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[Européennes] France : le flop des bulletins jaunes


La visibilité dans les rue des gilets jaunes ne s'est pas traduite dans les urnes. (illustration AFP)

Les gilets jaunes ont mobilisé dans la rue, pas dans les urnes. Les deux listes issues du mouvement de contestation sociale qui a provoqué la plus grande crise du quinquennat n’ont mobilisé ensemble que 0,5% des électeurs dimanche, selon les premières estimations.

« Alliance jaune », menée par le chanteur Francis Lalanne, a remporté environ 0,5% et « Évolution citoyenne », avec à sa tête Christophe Chalençon, moins de 0,5% des voix lors de ce scrutin européen, loin du seuil des 5% nécessaire pour envoyer des élus au Parlement européen. Le mouvement s’est aussi immiscé dans des partis qui ont intégré des « gilets jaunes » sur leur liste. Benjamin Cauchy était ainsi en 9e position de la liste de Nicolas Dupont-Aignan (DLF, environ 3,6%) alors que Jean-François Barnaba s’est allié aux Patriotes de Florian Philippot (entre 0,5 et 0,7%).

L’UPR et le PCF ont également revendiqué la présence de quelques gilets jaunes sur leurs listes. Né de contestations sur le prix de l’essence qui se sont étendues à des revendications sur le pouvoir d’achat, la justice fiscale et la participation politique, le mouvement des gilets jaunes a rythmé de longs samedis de manifestations, rassemblant jusqu’à 282 000 personnes le premier jour de mobilisation le 17 novembre, selon le ministère de l’Intérieur. Très vite la question d’une traduction politique et électorale du mouvement s’est posée.

Dans les premiers sondages qui, dès décembre, introduisaient dans leurs enquêtes l’éventualité d’une liste gilets jaunes, celle-ci était donnée aux alentours de 10% d’intentions de vote. Mais au fur et à mesure de l’approche du scrutin et de la structuration en listes, les résultats se sont érodés. Plusieurs figures du mouvement ont tenté de monter des listes, la plupart ont abandonné. Les deux représentants, au final, ont été critiqués par des historiques du mouvement. Le passé de Christophe Chalençon, réputé proche de l’extrême droite, était souvent pointé du doigt, quand Francis Lalanne était accusé de « récupération » du mouvement.

Beaucoup de reports sur le RN

« C’est un mouvement qui a pour caractéristique de systématiquement voir les personnes voulant en être les représentants délégitimés, attaqués par leurs pairs et il n’y a pas eu une liste gilets jaunes mais plutôt un héritage convoité par différentes forces », résume Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop. Sur quelles listes s’est déporté le vote gilet jaune ? Selon un sondage Ifop publié vendredi, 44% des personnes se réclamant de ce mouvement avaient indiqué voter pour le Rassemblement national, contre 4% pour La République en marche.

« Le débouché politique du mouvement des gilets jaunes dans ces élections européennes, c’est très clairement le RN », analysait alors Jérôme Sainte-Marie, président de PollingVox. Pourtant, chez des figures des gilets jaunes, le vote semble beaucoup plus éclaté. Thierry Paul Valette, qui avait constitué une liste avant d’abandonner, a appelé à voter pour la liste LREM soutenue par Emmanuel Macron avant de finalement s’abstenir. Ingrid Levavasseur, un temps sur la liste Alliance jaune, a glissé un bulletin EELV dans l’urne, a-t-elle indiqué. Jacline Mouraud a elle décidé de voter blanc. Hervé Giacomoni, porte-parole des « gilets jaunes » de l’Aube, s’est rangé du côté de l’UPR pour soutenir le Frexit.

« On parle de gilets jaunes, ça tend à unifier le groupe mais ce qui les caractérise c’est que justement, il y a des gens qui sont très différents », analyse Emmanuelle Reungoat, maîtresse de conférences à l’université de Montpellier. « Ce qui les rassemble c’est plutôt la défiance à l’égard de la représentation », ajoute-t-elle. La structuration du mouvement en listes électorales a divisé au sein des gilets jaunes, certains considérant que leur mouvement était profondément anti-système et d’autres pensant qu’il fallait intégrer le système pour le changer.

« On peut être dans la rue, avoir des revendications et les scander mais à un moment donné (…) il faut pouvoir dire les choses en rentrant dans le système », estime Ingrid Levavasseur, qui compte se présenter aux élections municipales. « Il faut qu’on reste un mouvement d’opposition », souligne Yacin Chebad, impliqué depuis le début du mouvement des « gilets jaunes » lillois. Lui plaide pour un retour aux origines: les blocages des ronds-points.

LQ/AFP