). Par la suite, elle interviendra fréquemment pour s’inquiéter de la fermeture de plusieurs centres d’IVG en région parisienne (2009), dénoncer l' »indécent » retour médiatique de Dominique Strauss-Kahn (2011) – après l’abandon par la justice américaine des poursuites pénales le visant dans l’affaire de Sofitel – ou défendre la pénalisation des clients de prostituées (2011).

Parallèlement, elle a mené une carrière d’écrivain. Parmi sa quinzaine de titres figurent Djamila Boupacha (1962), du nom d’une militante du FLN, et une œuvre plus intimiste comme Fritna, sur sa peu aimante mère (1999), « pratiquante juive totalement ignorante ».

Mère de trois garçons, dont Serge Halimi, directeur de la rédaction du Monde diplomatique, elle a confié qu’elle aurait aimé avoir une fille pour « mettre à l’épreuve » son engagement féministe. « J’aurais voulu savoir si, en l’élevant, j’allais me conformer exactement à ce que j’avais revendiqué, à la fois pour moi et pour toutes les femmes », a-t-elle dit au Monde en 2011.

Dans une longue interview accordée au Monde en septembre dernier, la nonagénaire s’étonnait encore que « les injustices faites aux femmes ne suscitent pas une révolte générale ».

AFP/LQ