Deux tankers, norvégien et japonais, ont été la cible jeudi d’une attaque d’origine indéterminée en mer d’Oman, en plein Golfe, une région déjà sous tension du fait de la crise entre les Etats-Unis et l’Iran.
Cet incident dans un passage maritime, stratégique à l’échelle mondiale, a immédiatement fait grimper les prix du pétrole. Il constitue un nouvel avertissement dans les tensions régionales, un mois quasiment jour pour jour après des attaques contre quatre navires, dont trois pétroliers, au large des Emirats arabes unis, acte pour lequel Téhéran a été montré du doigt par Washington.
Jeudi, la Ve Flotte américaine basée à Bahreïn a indiqué avoir reçu deux « appels de détresse » tôt dans la matinée émanant de pétroliers en mer d’Oman, affirmant qu’ils auraient été la cible d’une « attaque ». Puis, à Oslo, les autorités maritimes ont clairement parlé d’une attaque, en rapportant que trois explosions avaient eu lieu à bord d’un pétrolier norvégien.
Battant pavillon des îles Marshall, ce pétrolier, « Front Altair », propriété du groupe norvégien Frontline, a été « attaqué » entre les Emirats et l’Iran, « à 6h03, heure locale », ont annoncé dans un communiqué les autorités maritimes norvégiennes. Elles ont précisé qu’aucun membre d’équipage n’avait été blessé. Le Front Altair, un tanker de 111 000 tonnes, est en flammes et des secours sont sur place, ont-elles ajouté. Ultérieurement, la TV d’Etat iranienne Irib a montré des images spectaculaires d’un navire au milieu duquel s’élevait une épaisse colonne de fumée noire.
Un navire japonais également attaqué
Le second navire, le Kokuka Courageous, un méthanier, a essuyé des tirs mais tout l’équipage a été sauvé après l’abandon du navire, et sa cargaison de méthanol est intacte, a affirmé son opérateur japonais, Kokuka Sangyo. « Il semble que d’autres navires aient également essuyé des tirs », a dit le président de la compagnie, Yutaka Katada, aux journalistes à Tokyo, confirmant des informations de sa société mère de Singapour, BSM Ship Management.
Cette dernière avait annoncé que le Kokuka Courageous avait été la cible d’un « incident de sécurité » et que les 21 membres d’équipage avaient été secourus.
Des « incidents suspects » pour Téhéran
L’Iran a exprimé ses « inquiétudes » après des « incidents suspects ». Dans un premier temps, Téhéran a parlé d' »accident » et indiqué avoir porté secours à « deux tankers étrangers » en mer d’Oman. « Quarante-quatre marins ont été sauvés (…) par une unité de secours de la Marine (iranienne) de la province d’Hormozgan (sud de l’Iran, NDLR) et transférés au port de Bandar-é Jask », a écrit Irna. Les deux incidents ont eu lieu à une heure d’intervalle à 25 mille nautiques et 28 milles nautiques de Bandar-é Jask, a ajouté l’agence officielle.
Alors que le Premier ministre japonais Shinzo Abe effectue une visite historique en Iran, pour tenter d’atténuer la tension entre Téhéran et Washington, la République islamique a jugé hautement suspecte la survenue de ces « attaques ». « Le mot suspicieux ne suffit pas à décrire ce qui transpire apparemment » de ces « attaques » contre des « tankers liés au Japon survenues » au moment même où « le Premier ministre (japonais) rencontrait » le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, a réagi sur Twitter le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif.
De son côté, la Ve Flotte a précisés que « des forces navales américaines dans la région » avaient reçu deux appels de détresse distincts, à 6h12, heure locale et 7h00, heure locale », et qu’un destroyer, l’USS Bainbridge, s’est rendu sur zone. Les cours mondiaux du pétrole ont grimpé dès l’annonce d’un « incident » en mer d’Oman par un service d’information sur la navigation commerciale géré par la Royal Navy britannique.
En début d’échanges européens, vers 8h35 GMT, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en août grimpait de 1,59 dollar (+2,65%) à 61,56 dollars. Le baril de WTI pour livraison en juillet montait de 1,20 dollar (+2,35%) à 52,34 dollars. « Le Royaume-Uni et ses partenaires sont en train d’enquêter », a ajouté l’United Kingdom Marine Trade Operations (UKMTO) sur son site internet.
Le Golfe d’Oman sous tension
Ces attaques interviennent dans un contexte inflammable, sur fond de tensions croissantes entre Téhéran et Washington autour du nucléaire iranien. Les Etats-Unis ont quitté unilatéralement l’an dernier l’accord de 2015 conclu à Vienne puis rétabli et renforcé des sanctions contre la République islamique.
En recevant le Premier ministre japonais, le Guide suprême iranien a rejeté jeudi tout dialogue avec le président américain. Donald Trump « ne mérite pas qu’on échange des messages avec lui », a-t-il dit. Le 12 mai, quatre navires -deux saoudiens, un émirati et un norvégien-, dont trois pétroliers, avaient été endommagés par des « actes de sabotage », attribués à l’Iran par l’Arabie saoudite et les Etats-Unis.
« Les attaques perpétrées ce (jeudi) matin contre deux pétroliers en mer d’Oman sont le dernier signe d’une aggravation des tensions géopolitiques dans la région », a souligné Capital Economics. Evoquant « un risque important (…) d’un conflit pur et simple », ce centre de réflexion a estimé que « cela nuirait gravement aux économies de la région et pourrait avoir des effets indirects majeurs sur l’économie mondiale ».
La cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a appelé à éviter toute » provocation » dans la région. Celle-ci « n’a pas besoin de nouvelles causes de déstabilisation et de tensions et, par conséquent, la Haute Représentante (Federica Mogherini) renouvelle son appel à la retenue maximale », a déclaré sa porte-parole, Maja Kocijancic.
Le Conseil de sécurité de l’ONU tiendra jeudi, à la demande des Etats-Unis, une réunion d’urgence à huis clos sur les dernières attaques contre deux pétroliers dans le Golfe, ont indiqué des diplomates.
LQ / AFP