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[Basket] Le coach de l’Etzella livre son regard sur la crise


Kresimir Basic, l'entraîneur du club de basket de l'Etzella, livre son regard sur la crise qui touche son sport au Luxembourg, ainsi que sur les bonnes portes de sortie (Photo d'archives : Gerry Schmit).

L’entraîneur d’Etzella s’est longuement confié à nous. Le technicien croate, qui connaît parfaitement les spécificités du basket luxembourgeois, évoque tous les sujets brûlants de la balle orange grand-ducale. De la décision d’arrêter le championnat aux propositions farfelues à 20, en passant par le manque de communication des instances ou un éventuel retour à un étranger, il dit tout !

Sa situation personnelle : « des choses à régler ici»

Kresimir Basic : «Je suis toujours au Luxembourg. Je cherche actuellement le meilleur moyen de rentrer en Croatie pour aller voir ma famille, ce sera certainement en voiture. Mais je suis resté au Grand-Duché car il y a pas mal de choses à régler ici, par rapport à tout ce qui se passe dans le monde du basket luxembourgeois.»

«Pour moi, la décision de tout arrêter est logique. C’est la seule possible car on parle de la santé de tout le monde. C’est bien plus important que le reste. Maintenant, je n’ai pas apprécié la manière dont ça a été annoncé. J’étais à l’entraînement, je venais de donner une interview à propos de la finale de la Coupe et je reçois un message de la part du comité qui m’annonce que tout est annulé. Tout est sur le site de la FLBB, je trouve que ce n’est pas un bon moyen de communiquer. Il aurait été préférable d’en parler d’abord aux clubs avant que ce soit sur la place publique.»

La décision de valider le classement : «Donnez le titre aux soignants !»

«Je peux comprendre que dans des ligues professionnelles, où les places comptent car elles déterminent des positions européennes, on puisse prendre ce genre de décision. Au Luxembourg, être champion, terminer deuxième ou troisième, ça ne change finalement pas grand-chose. Si vous voulez vraiment désigner un champion, désignez les médecins, les infirmières et tout le personnel soignant qui se bat chaque jour pour nos vies. Pour revenir à cette saison, à mes yeux, elle doit être annulée et il faut se mettre autour d’une table pour discuter de la suite à donner. Cette saison, on a vu qu’Esch a pris la première place grâce à sa victoire contre les Musel Pikes. Des Mosellans qui ont joué sans Jean Kox, blessé à une cheville. Mais, à mon avis, s’il avait su que ce match pourrait permettre aux Pikes d’être sacrés, il aurait certainement joué et on ne sait pas ce qui serait arrivé.
En plus, on arrivait aux play-offs, le moment le plus intéressant de la saison, celui où les surprises se produisent. Des matches couperets dans des formules au meilleur des trois ou cinq matches. Sans tout ça, ça ne rime à rien de valider la saison.»

Les différentes suites à donner : «Il faut voir ce qui est le mieux»

«On parle d’une discussion sur le futur à donner au basket luxembourgeois. Il faut voir ce qui est le mieux pour l’ensemble des équipes. On peut constater qu’au moment de l’arrêt de la saison, trois équipes étaient à la lutte pour le maintien et trois de N2 se battaient pour monter. Il faut donc trouver une solution qui soit cohérente. Il y a eu celle de la FLBB à 20 équipes qui, à mes yeux, n’a simplement aucun sens. Et puis il y a des propositions alternatives, notamment avec 14. Selon moi, ce n’est pas une mauvaise idée, cela donne plus de matches, ça peut permettre au basket de se populariser davantage, d’aller dans des endroits différents comme le Knapp à Soleuvre, par exemple, où c’est toujours très excitant de jouer devant une foule enthousiaste et de donner du temps de jeu à tout le monde afin, notamment, que les jeunes puissent se développer.»

L’éventuel retour à un seul joueur pro : «Ceux qui prônent ça n’y connaissent rien»

«En ce moment circule une rumeur selon laquelle certains poussent pour qu’on revienne à un seul joueur pro. Notamment une personne de la FLBB. Je tiens à le dire haut et fort, cette personne n’y connaît rien du tout. Revenir à un seul « import player », c’est une hérésie!
Je sais de quoi je parle, cela fait une vingtaine d’années que je connais le Luxembourg et le basket luxembourgeois. À l’époque, on jouait avec un seul pro dans une ligue à huit. Cela signifie que les meilleurs Luxembourgeois étaient répartis dans ces huit formations. Il y avait de la compétitivité entre tous. Ensuite, on est passé à 1 pro et 1 Bosman, à savoir un étranger qui travaille au Luxembourg. Maintenant, on est à dix équipes avec deux pros et l’Europe est totalement ouverte.
Les partisans d’un retour à un seul pro parlent du fait que ça donnerait plus de place aux Luxembourgeois. Mais ce qu’ils oublient de dire, c’est qu’il ne peut y avoir de bonne compétition que s’il y a un bon entraînement. Tout part de la qualité de l’entraînement quotidien. Si Etzella a été champion l’an passé, c’est parce que mes joueurs devaient se battre comme des fous à l’entraînement. Des séances de très haut niveau car nous avions trois pros avec nous en fin de saison qui ont permis, par exemple, à Ivan Delgado de se développer considérablement.

