Un besoin d’information criant : voilà ce qu’ont ressenti les frontaliers pendant la crise. Aux côtés des médias, d’autres acteurs ont joué un rôle clef : c’est le cas de Frontaliers Grand Est, qui offre une information sur toutes les frontières, Belgique, Allemagne, Suisse… et Luxembourg, évidemment.
Le centre de ressources, financé uniquement par le versant français, a explosé ses records de fréquentation avec la crise. Entretien avec son président, Édouard Jacque, également élu à la région Grand Est dans la majorité.
Pour ses travaux sur la mobilité, le télétravail ou encore la fiscalité, Frontaliers Grand Est est apparu comme un centre de ressources important, pour de nombreux frontaliers, et les médias eux-mêmes.
Édouard Jacque : Les équipes ont été réactives, c’est notre grande force. Nous avons 540 000 visiteurs depuis début janvier, c’est déjà plus que l’an dernier. Nous proposons de l’information rigoureuse sur des sujets majeurs, comme le télétravail, mais aussi sur des sujets beaucoup plus inattendus et tout aussi importants pour les personnes concernées, comme le rapatriement de proche décédé en dehors de leur frontière. Nous proposons tous les niveaux d’expertise : de la question quotidienne à la question d’expert. Et nous le faisons gratuitement, en considérant l’intérêt du transfrontalier pour une région comme la nôtre.
Vous ouvrez une nouvelle agence à Charleville-Mézières, le siège se trouve à Metz, vous êtes partenaires de divers institutions comme la Maison des frontaliers à Thionville et la Maison de l’Allemagne à Forbach : n’est-ce pas un casse-tête de gérer tant de frontières ?
Nous avons l’ambition d’être un centre de ressources complet. La bonne vision, c’est à 360 degrés. Depuis 1985, Frontaliers Grand Est était concentré sur la Lorraine. Avec le changement de région, il n’y avait aucune excuse pour se cantonner au Luxembourg ou à la Sarre. Oui, nos équipes produisent de l’information à destination des frontaliers en Suisse ou en Belgique aussi… et ça marche. Savez-vous d’où viennent un nombre significatif de consultations de nos pages ? De Paris, donc de potentiels futurs frontaliers. Ou encore du nord de la France, qui connaît une relation frontalière avec la Belgique, sans site ressource comme le nôtre.
On raconte parfois mieux son histoire quand on a quelqu’un en face
Agence sur le terrain, plateforme web : comment s’articule l’information ?
L’agence de terrain permet d’aller au plus proche de travailleurs qui n’ont pas forcément une grande habilité avec le web. Elle permet aussi d’individualiser les situations. Vous savez, on a parfois des situations complexes, avec un type qui a grandi en Angola, qui s’est marié au Brésil, qui vit du côté français tout en travaillant au Luxembourg aujourd’hui… On raconte parfois mieux son histoire quand on a quelqu’un en face.
Le site web, quant à lui, fonctionne comme un centre de ressources à plusieurs niveaux : on y retrouve des questions que l’on pose dix fois à nos équipes et qu’on finit par mettre sur le site, comme des cas plus précis.
La Suisse ou le Luxembourg, pour citer les deux pôles d’aspiration frontalière principaux, financent-ils Frontaliers Grand Est ? Après tout, la relation est bénéficiaire à double sens, non ?
La relation la plus avancée est avec la Sarre, qui siège au conseil d’administration avec un rôle d’observateur. Nous avions fait un appel du pied au Luxembourg, nous n’avons peut-être pas utilisé les bons canaux. Nous avons lancé une perche du côté de la région des Hauts-de-France (NDLR : Nord) aussi. Peu importe, notre service répond à une demande et nous remplissons notre rôle.
Vous parliez de vision à 360 degrés. Cela veut dire que l’on peut aussi être un Belge ou un Allemand qui veut travailler en France et qui trouvera chez Frontaliers Grand Est les infos dont il a besoin ?
Exactement. Le phénomène est évidemment beaucoup plus minoritaire vis-à-vis du Grand-Duché.
Quelque part, on a le sentiment que Frontaliers Grand Est vient combler une carence des États centralisés concernés. Les législations sont si complexes et les réponses si peu nombreuses… À la fin, seule une équipe dévouée, payée par la Région, fait vraiment le job pour donner les bonnes réponses.
Je ne dirais pas forcément ça. Nous travaillons par exemple en partenariat avec des organismes d’État, comme Pôle emploi en France. Nous recherchons donc une certaine complémentarité. Y compris d’ailleurs, avec d’autres organismes comme les syndicats. Nous livrons une information brute et neutre, mais eux la reçoivent et l’exploitent comme ils l’entendent. Nous avons pleinement trouvé notre public et notre place. Concernant le Luxembourg et la Belgique, nous souhaitons désormais trouver un nouvel ancrage d’accueil sur le bassin de Longwy, puisque Metz et Thionville sont déjà couverts.
Entretien avec Hubert Gamelon