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CHR Metz-Thionville : le visage de ces héros «qui ne portent pas de cape»


Courant juin, leurs clichés vont donner lieu à une exposition photo intitulée «Tous les héros ne portent pas de cape» au sein du CHR de Mercy. (Photo : © Nicolas L'Impala)

En cette période particulière de pandémie de Covid-19, le photographe Nicolas Muller, assisté de Dominique Lebesson, a passé une journée entière à shooter discrètement dans plusieurs établissements du CHR Metz-Thionville. Leur façon à eux de dire merci au personnel hospitalier !

Rembobinons tout d’abord la pellicule. Dominique Lebesson (58 ans), chargée de mission à la région Grand Est, voit passer le 22 mars dernier une publication sur le mur Facebook du président Jean Rottner. Il s’agit d’un magnifique reportage photo* sur le personnel hospitalier du GHR de Mulhouse, qui est en première ligne, directement au front, lors de cette crise sanitaire du Covid-19.

Dix jours plus tard, un autre reportage au CHL de Luxembourg relayé par nos confrères de L’essentiel finit par la convaincre définitivement.

(Photo : © Nicolas L'Impala)

(Photo : © Nicolas L’Impala)

«1 000 fois merci pour ce qu’ils font»

Sur le réseau social, au culot, elle identifie plusieurs de ses amis photographes pour réaliser ce projet bénévolement dans le Grand Est. «Ça serait une belle manière de mettre en lumière nos héros», écrit-elle alors.

Lunettes sur le nez, «Dom» se remémore : «En relevant ce défi né d’une idée un peu folle, je voulais tout simplement me rendre utile durant cette période. En gros, partir à la rencontre de ces héros du quotidien que certains applaudissent chaque soir à 20 h depuis leur balcon, découvrir leurs visages et leur dire 1 000 fois merci pour ce qu’ils font. Pour moi, ce reportage photo était une manière de partager un moment avec ces gens, de leur accorder de l’attention, de leur offrir ensuite un cadeau aussi. Leur rendre hommage en quelque sorte, car je souhaite qu’on se souvienne d’eux et de leur engagement dans l’Histoire.»

Bien connu des runners de toute la région pour ses magnifiques clichés, Nicolas Muller (27 ans), alias «Nicolas L’Impala», photographe indépendant au «chômage forcé» à cause de la pandémie de coronavirus, répond positivement à l’appel de Dom. La machine est lancée. Elle endosse son rôle de facilitateur qu’elle aime tant et fait alors jouer son réseau. Elle contacte le Dr Khalifé Khalifé, cardiologue de son état, mais surtout président de la commission médicale d’établissement du Centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville.

Celui-ci est directement emballé par le projet. «Il a été ex-tra-ordi-naire !, s’exclame Dominique Lebesson. Avec Éric Goetmann (NDLR : le responsable de la com’ du CHR), le Dr Khalifé s’est occupé de tout : des autorisations, du planning, de l’itinéraire, de l’organisation quasi ‘‘militaire’’ de la journée. C’est bien clair, en 24 heures, tout était bouclé !»

(Photo : © Nicolas L'Impala)

(Photo : © Nicolas L’Impala)

Des superhéros en puissance !

Le jeudi 9 avril débute alors leur journée marathon. Au petit matin, Nicolas Muller quitte son petit village de Bambiderstroff (en Moselle-est, à 5 km de Saint-Avold) et rejoint Dom, son assistante d’un jour, à l’hôpital de Mercy.

À leur arrivée, ils sont pris en charge par le Dr Khalifé. Le danger de contamination étant bel et bien présent, il les briefe, leur donne les consignes à respecter pour conserver un environnement ‘‘sécure’’ : respect des gestes barrières, interdiction de poser quelque chose part terre (sac à dos, appareils photo), ne pas entrer à proprement parler au sein des services Covid et surtout ne pas gêner le travail du personnel de la communauté hospitalière (soignants, logisticiens, techniciens, etc.).

(Photo : © Nicolas L'Impala)

(Photo : © Nicolas L’Impala)

La visite sera encadrée, quasi chronométrée (10 minutes par service). Pas le temps de s’attarder, le contact sera bref. Il faudra donc s’adapter, optimiser les choses, enchaîner les services de manière rapide et propre. Aucun écart ne sera toléré. Le Dr Khalifé leur remet aussi à cette occasion un masque. Dom, avec son rouge à lèvres, grimace mais s’y plie finalement de bonne grâce.

Leur petite appréhension de départ est vite balayée par l’accueil dont ils font l’objet. «Le Dr Khalifé nous a facilité grandement la tâche, précise Dom. Il avait au préalable fait passer le message aux services des différents établissements dans lesquels nous nous sommes rendus (Mercy, Hayange, Thionville), a expliqué la démarche, ce qu’on allait faire. Du coup, on a été accueillis chaleureusement, à bras ouverts, comme si on faisait partie de la famille, qu’on était de la maison.»

(Photo : © Nicolas L'Impala)

(Photo : © Nicolas L’Impala)

À Nico, désormais, de jouer ! Il ne lui reste plus qu’à sortir discrètement son Nikon D850 de son sac et à mitrailler avec précision. Ou plutôt capturer l’instant. Immortaliser le moment. Cette période très particulière que le personnel hospitalier vit actuellement. Ce combat, cette lutte sans merci contre cet ennemi sournois et invisible, le Covid-19.