Avec la situation actuelle, on peut trouver facilement de très bons joueurs pour 1 500 dollars

Le basket moderne est un jeu de transition, de pick and roll et de spacing. Cela demande une relation particulière entre le poste 1, le meneur, et le poste 5, l’intérieur. Et pour y parvenir, vous avez besoin des deux, ce qui est impossible avec seulement un joueur pro. Si je regarde un cas que je connais particulièrement bien, il m’a fallu un an pour établir la relation entre Philippe Gutenkauf et Billy McNutt. Le temps que Billy et Philippe comprennent chacun leur rôle, que Philippe ne se contente pas de prendre la balle et de shooter, mais d’organiser le jeu. Et surtout le temps de faire accepter tout cela à l’équipe. Si on revenait à un seul pro, import ou appelez-le comme vous le voulez, ce n’est pas possible. Il n’y aurait pas la créativité nécessaire pour créer cette connexion entre le 1 et le 5. Vous ne pouvez pas avoir de bon 1 si vous n’avez pas un bon 5 et réciproquement. Le Luxembourg est trop petit pour avoir des joueurs de grande taille de qualité.
Ceux qui sont pour un retour à un pro évoquent aussi une question d’argent. Mais là encore, c’est un faux débat. Je peux vous dire qu’avec la situation actuelle, on peut trouver facilement de très bons joueurs pour 1 500 dollars.

On dit aussi que ça permettrait de laisser la chance aux Luxembourgeois de faire la décision. Mais ce que ce monsieur oublie encore une fois, c’est que, au moment de la rivalité entre les Pikes et l’Amicale, les deux formations avaient de très bon joueurs US, mais que ce sont les Luxembourgeois qui ont été décisifs. Si vous mettez un Samy Picard ou un Alex Laurent chez eux, je suis sûr à pratiquement 100 % que tous les titres de Steinsel seraient allés aux Pikes. Et la saison dernière, c’est bien Philippe Gutenkauf qui a fait la différence lors d’un match 4. Philippe, qui ne serait pas aussi fort et ne se serait pas autant développé s’il n’y avait pas eu Billy McNutt et Tim Coleman à l’entraînement. Vous voulez que je vous dise ce qui va se passer si on revient à un seul pro? Les clubs les plus riches achèteront les meilleurs joueurs luxembourgeois et il faudra des années aux autres pour que leurs jeunes se développent.»

Quel est le bon chiffre ? «Trois tout le temps sur le parquet»

«Pour moi, il faut qu’il y ait trois vrais Luxembourgeois tout le temps sur le parquet. Après, peu importe le nombre de joueurs étrangers que tu as dans l’équipe, si tu en veux cinq, tu en mets cinq si ça permet à ton équipe de progresser à l’entraînement. Je le répète, ce n’est pas en match, mais à l’entraînement qu’on progresse. Il y a quelque temps, j’étais allé voir un match de jeunes. À 3 minutes de la fin, une équipe menait de 98 points. Dans le cinq majeur de cette équipe, il y avait quatre joueurs non éligibles pour l’équipe nationale. Pour moi, ces gens, et j’espère qu’ils se reconnaîtront, délivrent un message totalement désastreux pour la promotion du basket luxembourgeois.»

Les moyens de se développer : «Il faut revenir en Coupe d’Europe»

«Si vous voulez avoir une bonne équipe nationale, vous devez avoir un championnat compétitif. Et vous ne pouvez y arriver qu’en jouant des rencontres internationales. Ce qui manque le plus au Luxembourg actuellement, c’est l’absence de compétitions européennes. Quand j’étais en Autriche, la fédération prenait en charge 50 % des charges pour permettre à ses équipes de participer à des Coupes d’Europe. Avec tous les sponsors qu’il y a au Luxembourg, je suis sûr qu’il y a moyen de faire quelque chose pour que les clubs luxembourgeois retrouvent la Coupe d’Europe. Ça donne de la compétitivité, de la visibilité et ça permet aux joueurs locaux d’avoir une véritable idée sur leur niveau. Vous pouvez jouer avec deux ou trois pros. À l’heure actuelle, quand vous êtes champion au Luxembourg, vous êtes juste champion. Les clubs tentent de se développer, mais n’ont pas de vision, pas de but réel.
Il faut créer plus de joueurs en 3D, des mecs qui savent pénétrer, tirer et passer à un haut niveau. C’est un des problèmes du pays, il faut que les joueurs évoluent à leur vrai poste.»

Son souhaite : «Que la FLBB parle plus avec les coaches»

«Je pense que j’ai une certaine légitimité à m’exprimer. Cela fait longtemps que je suis ici, j’ai l’expérience, j’ai obtenu des résultats, je me suis occupé des équipes de jeunes. Et ce que je constate, c’est que la fédération devrait davantage prendre l’avis de celles et ceux dont le basket est le métier. Que ce soit au niveau des clubs comme au niveau de l’équipe nationale. Je trouve qu’au lieu de faire un référendum pour demander aux capitaines des équipes leur avis, il serait préférable de parler avec les techniciens, qui savent ce qui est bon pour le basket national.»

Son hommage : «Bravo aux practice players»

«L’impatience est la pire des choses pour un joueur de basket. Ils doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas arriver comme cela sur un parquet. Il faut passer par plusieurs étapes et on a besoin de practice players. Des joueurs qui apprennent et font travailler les autres à l’entraînement. Ce n’est pas évident de trouver des joueurs avec une telle mentalité. C’est cette mentalité qui doit être changée. Et je tiens à rendre hommage à ceux qui l’ont. En effet, il n’y a pas de talent sans travail. Et pour bien travailler, il faut s’entraîner. À 10 au moins et même à 15 car cela permet plus de latitude, de faire plus d’exercices. Je tiens à dire à quel point je suis content et fier d’être coach de cette équipe d’Etzella avec qui j’ai un contrat jusqu’en septembre 2021. Avec ces joueurs pour qui le basket importe plus que l’argent. Qui ont cette mentalité. Bravo à eux!»

Romain Haas

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