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Double meurtre de Montigny : Heaulme reprend perpétuité en appel


Ses derniers mots auront été les mêmes qu'au début du procès, les mêmes qu'en première instance : "Montigny, c'est pas moi". (photo AFP)

Francis Heaulme a été condamné à la perpétuité en appel vendredi, par la cour d’assises des Yvelines, pour le meurtre de deux garçonnets de huit ans en 1986 à Montigny-lès-Metz, des crimes qu’il a toujours niés.

La cour a confirmé la peine prononcée en première instance, malgré l’absence de preuves matérielles ou d’aveux venant de l’accusé, déjà condamné pour neuf autres meurtres et incarcéré depuis 1992.

Ses derniers mots auront été les mêmes qu’au début du procès, les mêmes qu’en première instance. Vendredi matin, Francis Heaulme s’est levé et a simplement dit : « Montigny-lès-Metz, c’est pas moi ». Puis il s’est rassis en silence. Quelques minutes plus tard, le jury s’est retiré pour trancher à nouveau si, oui ou non, il est coupable des meurtres de Cyril Beining et Alexandre Beckrich, huit ans, retrouvés au bord d’une voie de chemin de fer le crâne fracassé à coups de pierre dans cette ville de la périphérie de Metz.

« S’ils sont morts, c’est qu’ils ont croisé celui qu’il ne fallait pas », avait estimé jeudi l’avocat général Guirec Le Bras, debout face à l’accusé, qui, à 59 ans, purge des peines pour neuf meurtres. Pour l’accusation, la cour devait donner « définitivement un visage à celui qui a fait disparaître les enfants », en condamnant à la perpétuité celui qui est surnommé le « routard du crime ». Pourtant, ce visage a longtemps été celui de Patrick Dils. Celui d’un adolescent de 16 ans, condamné pour ce double crime puis acquitté en 2002 à la faveur de la révision de son procès, après 15 ans en prison. « Lorsque la justice s’est fourvoyée, égarée, dans ce que mon collègue a appelé un aveuglement collectif, il nous faut le reconnaître », a souligné Olivier Mesrine, l’autre avocat général de ce procès. –

Un doute « à plusieurs visages »

Au cours des trois semaines d’audience, la cour a dû lutter contre le temps et la distance qui la séparaient du crime. Une vingtaine de témoins ne se sont pas présentés, beaucoup d’autres ont été entendus en visioconférence, peinant à rassembler leurs souvenirs. A ces obstacles s’est ajoutée l’absence de preuve matérielle, les scellés ayant été détruits en 1995 par le parquet général de Metz, empêchant toute nouvelle investigation scientifique.

Dès le premier jour, la défense a dénoncé un procès « inéquitable » et demandé l’acquittement de Francis Heaulme. « La justice est quelque part à la recherche de son honneur perdu », a tancé jeudi Liliane Glock, alors que son confrère Alexandre Bouthier rappelait au jury l’importance du « doute ». Ce doute « a plusieurs visages » : celui « de Patrick Dils », celui « d’Henri Leclaire », a insisté l’avocat, évoquant cet ex-manutentionnaire qui avait été soupçonné en 1986 puis en 2014 et finalement mis hors de cause. Me Bouthier a aussi rappelé qu’un autre suspect n’avait jamais été retrouvé : un homme, la chemise et les mains couvertes de sang, vu par un adolescent à proximité des faits. Sans preuve matérielle ni aveu, l’accusation s’est reposée sur un faisceau d’indices pour tenter de convaincre la cour. « L’ADN n’est pas la reine des preuves, pas plus que l’aveu », a soutenu Guirec Le Bras.

« Coupable de substitution »

Le magistrat a rappelé les nombreuses versions de Francis Heaulme sur cette journée du 28 septembre 1986, ses « allusions » à ce dossier faites notamment auprès du gendarme Jean-François Abgrall, qui a arrêté le tueur en série en 1992 et à qui il a un jour confié avoir vu deux enfants morts au bord d’une voie ferrée. « Cette confidence était liée à ce que Francis Heaulme appelait ses ‘pépins’. Dans son langage criminel, un pépin, c’est un crime », a insisté Guirec Le Bras. Les témoignages de trois codétenus de Heaulme ont également nourri l’argumentaire de l’accusation.

En face, les familles, épuisées par 32 ans de procédure, ont déserté les bancs des parties civiles. Chantal Beining, la mère de Cyril, qui a poussé pour que Francis Heaulme soit jugé, souhaitait voir l’aboutissement de son « combat ». A l’inverse, la famille Beckrich, marquée par les aveux ensuite rétractés de Patrick Dils, rejette ce qu’elle appelle un « coupable de substitution ».

LQ/AFP