Ces difficultés qu’ils partagent ensemble, surmontent en équipe. Le risque d’être touché à leur tour par le Covid et la mort qu’ils côtoient au quotidien. La fatigue physique et mentale, mais aussi la solidarité, l’esprit de corps et l’incroyable sang-froid dont ils font preuve. Pour sauver des vies, tenir le choc aussi.

À vrai dire, c’est un peu tout ça que raconte ce formidable reportage photo. L’histoire de ces hommes et ces femmes en blouse blanche, ces «héros qui ne portent pas de cape», mais qui sont, en réalité, des Batman, Superman et Wonderwoman** en puissance !

Ismaël Bouchafra-Hennequin

* Reportage photo «Parce que ce sont eux, parce qu’ils sont nous» – Hôpital Émile-Muller – Mulhouse, d’Eliot Blondet-Flament.

** Le personnel hospitalier du CHR Metz-Thionville est féminin à 83 %.

Exposition photo «Tous les héros ne portent pas de cape», de Nicolas Muller, alias Nicolas L’Impala.

Les 150 à 200 clichés sélectionnés seront exposés d’abord au CHR de Mercy (hall + panneau à l’entrée) lorsque les conditions sanitaires le permettront. Le vernissage de l’exposition est espéré pour courant juin. Une version numérique sera diffusée dans un second temps sur la page Facebook L’Impala Photographie.

https://www.limpalaphotographie.com/ 

Flashs furtifs

(Photo : © Nicolas L'Impala)

(Photo : © Nicolas L’Impala)

«On a vu beaucoup de très beaux regards lors cette journée. D’une part parce qu’ils sont lumineux, très expressifs, mais aussi parce que, par exemple, chez les femmes, le maquillage des yeux est fait. O. K., ce sont des détails, mais ce sont des détails de la vie… De gens qui sont vivants, qui font attention à eux, qui se regardent, qui prennent soin aussi les uns des autres.» (Dominique Lebesson)

«À un moment à Metz, on est rentré dans une pièce où il y avait un petit panneau où il était écrit ‘‘Covidland’’. En fait, c’est là où ils faisaient les scanners pour détecter si les personnes étaient atteintes du corona ou pas. On pouvait apercevoir une personne qui était allongée sur la table d’examen… Elle allait être fixée sur son sort. Cette image m’a marqué.» (Nicolas Muller)

«Une autre image qui me revient à l’esprit c’est celle des personnes qui travaillent à la morgue. Le climat était pesant. On les voyait les traits tirés et le regard grave. Il y avait de plus en plus de décès, ça se remplissait, ça ne devait pas être facile…» (Nicolas Muller)

«Il y avait un des médecins qui avait eu le Covid. À un moment, il s’est mis à tousser à côté de nous dans l’ascenseur de l’hôpital. J’ai vu la tête de Nico changer à ce moment-là (elle éclate de rire), fallait voir les yeux qu’il a faits, c’était trop drôle !» (Dominique Lebesson)

I. B.-H.

Nicolas Muller : «Photographier,
c’est faire de l’humain»

(Photo : © Nicolas L'Impala)

(Photo : © Nicolas L’Impala)

Être photographe, c’est poser un regard sur ce qui se passe devant soi. Rechercher une profondeur, mais aussi donner matière à émotions et à réflexion.

Quel est l’effet recherché lorsqu’on choisit de faire un reportage photo en noir et blanc ?

Nicolas Muller : Le noir et blanc, ça fige vraiment l’évènement. Ça accentue ce côté historique à la situation qu’on vit actuellement et qui est totalement inédite. C’est la plus grave crise sanitaire que l’on connaît depuis la grippe espagnole (1918/1919). Les reportages au GMR de Mulhouse et au CHL de Luxembourg avaient été réalisés de cette façon, en noir et blanc, et j’ai tout simplement repris leur idée car je trouvais ce choix pertinent.

Pourquoi avoir axé principalement votre travail sur du portrait ?

Le but était de mettre en avant les différents visages qui sont acteurs de cette lutte contre le Covid-19. Donc pas seulement des portraits du personnel soignant mais du personnel hospitalier dans son ensemble (logisticiens, techniciens, etc.), car eux aussi ont un rôle très important à jouer. Notre objectif de départ, à Dom et moi, c’était d’avoir une vision globale de tous les secteurs, de tous les services, de tous les départements de l’hôpital.

Effectuer ce photoreportage avec un téléobjectif, c’était un choix délibéré de votre part ?

Oui, en fait, ça me permet de shooter les gens à distance, sans être vu, et de saisir des moments pris au vif, naturels, pas forcément posés. J’aime travailler comme ça lorsque je fais des reportages sportifs ou des mariages. Ça permet de saisir des actions diverses, de partage, où ils discutent entre collègues, par exemple. Je cherchais à capter une vision juste, fidèle, pas scénarisée de ce qui se passe en hôpital. Car c’est avant tout ces gens et leur travail qui doit être valorisé, mis en avant. Et surtout que des années après, en retombant sur ces photos, on puisse se souvenir avec le plus de précision possible de l’émotion ressentie à ce moment-là, qu’elle retranscrive aussi bien la situation, l’atmosphère, le contexte. Que mes photos servent modestement de témoin visuel. Moi à la base si je photographie, c’est pour faire de l’humain, mettre en valeur les personnes que je mets en boîte.

I. B.-H.

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