La France a été condamnée jeudi par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour une enquête « lacunaire et déficiente » menée à la suite d’un coup de feu tiré par un policier lors d’une interpellation il y a une vingtaine d’années en Moselle.
Les faits se sont produits le 8 mars 2000 à Thionville. Deux policiers étaient intervenus pour une supposée tentative de cambriolage dans un immeuble. Arrivés sur les lieux, les policiers avaient procédé à l’arrestation de deux hommes présents sur les lieux, dont le blessé, Fouhed Chebab, âgé de 24 ans à l’époque. Durant l’interpellation, l’un des policiers avait fait usage de son arme, touchant Fouhed Chebab à la gorge.
L’enquête sur les circonstances de ce coup de feu avait conclu à un acte de légitime défense, le policier affirmant que Fouhed Chebab l’avait menacé avec un couteau, ce que niait ce dernier. M. Chebab avait été jugé pour « violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique avec usage d’une arme » mais le tribunal correctionnel de Metz avait conclu à la nullité de la procédure en raison d’irrégularités lors de sa garde à vue, décision confirmée en appel.
20 000 euros pour dommage moral
En 2002, Fouhed Chebab avait déposé plainte pour tentative de meurtre contre le policier auteur du tir mais en 2010, la justice avait rendu un non-lieu, les juges retenant la thèse de la légitime défense invoquée par le policier. Le pourvoi en cassation de la victime contre cette décision avait été rejeté.
Dans sa décision rendue jeudi, la CEDH conclut à l’unanimité à la violation de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à la vie) en raison d’une absence « d’enquête rapide et effective ». « L’enquête menée à la suite du coup de feu tiré par un policier lors d’une interpellation a été lacunaire et déficiente », considère la cour. Toutefois, la France n’est pas condamnée pour l’usage par le policier de son arme : le tir, bien que « regrettable », n’était pas excessif « face à un individu agressif », notent les juges dans leur arrêt.
En revanche, sur un plan purement procédural, ils ont estimé que « l’enquête sur les faits reprochés au requérant (avait) souffert de nombreuses lacunes (et) irrégularités ». « L’instruction en elle-même a été longue, puisqu’elle s’est déroulée sur près de huit années » et « les procédures d’enquête concernant (les conditions de l’interpellation) n’ont été ni rapides ni effectives », épingle encore la Cour, qui a alloué 20 000 euros à Fouhed Chebab pour dommage moral.
LQ/AFP