Le Premier ministre, Xavier Bettel, est fier de la transformation du pays, entamée il y a cinq ans. Désormais, les médias internationaux comparent le Luxembourg à une oasis et plus à un paradis fiscal selon lui.
Êtes-vous toujours à la tête d’un paradis fiscal ?
Xavier Bettel : Je ne sais pas qui considère encore le Luxembourg comme un paradis fiscal, je ne l’ai plus entendu depuis longtemps de manière officielle. Je pense, au contraire, que le Luxembourg a eu droit à d’autres qualificatifs dans des articles très élogieux des médias internationaux qui parlaient d’oasis avec une économie qui fonctionne bien et je préfère de loin ce terme. Il y a un peu plus de cinq ans, quand j’ai pris le pouvoir, le Luxembourg figurait sur toutes les listes grises et noires et nous avons réussi à en sortir. Nous sommes devenus un pays où les compétences, le savoir-faire, la stabilité politique, les infrastructures et un système fiscal attractif respectueux des standards internationaux sont unanimement salués. Je n’ai lu que des articles qui évoquent un modèle qui fonctionne.
L’Union européenne parviendra-t-elle un jour à obtenir une harmonisation fiscale que la Commission appelle de ses vœux ?
La fiscalité est une compétence nationale et la fiscalité au Luxembourg fait aussi partie d’une politique sociale, une politique avec un taux super réduit pour les produits d’hygiène, les vêtements pour enfants, la restauration, comme nous le prévoyons… Je n’ai pas envie d’augmenter ma fiscalité de 10, 15 ou 20 % parce que d’autres pays n’arrivent pas à gérer leurs dépenses publiques d’une autre manière.
La fiscalité fait partie de l’économie
La théorie du ruissellement et les premiers de cordée vous y croyez ?
Non, il faut arrêter de penser que fiscalité et économie sont ennemies. La fiscalité fait partie de l’économie. Si je dispose d’une fiscalité qui motive les gens à travailler et à investir, j’aurais une économie qui marchera mieux. Je dois créer l’argent que je veux dépenser. Si je veux une bonne politique sociale, je dois d’abord avoir une économie qui fonctionne grâce à des atouts attractifs sans tomber dans le piège du dumping fiscal qui permet à des sociétés de payer moins d’impôts par rapport à d’autres.
Le Luxembourg n’est plus le pays des boîtes aux lettres ?
Le Luxembourg a fait des efforts énormes et la substance est devenue la réalité et la boîte aux lettres l’exception.
Le Luxembourg fait partie des pays qui freinent la taxe des géants du net que sont Google, Amazon, Facebook et Apple, autrement dit la taxe GAFA, pourquoi ?
Nous défendons les intérêts économiques européens. J’étais le premier à dire qu’il fallait trouver une solution, mais je pense que l’économie européenne doit rester compétitive et ne peut pas se permettre de faire partir ces entreprises vers Londres ou Dubai. Surtout Londres, car il ne faut pas oublier que Londres nous quitte demain.
Certains emplois qui existent aujourd’hui n’existaient pas il y a 15 ans
Aujourd’hui, plus d’un tiers des transactions boursières est effectué par des robots. Faut-il en avoir peur ?
La digitalisation a droit désormais à un ministère dédié, car nous estimons que la numérisation a un rôle important qui ne cessera de croître. Il est vrai que certains emplois qui existent aujourd’hui vont disparaître, mais d’autres vont se créer. Il faut être prêt et si on a peur, cela signifie qu’on n’est pas prêt. Demain, l’intelligence artificielle sera une réalité et si des robots effectuent des transactions boursières, il faut savoir que demain notre réfrigérateur fera nos courses et des bus et des voitures rouleront seuls. Certains emplois qui existent aujourd’hui n’existaient pas il y a 15 ans. L’intelligence artificielle est aussi une question de souveraineté. Si demain l’Europe et donc aussi le Luxembourg ne sont pas prêts pour l’intelligence artificielle comme l’est la Chine, nous nous trouverons coincés entre les États-Unis et la Chine.
Si les robots provoquent une nouvelle crise financière, aura-t-on les reins assez solides pour y faire face ?
Les robots ne remplaceront jamais l’émotion et nous saurons garder nos fondamentaux. En outre, une hypothétique crise financière ne serait provoquée par des robots mais par les marchés.
Parlons Europe. Que ressentez-vous aujourd’hui quand vous arrivez au Conseil des ministres composé en partie de figures qui balaient d’un revers de la main les valeurs européennes ?
Premièrement, on peut gagner les élections en restant démocrates et le Luxembourg l’a démontré. Deuxièmement, il ne faut pas oublier le projet de paix qu’est l’Union européenne. Certains la voient comme un tiroir-caisse, d’autres ne veulent que profiter de ses avantages. Mais l’Europe s’est donné des règles quand tout va bien mais aucune quand tout va mal et elle a des difficultés à sanctionner […]
Entretien avec Geneviève Montaigu
Retrouvez l’interview du lundi dans notre édition papier de ce 7 janvier.