Pauvre Grand-Duché !

La forte croissance économique et démographique du Luxembourg n’a pas seulement un prix en termes de mobilité et de logement. Elle impacte aussi la cohésion sociale. Mardi, le Statec est venu confirmer que les inégalités sociales ne cessent de se creuser. Aucune mesure prise jusqu’à présent par le gouvernement en place depuis fin 2013 n’a permis de freiner la spirale infernale. Seule petite consolation : le taux de pauvreté stagne autour des 18 %. Mais est-ce qu’un pays aussi riche que le Grand-Duché peut continuer de se permettre que près d’un cinquième de sa population soit exposé à la pauvreté ? Et est-ce qu’il faut accepter que le fossé entre les plus riches et les plus démunis continue de s’agrandir ? Mardi, le directeur du Statec n’a pas souhaité répondre à la question. Serge Allegrezza l’a cependant subtilement renvoyée dans le camp politique. «En bas de l’échelle, la situation ne s’est pas dégradée», constate-t-il. «Il reste à trancher la question sociétale et même philosophique de savoir s’il s’agit d’une bonne évolution».

Pour les syndicats, la réponse est claire : un tel cercle vicieux n’est ni sain ni tolérable. Dans un petit pays comme le Grand-Duché, où les résidents non luxembourgeois représentent désormais 47,5 % de la population, la cohésion sociale est indispensable. Cette devise est souvent répétée dans les discours des politiciens. Mais les citoyens les moins aisés importent-ils autant que le grand capital? En considérant les seuls chiffres du budget 2020, la réponse est oui. Près de la moitié des dépenses de plus de 20 milliards d’euros sont des transferts sociaux. Et heureusement. Car sans l’intervention de l’État, le taux de pauvreté ne serait pas de 18,3 % mais culminerait à 27,5 %. Le Statec confirme que ces mesures sociales ont un effet. Mais plus de 105 000 personnes restent exposées à la pauvreté. Hallucinant. Le gouvernement serait donc bien inspiré de suivre une suggestion du directeur du Statec : faire vérifier l’efficacité des mesures sur la base des expériences d’Esther Duflo, lauréate du prix Nobel d’économie pour ses travaux sur la pauvreté.

David Marques