Un mois après son arrestation surprise au Japon, et alors que personne ne s’y attendait, Carlos Ghosn peut espérer être libéré bientôt sous caution : le tribunal de Tokyo a rejeté jeudi la requête du parquet d’étendre sa garde à vue.
Coup de théâtre dans cette affaire rocambolesque qui a plongé dans la tourmente l’alliance automobile Renault-Nissan, le dirigeant de 64 ans pourrait théoriquement être relâché dès vendredi, en échange du paiement d’une caution, selon la chaîne publique NHK. Rien n’est encore fait cependant, puisque le bureau des procureurs de Tokyo peut contester la décision. « Nous allons procéder de manière appropriée », a simplement commenté le procureur adjoint Shin Kukimoto, lors d’une conférence de presse.
Le parquet a visiblement été pris de court par le rejet humiliant de sa demande d’extension de la garde à vue de Carlos Ghosn jusqu’au 30 décembre. Il est en effet très rare au Japon qu’un tribunal s’oppose à ce type de décision. « Nous avions requis une prolongation parce que nous la jugions nécessaire. Cela aura un impact mais nous allons faire de notre mieux », a souligné Shin Kumimoto. Que va-t-il se passer désormais ? « Il semble que le bureau des procureurs accélère le délai pour une mise en examen supplémentaire », a rapporté la NHK.
Le Franco-libano-brésilien a déjà été inculpé le 10 décembre pour avoir omis de déclarer aux autorités boursières environ 5 milliards de yens (38 millions d’euros) de revenus sur cinq années, de 2010 à 2015. Son bras droit Greg Kelly, arrêté en même temps que lui, a aussi été mis en examen. Mais la garde à vue des deux hommes avait été prolongée sur de nouveaux soupçons de minoration de ses émoluments, cette fois entre 2015 et 2018, pour un montant de 4 milliards de yens (31,1 millions d’euros).
Pas tiré d’affaire pour autant
« Le tribunal a sans doute jugé que l’on pouvait d’ores et déjà trancher sur le fait de l’inculper ou non sur le deuxième motif sans nécessité de prolonger la garde à vue », a commenté l’avocat Yasuyuki Takai, ancien membre de l’unité spéciale du bureau des procureurs de Tokyo, instance qui mène l’enquête sur le puissant patron d’industrie. « De plus, il est possible qu’il soit arrêté pour un troisième motif, on n’en sait rien », a-t-il ajouté.
Même si la garde à vue de Carlos Ghosn prend donc fin ce jeudi, il reste encore en détention sur le premier motif d’inculpation. Mais les avocats du magnat de l’automobile peuvent déposer une demande de libération sous caution, ce qu’ils « n’ont pas encore fait à ma connaissance, à ce moment précis », a indiqué le procureur adjoint.
Carlos Ghosn, qui a connu une chute brutale quand il a été cueilli à la sortie de son jet privé le 19 novembre, séjourne actuellement dans une cellule d’un centre de détention de Tokyo et se montre « combatif », soulignait-on chez Renault récemment. Son avocat, Motonari Ohtsuru, le décrit lui aussi comme « mentalement fort », selon l’agence de presse Jiji. Il s’est préparé à payer une caution de plusieurs centaines de millions de yens. Une maison a été préparée pour lui au Japon, mais étant donné qu’il demeure PDG de Renault une requête sera déposée pour l’autoriser à vivre à l’étranger, rapporte Jiji.
Au cours des auditions, Carlos Ghosn aurait reconnu avoir signé des documents mentionnant des paiements qu’il était censé percevoir au moment de quitter Nissan mais il assure, selon la presse, que ces montants n’étaient pas définitivement établis et n’avaient donc pas à être inclus dans les rapports publics de l’entreprise.
Outre les accusations de dissimulation de revenus, la compagnie reproche à son ancien sauveur des abus de biens sociaux, un motif qui n’a pas encore été évoqué par la justice.
LQ/AFP