L’enseigne à bas prix Tati ainsi que l’ensemble du groupe Agora Distribution ont été placés jeudi en redressement judiciaire, première étape avant une probable cession, qui inquiète fortement les salariés, craignant une vente à la découpe avec à la clé des suppressions d’emplois.
Une période d’observation de six mois et la nomination d’un administrateur judiciaire ont été décidés par le tribunal de commerce de Bobigny, qui examinera les offres de reprise de la société le 29 mai prochain. A ce jour, sept offres ont été émises. Mais aucune ne permet une reprise globale. Le redressement judiciaire avait été demandé par la direction d’Agora Distribution, qui emploie 1 754 personnes et rassemble 140 magasins, afin d’éviter sa liquidation et de permettre sa cession. Le groupe (filiale d’Eram), qui rassemble les enseignes Tati (1 314 salariés, 115 magasins) mais aussi Fabio Lucci, Gigastore et Degrif’Mania, en difficulté depuis plusieurs années, s’était déclaré en cessation de paiement vendredi.
Recherche de repreneurs
Jeudi matin, quelques dizaines de salariés de Tati s’étaient rassemblés devant le magasin historique de l’enseigne, situé boulevard Barbès à Paris, pour réclamer le maintien d’un maximum d’emplois et davantage d’attention de la part des politiques, et notamment des candidats à la présidentielle. « Ils se sont bien déplacés pour aller voir Whirlpool, à 250 salariés, nous on est 1 700 », a pointé Nicole Coger, déléguée CGT. « On demande la vérité sur ce que nous allons devenir, qu’on arrête de nous mener en bateau », ainsi que « la sauvegarde du maximum » des 1 754 salariés menacés, a-t-elle ajouté.
L’actuel propriétaire de Tati, qui veut se recentrer sur ses autres marques (Eram, Gemo…), souhaite avancer rapidement pour parvenir à une décision de cession vers la mi-juin. Le groupe avait déjà tenté en 2015 de vendre Tati, sans succès, faute d’offre jugée suffisamment intéressante. Cette fois, les propositions de reprise sont nombreuses, mais « méritent d’être améliorées, notamment sur le plan social », avait déclaré mardi le PDG d’Agora Distribution, Michel Rességuier. Parmi les sept offres déjà déclarées auprès du groupe, seule celle du fondateur de Gifi, Philippe Ginestet, a été officiellement dévoilée. Elle comprend la reprise de 100 magasins Tati, dont celui du boulevard Barbès, et de 1 200 salariés. La marque Tati continuerait d’être exploitée et 80 millions d’euros seraient injectés pour développer l’enseigne. Un consortium composé de la Foir’ Fouille, Centrakor et Stockomani serait également sur les rangs, selon une source proche du dossier.
Des centaines d’emplois menacés
Mais officiellement, ni l’identité et ni la teneur des offres des autres repreneurs n’ont été dévoilées. Seule certitude à l’heure actuelle: la quasi-totalité des propositions ne concernent que des reprises partielles, portant au maximum sur deux tiers des magasins. Près de 600 emplois pourraient donc être potentiellement menacés. Une des propositions aurait pu permettre une reprise globale, mais « pose des conditions qui ne sont pas recevables », a indiqué mardi Michel Rességuier. « Notre objectif reste de préserver le plus d’emplois possible et que les salariés soient rapidement fixés sur l’avenir des activités. (…) Notre trésorerie ne nous permet pas de tenir des mois », avait ajouté le dirigeant, nommé en mars dernier à la tête d’Agora.
Avant Tati, Michel Rességuier avait pris en 2012 la direction du voyagiste Thomas Cook France, en grande difficulté financière. L’entreprise avait finalement lancé un plan social portant sur 170 emplois. Il avait ensuite rejoint les librairies Chapitre, dont il avait déposé le bilan et engagé la cession magasin par magasin. Faute de repreneur global, 430 emplois avaient dû être supprimés.
Fondée en 1948 par Jules Ouaki, Tati avait été reprise par Eram en 2007. Malgré une stratégie de diversification et d’internationalisation, Tati, enseigne populaire concurrencée par de nouvelles chaînes à prix cassés (Primark pour l’habillement, Action ou Centrakor pour la déco …) et pénalisée par la baisse du marché de l’habillement, a essuyé l’an dernier des pertes opérationnelles d’environ 60 millions d’euros pour un chiffre d’affaires en baisse, à 350 millions d’euros.
Le Quotidien/AFP