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Mort de Corentin : les deux chirurgiens de Metz devraient être jugés


Corentin, 11 ans, avait été opéré en 2014 à la clinique Claude-Bernard d'une appendicite alors qu'il souffrait d'une colopathie fonctionnelle (photo : archives RL).

Le parquet de Reims demande le renvoi en correctionnelle pour homicide involontaire des deux chirurgiens qui ont échoué à sauver le jeune Corentin lors d’une opération de l’appendicite qui a tourné au cauchemar à l’hôpital-clinique Claude-Bernard le 1er  novembre 2014. Dans ses réquisitions, le parquet de Reims considère que la clinique n’a pas de responsabilité pénale dans le dossier.

Après six ans d’enquête judiciaire, trois juges d’instruction et un dépaysement du dossier de Metz à Reims, il y aura donc un procès dans les prochains mois dans l’affaire Corentin. Les deux chirurgiens mis en examen depuis la rentrée 2016 doivent être renvoyés en correctionnelle, selon le parquet de Reims. Ils encourent jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende pour homicide involontaire par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence. Les charges qui pèsent sur le premier chirurgien qui a opéré Corentin, 11 ans, d’une appendicite dont il ne souffrait pas, à la clinique Claude-Bernard à Metz, le 1er  novembre 2014, et sur Pierre-Noël Chipponi, qui a échoué à stopper l’hémorragie qui tuait l’enfant, sont étayées par l’enquête.

«Incapacité à gérer un accident d’une telle gravité»

L’intervention réalisée par les chirurgiens, anesthésistes et infirmiers ne s’est pas déroulée dans les règles de l’art, ce que rappelle le procureur dans les réquisitions qu’il a rendues il y a quelques jours et que nous avons consultées. Le premier chirurgien, Salah Benlahrir, est sévèrement critiqué : «À l’imprudence de l’utilisation d’une technique hybride [de cœlioscopie] s’est ajoutée une maladresse technique dans la profondeur d’insertion [d’un outil] qui a conduit à une double perforation de l’aorte abdominale», insiste le procureur. Les deux praticiens ont, en outre, perdu du temps.

Le Dr Chipponi, chirurgien gastrique, est appelé en renfort par le premier alors que Corentin est en état de choc. Ce deuxième chirurgien «a mal évalué ses capacités à gérer un accident d’une telle gravité, tant sur le plan stratégique que technique», estime le parquet de Reims. Il s’entête mais rate une plaie à l’arrière de l’aorte. La situation devient gravissime pour Corentin. Mais le Dr Chipponi refuse notamment, malgré les conseils qui lui sont donnés dans le bloc, de faire appel à un confrère, spécialiste de la réparation des vaisseaux, présent dans le bloc voisin et qui a proposé ses services. Le parquet de Reims et les experts estiment que le délai de trois heures pris par le Dr Chipponi pour effectuer ses sutures est « anormalement long ».

Il ne souffrait pas d’appendicite

Et puis, il y a eu une erreur de diagnostic initial. Le premier chirurgien n’aurait pas dû opérer la jeune victime! L’enquête établit «un diagnostic prématuré d’appendicite» et «une indication [d’opération] peu étayée». Souffrant de maux de ventre chroniques, Corentin avait consulté plusieurs médecins avant que ses parents l’emmènent passer un scanner à Claude-Bernard, le 31 octobre. Examen qui ne donne rien, mais les parents sont dirigés vers les urgences pour la prescription d’un antalgique, car Corentin a mal.

Là, le dossier est revu et l’avis du chirurgien de permanence est demandé. Il plaide pour l’intervention, qui tournera à la catastrophe le lendemain. «L’enfant ne souffrait pas d’une appendicite […]. Il souffrait d’une colopathie fonctionnelle, caractérisée par des troubles du transit et des douleurs abdominales.»

Pas de faute pénale de Claude-Bernard

Le parquet ne retient pas de «faute pénale» de la clinique Claude-Bernard, témoin assisté dans ce dossier depuis l’été 2019. «Si les experts relèvent des écarts s’agissant des gardes en réanimation et de l’organisation infirmière au bloc opératoire ou dans la formation de ce personnel, ils ne sont pas à incriminer dans le décès du patient.»

Les parents de l’enfant viennent d’écrire au parquet de Reims, car ils considèrent que la clinique est coresponsable dans le décès de Corentin.

Alain Morvan (Le Républicain lorrain)