La galerie Nei Liicht à Dudelange présente jusqu’au 27 octobre une exposition de l’artiste Robert Frankle sur la question de l’abandon, la perception et la construction de soi.
L’artiste américain Robert Frankle partage aujourd’hui sa vie entre le Luxembourg et l’Italie, et c’est dans son histoire personnelle complexe qu’il puise son inspiration et son énergie. Pour son exposition à la galerie Nei Liicht à Dudelange, c’est autour de la question de l’abandon et de l’adoption qu’il a choisi de composer ses pièces, un sujet qu’il connaît par cœur, ayant été lui-même abandonné puis adopté à sa naissance.
«Divieto di abbandono – L’abbandono e il deposito incontrollati di rifiuti sul suolo e nel suolo sono vietati», comme se nomme son exposition, est un clin d’œil aux panneaux qu’il rencontre lors de ses nombreux séjours à Venise. Des panneaux qui indiquent qu’il est interdit d’abandonner ses déchets sur la voie publique et qui, selon l’artiste, proposent de découvrir lentement les marques et les obsessions qui jalonnent notre identité.
«Derrière chacune de mes pièces, je révèle une petite histoire qui compose notre identité et mon histoire personnelle. Tout ne vient pas forcément de mon histoire, j’observe également beaucoup les gens autour de moi et leurs manies», explique Robert Frankle. Et en parlant de manies, on est accueilli dans l’exposition par une vidéo, La chiave al posto suo, nous montrant une clé de voiture, celle d’une amie de l’artiste, qui est partie en vacances et qui lui demande de rendre visite régulièrement à sa voiture pendant son absence et de lui envoyer des nouvelles. Cette œuvre est une réflexion sur les troubles obsessionnels compulsifs et cette projection que nous faisons de nos angoisses sur nos objets ou actions quotidiennes.
Dans le duo de vidéos Checking et Pounding, il est question de ces mêmes troubles que nous cachons le plus souvent aux yeux des autres. «L’idée pour moi est de transmettre ce que nous ne montrons pas et qui fait partie de nous, qui devient petit à petit notre identité à part entière. Ce sont des choses taboues que l’on enfouit en nous depuis la plus tendre enfance», ajoute l’artiste.
Une question de perception
En parlant de tabous, l’artiste utilise sa propre peau dans la série Scars pour révéler les traces de son identité. Dans cette sorte de roman-photo autobiographique, il se raconte à travers les cicatrices de son corps et les évènements liés à celles-ci. «La peau est un marqueur fascinant, c’est le point de rencontre entre le monde extérieur et notre intérieur, sorte de rempart entre la représentation et l’intimité», ajoute Robert Frankle.
C’est aussi de ce rempart et des barrières que nous nous mettons dont il parle dans la série First Gaze (un autoportrait). Pour cette dernière, il a réalisé des autoportraits au réveil durant deux mois, ne gardant qu’une vingtaine d’images, accompagnées d’une vidéo. Ce moment intime pendant lequel on ne se montre pas au monde et où parfois on ose à peine se regarder soi-même prend ici une grande dimension théâtrale.
Et puis il y a la série Teddy : Fantasy et Reality dans laquelle l’artiste a mis en scène ses nounours et leurs histoires, des histoires non linéaires, fictionnelles ou réelles – la frontière devient mince – comme pourrait les percevoir un enfant, mais aussi comme notre pensée fonctionne.
Enfin, l’installation vidéo Rebecca est de loin la plus évidente sur la question de l’abandon et de l’adoption, retraçant l’histoire de cette petite fille sidéenne abandonnée et recueillie dans une famille et qui n’a vécu qu’une année. À travers les paroles de ses parents adoptifs mises en parallèle, Robert Frankle révèle l’histoire bouleversante de cette petite fille, mais bien au-delà, nous interroge sur la perception que nous avons du monde et surtout de nous-mêmes.
De notre collaboratrice, Mylène Carrière