Plusieurs milliers de personnes ont manifesté samedi à Metz pour la justice écologique et sociale en marge du G7 Environnement qui se réunit pendant deux jours dans la capitale lorraine.
Ils ne croient plus à ces grands raouts internationaux à l’issue desquels les dirigeants politiques prennent des engagements environnementaux minimalistes qu’ils ne respecteront même pas. Pour dire leur défiance aux ministres de l’Environnement du G7 réunis hier et aujourd’hui à Metz (lire ci-dessous), quelque 4 500 à 5 000 manifestants – 3 000 selon la police – ont défilé samedi dans les rues de la capitale lorraine, le long d’un parcours qui les a menés du parc de la Seille à la place de la République.
Ils ont répondu à l’appel de l’AlterG7, événement de deux jours organisé par 40 associations environnementales, collectifs citoyens, syndicats, partis politiques et la coordination des «gilets jaunes» du Grand Est, qui s’était pleinement associée à l’initiative.
Les slogans anticapitalistes des «gilets jaunes»
De quoi contredire le gouvernement français opposant l’écologie au mouvement social des «gilets jaunes», né de la contestation d’une taxe carbone sur les carburants. «Il est vrai que nos revendications portent d’abord sur le pouvoir d’achat. Mais nous ne sommes ni contre l’écologie ni contre les impôts, au contraire, nous sommes pour l’impôt juste. Nous nous battons pour l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants», dit Lionel, «gilet jaune» de 56 ans, venu de Lunéville. Avec ses amis Véronique, Jean-Louis et Erwan, ils sont convaincus que «tout est lié».
Et cela tombe bien : la manifestation de samedi était baptisée Marche internationale pour la justice écologique et sociale. De fait, les «gilets jaunes» étaient nombreux dans le cortège dont ils avaient pris la tête, scandant des slogans explicitement anticapitalistes.
La mise au point d’une lycéenne
Juchés sur un camion, des activistes d’organisations environnementales mais aussi de la CGT, d’Attac Moselle ou de la France insoumise, parmi d’autres, ont pris la parole au début et à la fin du parcours sous les applaudissements des manifestants, reprenant en chœur les deux slogans du jour : «Ils sont sept, nous sommes sept milliards» et «Un degré, deux degrés, trois degrés, c’est un crime contre l’humanité».
Une lycéenne a dit sa colère aux dirigeants politiques qui hypothèquent l’avenir de sa génération au nom du profit avant de lancer en forme de mise au point : «Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend.»
Entre les banderoles, drapeaux et pancartes de Stop-Bure, Stop-Knauf, Amazon non, Oxfam France, du PCF ou des Amis de la Terre, ceux de Fridays for future Sarre, du Parti du travail de Belgique ou de déi Lénk pour le Luxembourg ont témoigné de la dimension internationale du rassemblement.
Impressionnant déploiement policier
Dans un contexte de répression violente des mouvements sociaux et syndicaux en France, les organisateurs avaient insisté sur le caractère pacifique et non violent de cette marche. L’impressionnant déploiement de policiers et gendarmes, qui ont bouclé une grande partie du centre-ville messin depuis samedi matin, est resté en retrait de la manifestation qui s’est dès lors dispersée dans le calme.
Un groupe de «gilets jaunes» s’est néanmoins dirigé vers l’A31 où la circulation avait déjà été bloquée pour l’arrivée des délégations du G7 Environnement. Ils y ont renversé quelques plots avant de s’égayer sur la presqu’île du Saulcy où ils ont joué à cache-cache autour du campus universitaire avec les forces de l’ordre. Une quinzaine d’entre eux ont finalement été entraînés vers une nasse à hauteur du Moyen-Pont où les attendaient une centaine de CRS et policiers en civil lourdement équipés et armés. Ils y ont été bloqués tandis que des dizaines de dizaines de passants, dont des familles avec des enfants en bas âge, se voyaient interdits de gagner le centre ville. L’encerclement a été levé au bout d’une heure. Sans violence.
Fabien Grasser
Les ministres de l’Environnement du G7, réunis hier et aujourd’hui à Metz, ont démarré des discussions autour de quatre objectifs dont le premier est de lutter contre les inégalités par une transition écologique juste. Cette rencontre vise à préparer le sommet des chefs d’État et de gouvernement du G7 à Biarritz, fin août. «Nous devons sortir de ce G7 avec des choses très concrètes qui dépassent les discours», a exhorté la secrétaire d’État française à la Transition écologique, Brune Poirson, à l’ouverture des débats.
Outre les pays du G7 (France, Canada, Allemagne, États-Unis, Italie, Japon, Royaume-Uni), sont présentes des délégations du Mexique, du Chili (qui accueillera la COP25 climat fin 2019), du Niger, du Gabon, d’Égypte, d’Inde, d’Indonésie, des îles Fidji, de la Norvège et de l’UE. Ils examinent une série d’initiatives (lutte contre la déforestation, les pollutions plastiques, des systèmes de climatisation propres, la protection des récifs coralliens, etc.), qui doivent déboucher sur la formation de coalitions de pays pour les porter.
Le sommet doit se conclure par l’adoption d’une charte biodiversité par les pays qui le souhaitent. Elle n’aura pas de caractère contraignant, alors que les États-Unis de Donald Trump nient l’origine humaine du dérèglement climatique. Pour sa première intervention hier matin, Andrew Wheeler, le patron de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) et ancien lobbyiste du secteur du charbon, a regretté que «trop d’attention soit accordée aux scénarios du pire» sur le climat. «Ces propositions ont notre soutien entier», a en revanche déclaré le commissaire européen à l’Environnement, Karmenu Vella.
Aujourd’hui sera rendue publique à Paris la version finale d’un vaste rapport sur la situation mondiale des écosystèmes. Jusqu’à un million d’espèces seraient en danger, selon une première version de ce texte. En s’appuyant sur ces travaux, «nous nous accorderons sur les meilleurs moyens pour rehausser la place accordée à la biodiversité sur la scène internationale et pour aboutir à un résultat ambitieux à la COP15» biodiversité en Chine fin 2020, a promis le ministre français de la Transition écologique, François de Rugy, à l’ouverture du sommet.
En marge du G7 Environnement, des conférences sur la biodiversité, le changement climatique et la transition écologique sont proposées à la société civile au Centre Pompidou-Metz, dont l’accès est cependant strictement limité. Pour de nombreuses associations, le compte n’y est pas. Les membres du G7 font partie des pays «les plus riches, les plus développés, mais aussi les plus pollueurs de la planète», rappelle Réseau action climat. Ils représentant à eux seuls plus du quart des émissions planétaires de CO2.
Le transport des délégations officielles du G7 Environnement entre le lieu de leur hébergement et le centre des congrès sera assuré par des bus électriques. De quoi parfaire l’image écolo de la Ville et se conformer à la norme ISO 20121 revendiquée par le sommet. Problème : le réseau de transport public messin ne possède pas de tels véhicules, les bus Mettis étant alimentés au moteur diesel à assistance électrique. Qu’à cela ne tienne, un accord a été passé avec Amiens qui a mis en service des bus entièrement électriques à l’automne dernier.
La capitale picarde prête ainsi deux de ses bus baptisés Nemo. Mais leur autonomie étant forcément limitée, impossible de leur faire parcourir les quelque 400 km séparant les deux villes. Ils ont donc été chargés sur des poids lourds pour accomplir ce voyage, poids lourds alimenté évidemment au diesel. Pas vraiment optimal pour l’empreinte carbone, mais parfait pour faire illusion le temps d’un sommet pour lequel Metz n’a pas ménagé ses efforts de communication sur ses vertus écologiques.